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Samaras, le rebelle calme

Par Arthur Jeanne à Glasgow. Avec Christophe Gleizes
Samaras, le rebelle calme

Gergios Samaras est reparti pour une nouvelle campagne grecque. Grand cheval pour certains, esthète incompris pour d'autres, l'attaquant grec est un personnage tout en paradoxe. Portrait.

La course d’élan est sereine. Le plat du pied imparable. Avec les yeux fous de celui qui ne sait rien à part qu’il est heureux, Georgios Samaras, les cheveux au vent, fait un cœur avec ses mains, fixe une caméra et glisse sur ses genoux jusqu’à être enseveli par ses coéquipiers. Le calendrier indique « 24 juin 2014 » et la carrière du natif d’Héraklion vient d’être résumée en une rencontre. Ce pénalty qui qualifie la Grèce pour les huitièmes de finale du Mondial aux dépens de la Côte d’Ivoire (2-1) n’est que le 9e but de Georgios en 76 capes. S’il marque peu, il donne beaucoup, comme cette passe décisive offerte à Samaris en 1re période. Cette célébration, c’est celle d’un bel homme qui fait lever les foules les plus folles, grecques ou écossaises, mais n’aime rien plus que de rester seul. Attaquant mais rarement buteur, grec mais élevé à l’école batave, héros mais timide, Samaras est un homme de paradoxes. Un ancien dieu du Celtic Park qui a vibré au son des You’ll Never Walk alone mais qui a toujours eu une peur bleue de se balader à Glasgow. Un joueur que beaucoup considèrent comme bon, mais qui, à 29 ans, s’est engagé à West Bromwich dans l’anonymat le plus total. Mais tout ça, Georgios s’en fiche. Tant qu’il lui reste le football, la Grèce et les autoroutes. Ses trois amours.

Lancé par un restaurateur grec, fan d’Heerenveen

Des cœurs, Georgios Samaras en a brisé. À Glasgow, on l’appellait même Gorgeous George, en référence à sa belle gueule. Cheveux soyeux, barbe christique et port altier, le bel Hellène aurait été parfait dans un péplum, à ceci près que du héros, il a déjà porté le costume, jamais le caractère. Planqué chez lui avec sa femme tel un ermite, le Grec est cet inadapté cher au groupe Trust. « Je dois avouer que je suis antisocial. Je suis agoraphobe, aussi. Quand j’ai des amis ou de la famille qui viennent me voir et veulent aller faire un tour en ville pour une balade ou du shopping, c’est difficile pour moi de les accompagner. La plupart du temps, je me relaxe chez moi, me prépare pour le match suivant. Je ne sors pas beaucoup. J’aime rester à la maison, bouquiner et regarder des films. » Un homme qui sera aussi heureux à West Bromwich, bassin minier et ouvrier de l’Angleterre qu’à Glasgow, mais toujours un peu moins qu’en Grèce, son amour de toujours, qu’il a délaissé à l’âge de 16 ans. Si le gamin, issu d’une lignée de footballeurs, baigne dans le ballon rond depuis son plus jeune âge, c’est grâce à une rencontre extraordinaire que le grand gaillard va faire son premier pas vers le monde pro. Tandis que Ioannis, son paternel, salarié du Pana, avoue avoir « essayé de le faire pratiquer d’autres sports comme le tennis ou le basket » , Georgios, lui, tape le ballon partout et notamment devant un restaurateur d’Heraklion, ami de la famille, qui interrompt son service pour… décrocher le téléphone et signaler l’émergence d’un phénomène au club… hollandais d’Heerenveen. Foppe de Haan, premier coach de Samaras aux Pays-Bas, se souvient de cet intermédiaire un peu particulier : « Il nous a appelés pour nous dire de le regarder de près. L’homme tenait un restaurant à Heraklion et était supporter d’Heerenveen ! Georgios est venu en Hollande pendant ses vacances. Très vite, j’ai été impressionné par son physique et ses qualités. On a discuté et j’ai vu qu’il avait une tête bien faite, alors on n’a pas hésité. » Samaras non plus n’hésite pas. Sollicité à l’époque par de plus grosses crèmeries, il ne s’enflamme pas et fait le choix de la raison. Celui de grandir tranquillement dans le Nord de la Hollande : « Mon père m’a dit :« Si tu veux aller là-bas, alors tu devras être seul. Si tu restes ici, tu auras ta famille, tes amis. Tu dois choisir. » Quand j’y ai été pour l’essai, ça m’a convaincu. J’ai vu que toutes les conditions étaient réunies pour jouer au foot. Il y avait une énorme différence avec la Grèce au niveau du professionnalisme, même en U16. »

Ce choix est loué par Ioannis : « À cet âge, tout le monde veut le glamour, cherche à signer le meilleur contrat, dans le club le plus prestigieux, mais lui cherchait seulement le meilleur environnement pour progresser personnellement. Il sentait déjà ce genre de choses à l’époque. Il voulait autre chose que l’argent, un appartement ou une belle voiture. » Logiquement, les premiers mois sont délicats pour l’adolescent grec déraciné qui compose seul avec le ciel bas de la Frise et cette saloperie de langue néerlandaise : « C’était hyper dur pour moi d’arriver à Heerenveen, les cultures hollandaise et grecque sont opposées. Tu quittes ton cocon pour arriver dans un endroit où il fait nuit à 16 heures. Les magasins sont fermés à 17h, les restaurants à 20h. Les 3 premiers mois en Hollande, j’étais perdu. J’avais 16 ans, je ne savais vraiment pas quoi faire. J’étais seul, loin de ma famille, mais j’ai trouvé le moyen de réussir. » C’est là-bas que la tige d’1m93 diversifie son football et se façonne un style de jeu à son image : paradoxal. Dangereux en un contre un, technique et très agile malgré sa grande taille, Samaras n’est pas un vrai buteur. Influencé par l’école batave, il abhorre le kick and rush. Dommage quand on atterrit à Manchester City en 2006 avec de drôles d’oiseaux en guise de coachs.

« Il doit arrêter de penser qu’il est Ronaldinho s’il veut devenir un bon joueur »

À l’époque, les Citizens subissent un sérieux ravalement de façade et Gorgeous George a du mal à s’imposer dans une équipe minée par les conflits internes. Le Grec traîne sur son dos le prix de son transfert et la responsabilité trop lourde d’une attaque famélique. Lors de la saison 2006-2007, City inscrit en tout et pour tout 10 buts à domicile. Georgios, qui score pourtant 8 fois, devient le bouc émissaire du City of Manchester Stadium. Les supporters de City qui ont la vanne facile le surnomment vite « Greek tragedy » . Un surnom un peu dur pour Ousmane Dabo, son coéquipier en Angleterre : « Je pense qu’il n’a pas percé car il n’avait pas de grand attaquant à ses côtés, qui aurait pu prendre la pression à sa place. On a mis toute la pression sur ses épaules alors qu’il avait à peine 21 ans. On attendait de lui qu’il marque et fasse gagner l’équipe ; alors que ce n’est pas son rôle. Vraiment, il était utilisé à contre-emploi. Stuart Pierce le faisait jouer avant-centre alors que c’est plus un joueur de complément. Ce n’est pas un véritable buteur à la Eto’o ou à la Drogba. Plutôt un gars qui aime faire des passes décisives, même s’il peut être occasionnellement amené à marquer. » Une explication qui convient parfaitement au principal intéressé : « Le problème, c’est que Pearce et Eriksson ont pensé que, comme j’étais grand et athlétique, il fallait me faire jouer avant-centre. Du coup, j’étais latargetsur qui mes partenaires balançaient de longs ballons. Mais c’est pas du tout mon jeu. Je préfère jouer à gauche ou derrière l’avant-centre. J’aime avoir le ballon dans les pieds et tenter de créer des décalages. » Le Grec subit de plein fouet les critiques. La presse britannique assène qu’il ressemble sur le terrain à un poisson hors de l’eau. Richard Dunne, alors capitaine citizen, explique que si City a des résultats aussi médiocres, « c’est en raison des joueurs étrangers, dont Samaras, qui, par leur nonchalance, traînent l’équipe vers le bas » . Sven-Göran Eriksson, qui s’entête à le faire évoluer dans l’axe, y va aussi de son couplet cinglant : « C’est un excellent joueur de tête, mais il doit arrêter de penser qu’il est Ronaldinho s’il veut devenir un bon joueur. »

Patrick Thistle, le Barça et les autoroutes

Pour prouver qu’il peut devenir un grand joueur, Samaras préfère se faire la malle. Un brin maniaque, le garçon fuit le bordel ambulant des Skyblues et file à Glasgow, « un club bien organisé et bien géré » , un environnement plus propice à son épanouissement en tant que joueur de football et en tant qu’homme. Dévoué à la cause du Celtic, « Sammy » devient rapidement l’un des chouchous de Celtic Park. Celui qui traînait comme un boulet son surnom de « Greek tragedy » à Manchester devient « The Greek God » . Un Dieu à deux faces, capable du meilleur comme de l’indigent. Car Samaras suscite l’admiration des fans autant qu’il les agace. La faute à des performances en dents de scie. En 2011, son coach, Neil Lennon, qualifiait Samaras comme « le genre de joueur qui peut causer mon licenciement. Je suis aussi responsable que lui des mauvais résultats du club, car je persiste à le faire jouer malgré ses mauvaises performances. Mais j’ai confiance en lui car, dans un bon jour, il est injouable pour ses adversaires. » Oui, Georgios est une énigme, un footballeur rare, capable de mettre sur le cul la défense du Barça en Champions League, mais aussi de ne pas réussir un dribble face à Patrick Thistle. Une inconstance permanente qu’il justifie par la métaphore. « J’ai eu mes bonnes périodes sur le terrain et des passages à vide. J’ai eu des bons et des mauvais moments avec les fans, mais c’est le football. C’est juste comme une relation avec une fille : tu ne peux pas être avec pendant 6 ans sans jamais avoir d’engueulade. Tu ne peux pas non plus divorcer une semaine et dire à ta copine « Reviens chérie ». »

Si sa femme aimante est toujours là malgré les années, le football, lui, ne le sera pas éternellement. L’après-carrière, un autre motif d’anxiété pour Georgios l’angoissé. « Ces dernières semaines, beaucoup de gens m’ont demandé ce que je comptais faire après. Je serai peut-être chauffeur de taxi à Athènes ! lance-t-il en souriant, avant de reprendre plus sérieusement. Je ne sais vraiment pas. Évoluer complètement en dehors du foot, c’est impossible, je me sentirais vraiment malheureux. Le foot, c’est ma vie. Mais j’aurais du mal a être loin de la Grèce, à entraîner et voyager encore entre les hôtels, les mises au vert. Je veux être près de mes amis et de ma famille. » Au vrai, Samaras n’aime rien tant que la Grèce. Un pays où on ne l’emmerde pas quand on le croise dans la rue : « Athènes est une ville énorme, il y a plein d’endroits où se « réfugier ». Et la culture grecque est différente, si les gens te reconnaissent, ils vont dire : « Oh c’est Samaras », mais ils ne te sauteront pas dessus pour une photo ou un autographe. » Peut-être par respect pour celui qui se donne du mal quand il rentre : « À la fin de chaque saison, je rentre en Range Rover pour 3500 km de route. J’adore conduire. Je le fais en 2 temps : je m’arrête à Bologne pour voir Panagiotis Koné, mon meilleur pote, je reste 2 jours chez lui et je repars. Sur la route, je ne m’arrête pas pour dormir, juste pour mettre de l’essence. Je peux conduire 20 heures d’affilée. » Samaras est un homme de plaisirs simples : « Je ne suis pas extravagant. J’aime juste passer des bons moments avec mes amis, discuter autour d’une bonne bouffe, traîner sur la plage. Le soleil me rend heureux. La première chose que je fais quand je finis ma carrière, je fonce en Grèce, je prends le premier vol et je rentre chez moi. » Heureux qui comme Ulysse a fait un long voyage. Mais en avion cette fois.

Pascal Gastien : « Voir les Chamois niortais dans cet état, ça me déchire »

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