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Salvatore Sirigu à la croisée des chemins
Le portier italien peut définitivement asseoir sa place dans la capitale en fonction de sa performance, ce soir, à Stamford Bridge. Deux ans et demi après son arrivée, Sirigu doit montrer qu’il est capable d’être dans le gratin européen.
Qui se souvient de la performance de Salvatore Sirigu contre le FC Barcelone, l’an dernier ? Pas grand monde. À l’inverse, qui a encore en mémoire les deux matchs de Víctor Valdés, son homologue barcelonais ? Tout le monde. Nul besoin de préciser lequel des deux gardiens était présent en demi-finale… Pour Sirigu, il semble inconcevable de revivre un tel scénario. Surtout après le premier rendez-vous réussi du Parc des Princes, mercredi dernier, avec une victoire au bout (3-1). Dans l’antre des Princes, l’Italien n’a pas eu énormément de boulot hormis quelques sorties aériennes bien maîtrisées. A priori, il devrait être plus sollicité, ce soir, au cœur de Londres. En 90 minutes, ou plus en fonction du scénario, l’Italien pourrait sortir grandi de ce quart de finale.
Courtois ou Lloris pour le remplacer ?
Actuellement, les dirigeants parisiens s’interrogent encore sur la suite à donner concernant la carrière du bel éphèbe. Le garder et continuer de grandir avec lui ou parier sur un autre étalon (Courtois, Lloris). Ce qui sous-entend plus ou moins qu’aujourd’hui, Salvatore Sirigu soulève encore des interrogations. Pour la doublure de Gianluigi Buffon en équipe d’Italie, c’est quand même dur, tant le portier maîtrise son sujet en championnat. Sauf qu’aux yeux des investisseurs qataris, la vérité se juge dans les matchs qui se déroulent en milieu de semaine plutôt que le week-end. Acheté 3,5 millions d’euros à Palerme en juillet 2011, le gardien 1m92 n’a jamais fait parler de lui avant son arrivée en France, à l’exception des amoureux de Football Manager ou du Calcio. Formé au Puri e Forti de Nuoro, un petit club de Sardaigne, l’homme a pourtant pas mal bourlingué. Mais seulement en Italie : Venise, Crémone, Ancône, Palerme.
Fan de Sankt Pauli
Pour cet homme altruiste et sensible, le football est avant tout une histoire de camaraderie. Dans la capitale, le Rital aux yeux délavés traîne avec Javier Pastore, dont il fut le coéquipier à Palerme, mais aussi de Lavezzi et Verratti. Ses plaisirs sont simples : sa petite femme (une Française rencontrée dans un restaurant), les chevaux et les bonnes tables. Plus surprenant, Sirigu kiffe le club de Sankt Pauli, dans la banlieue de Hambourg où son frère aîné a vécu. Un club atypique, classé à gauche et connu pour son engagement contre le racisme, le sexisme et l’homophobie. Après tout, rien n’est vraiment logique avec ce garçon-là. Il suffit de se pencher sur le choix de son poste sur un terrain de football pour comprendre que Salvatore est un OVNI. Pourquoi gardien ? Parce qu’il jouait avec des enfants plus âgés, qui ne lui ont pas laissé le choix du poste, et parce qu’il avait de l’asthme. Mais au fond de lui, Sirigu était fait pour être gardien. Dans sa chambre de môme, il avait des photos de Buffon, Toldo, Pagliguca, Peruzzi, mais aussi Chilavert et Barthez. Tout sauf un hasard. En dépit de son attachement au poste, l’homme soulève encore des interrogations. Parce que les gens sont tatillons, aussi. Surtout lorsqu’on sait que partout où il est passé, il a laissé son empreinte. Lancé par Walter Zenga, ancien portier de la Nazionale, à Palerme, Sirigu est tellement fort que le numéro 1 du poste, Rubinho, quitte le club, dégoûté, lors du mercato suivant.
L’efficacité avant le style
Dès les premières parades du numéro 30 de la capitale, ses points forts étaient évidents : félin et agile dans les un-contre-un où il se jette rapidement dans les pieds, le gardien est également très bon sur sa ligne avec son envergure. Sans parler de sa très bonne lecture du jeu, bonifiée par ses relances courtes et longues. Mais tout ça est souvent balayé d’un revers de la main car, en France, on préfère parler des choses qui fâchent. Depuis ses débuts en Ligue 1, ses points faibles sont toujours les mêmes : jeu au pied et sorties aériennes. On le juge trop stressé, pas assez décontracté dans son jeu au pied. Pourtant, il ne s’est jamais troué. Dans les airs, Sirigu est moins à l’aise, on le sait, mais lui, il se l’explique assez finalement. C’était dans les colonnes de L’Équipe Magazine, en novembre dernier : « Parfois, j’entends des commentaires du style :« Il aurait dû sortir de ses 5m50. » Mais tu sais combien ça fait, 5,50m, sur la vingtaine de mètres de longueur ? C’est un appartement de 100m2. Tu fais comment pour te déplacer dans 100m2 en quelques secondes ? » Plutôt que de faire taire ses détracteurs, l’Italien fait ce qu’il sait faire, l’erreur aurait été de travailler uniquement ses points faibles. Quand il peut bloquer un ballon, il le fait. Quand il peut le capter, il le fait. Quand il faut le repousser proprement sur les côtés, il le fait.
Un bel homme
Avec lui, on n’est pas dans le spectacle. On est dans le sobre et l’efficacité. Cette saison, il s’est même passé quelque chose chez le joueur. Dernier rempart d’une équipe qui monopolise la gonfle et ne concède que peu d’occasions, Sirigu fait preuve d’une plus grande concentration car il a moins de boulot. En gros, les soirs de match, Sirigu se fait souvent chier. Il a mûri et affiche une vraie maîtrise de l’événement. Ce soir, tous les yeux seront braqués sur lui. En fonction du match, il pourrait s’inscrire durablement dans la capitale. Ou partir. L’excellence est à ce prix. C’est dommage car Salvatore Sirigu est quand même un plaisir permanent pour les yeux des Parisiens et celui des femmes qui s’intéressent à la chose du ballon rond. Oui, c’est un bel homme. Et au PSG, ça a parfois suffi. Comme en 1984 où Francis Borelli, alors président du club, refuse de prendre l’excellent Elkjær Larsen et fait signer un Autrichien nommé Niederbacher, nettement moins bon. Et quand un journaliste lui demande d’expliquer son choix complètement fou, Borelli est franc : « Je sais, je sais, mais il était tellement beau avec le maillot du PSG… »
Par Mathieu Faure