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Salonique sa mère!

Par Ali Farhat
5 minutes
Salonique sa mère!

En Grèce, c’est bien connu, les stades sont chauds. A tel point que de nombreuses équipes européennes sont partagées quant au fait d’aller jouer là-bas, entre peur et excitation. Les exemples qui reviennent dans toutes les bouches sont évidemment le Pana et l’Olympiakos, voire l’AEK. Mais un pays, ce n’est pas qu’une capitale, on trouve d’autres guerriers chez les Hellènes. A Salonique, par exemple, où le derby entre le PAOK et l’Aris est au moins aussi chaud que ce qui peut se faire à Athènes.

Quand on pense à la Grèce, on pense forcément Athènes, la capitale, avec son Acropole et ses temples en ruines, bien sûr. Mais Athènes, c’est aussi la ville où les choses se passent à fond. L’aire urbaine compte plus de trois millions d’habitants, soit un tiers de la population totale. Footballistiquement parlant, c’est du lourd aussi, avec trois clubs (AEK, Panathinaïkos et l’Olympiakos, situé en banlieue, au Pirée) qui dominent sans partage le football hellène. Que reste-il donc ailleurs? Bah pas grand-chose, ou presque. A 500 bornes de là, dans la région de Thessalonique se trouve une ville du même nom, que tout le monde préfère appeler Salonique. Avec une aire urbaine d’un million d’habitants, la ville qui a vu naître Mustafa Kemal « Atatürk » est la deuxième ville du pays (350 000 habitants environ). Et là-bas aussi, le sport est roi. Une rivalité forte existe entre les deux principaux clubs, l’Aris et le PAOK, et pas que sur le terrain du football. Là-bas, un partisan soutient son club dans sa globalité. « Le supporter de base, il va assister à toutes les rencontres de son club, quelque soit le sport. C’est la structure du club qui veut ça. Ce qui fait que ça arrive que certains vont assister à un match de basket la veille avant de venir au stade le lendemain » , explique Ricardo Faty (frère de, et ex-Nantes, Bayer et Roma, notamment), qui joue aujourd’hui pour l’Aris. Quand on sait qu’à la base, la section basket est plus cotée que la section football, on comprend tout de suite pourquoi les fans s’excitent comme des dingues avant n’importe quelle rencontre.

Une histoire de collocation

Cette idée d’appartenance est courante dans les pays d’Europe de l’Est et du Sud. Quand on aime, on ne compte pas. Aussi n’est-il pas rare de voir des types passer six soirées sur sept dehors, parce que leur club joue. On s’en fout de la discipline, on s’en fout du niveau. Le supporter est avant tout là pour représenter ses couleurs. Etant donné que les deux clubs sont situés tous les deux à l’Est de la ville, il faut tout faire pour ne pas se laisser marcher sur les pieds. Les supporters jaunes et noir de l’Aris (crée en 1914) l’ont très bien compris, eux qui ont vu débarquer les Grecs d’Istanbul suite à la Grande Catastrophe juste à côté de chez eux, prendre leurs aises et fonder le PAOK en 1926, tout de noir et de blanc vêtu. Même si ces deux clubs n’ont pas un palmarès très flatteur à cause de la forte concurrence des clubs d’Athènes (2 championnats et 4 coupes pour le PAOK, 3 championnats et une coupe pour l’Aris), les fans sont fiers de leurs couleurs. « Les supporters sont très fiers de leurs équipes, et les soutiennent pendant toute la rencontre. Vraiment, j’ai été agréablement surpris en débarquant là-bas, je ne m’y attendais pas du tout. Ils ont ça dans le sang, de toute façon. L’an dernier, à la fin du match contre City, on en a parlé avec Pat Vieira, il était surpris par l’accueil de notre stade. En plus, nous, on n’a pas un grand stade, il fait 20-25 000 places, et quand tu vois des fumis, des feux d’artifice comme ce qui se fait à la Bombonera, tu peux être étonné » , toujours Faty. Car oui, là-bas, on dirait que le fumigène est une ressource naturelle. En plus, ils ont de la chance, c’est toléré. Que ce soit au stade Toumba (PAOK) ou au Kléanthis-Vikelidis (Aris), on s’en donne à cœur joie.

Le derby qui soulage (un peu) de la crise

Ce qui est moins toléré, en revanche, ce sont les banderoles à caractère politique, à la mode depuis le début de la crise dans le pays. A tel point qu’en début de saison, c’était le bordel, les arbitres ayant reçu pour consigne de stopper un match s’ils voyaient des supporters faire part de leurs revendications politiques et/ou salariales. Alors qu’Athènes est actuellement à feu et à sang, en province, ça se ressent moins, même si ça va pas. « Salonique, c’est beaucoup plus calme qu’Athènes, quand même. C’est vrai qu’il y a eu des manifs. Au tout début de la crise, il y a même quelqu’un qui s’est immolé par le feu, ce qui n’est pas rien. Globalement, les gens sont énervés, mais c’est pas comme à Athènes. Ça reste compliqué quand même » , explique Faty. Une crise qui touche tout le monde, même les footballeurs. Moults salaires n’ont été versés, et beaucoup de joueurs se sont retrouvés en galère. « L’an dernier, vu qu’on faisait un bon parcours en Coupe d’Europe, on était payé régulièrement. Depuis cette année, on commence à sentir la crise. On est payé au compte-gouttes, un coup 5 000 euros, 7 000 puis 10 000 euros. Moi, Dieu merci, j’avais de l’argent de côté donc ça m’a permis de vivre bien » , avait raconté Ricardo Faty à rue89. Il paraît qu’en plus, le fait d’être un étranger, ça aide, pour une fois. « Les joueurs grecs sont plus habitués à ça, ils connaissent la situation du club, du pays. Du coup les étrangers sont prioritaires pour le salaire. Deux joueurs sont partis à la FIFA pour casser leur contrat car ils n’étaient pas payés depuis un an. Je ne sais même pas comment ils faisaient pour vivre » .

Ce soir, malgré la crise, toute la ville de Salonique mettra ses problèmes de côté pour une seule raison: le derby. Demain, au stade Toumba, supporters du PAOK et de l’Aris chanteront à tue-tête leur amour pour le club, malgré la faim qui tenaille le ventre. Et même si c’est chaud en ce moment, c’est vraiment une occasion pour aller se faire voir chez les Grecs.

PAOK Salonique / Aris Salonique, dimanche 18h30 heure locale (17h30 heure française)

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