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Salis Abdul Samed, sorti de sa réserve clermontoise
Du National 3 à la Ligue des champions, il n'y a que quelques pas pour Salis Abdul Samed, milieu du RC Lens. Avant d'être l'un des récupérateurs les plus remarqués de France, le Ghanéen peinait à se faire une place en Ligue 2 et restait cantonné à la réserve de Clermont Foot 63, club qu'il retrouve ce samedi à 17h.
Durant l’été 2019, accoudé à la main courante du terrain annexe du centre de formation clermontois, Naël Jaby se plaît à admirer le spectacle, bouche bée. Sur scène, trois jongleurs venus du Ghana : Salis Abdul Samed, Alidu Seidu et Blankson Anoff. « Ils jonglaient toute la journée, c’était assez impressionnant. J’adorais les regarder », se souvient leur ancien coéquipier, aujourd’hui co-leader de son groupe de National 2 avec l’AS Cannes. Anoff, lui, est désormais à Hesperange, en première division luxembourgeoise, et garde en mémoire ces moments de partage avant et après l’entraînement collectif : « On s’est connus tous les trois à l’académie Jean-Marc-Guillou de Côte d’Ivoire. Là-bas, on travaillait particulièrement la technique, donc ça, c’était que de l’amusement. » Quelques mois avant leur arrivée en Auvergne, les Académiciens faisaient sensation à Saint-Joseph lors d’un tournoi international de jeunes en montant sur la troisième marche du podium. Les futurs Clermontois, ainsi que l’actuel défenseur lyonnais Sinaly Diomandé, issu de la même promotion, infligent quelques fessées à l’Impact Montréal ou au Standard de Liège. Salis Abdul Samed – dont le nom de famille est en réalité Salis – se distingue en distribuant les passes décisives depuis son milieu de terrain. « Ce jour-là, il nous a tapé dans l’œil », revient Sébastien Mazeyrat, entraîneur de la réserve du Clermont Foot, qui l’a ensuite encadré durant deux saisons.
Dix poumons et un sourire
Repérés, les trois jeunes Ghanéens s’envolent définitivement pour l’Auvergne. Salis, à peine majeur à l’époque, fait sensation sur l’annexe de Gabriel-Montpied et aux quatre coins de la région pour les déplacements en National 3. Posté dans le double pivot aux côtés de Naël Jaby, il s’illustre en récupérant un nombre incalculable de ballons et par son activité. « Il a au moins dix poumons, rigole son coéquipier de l’époque. En N3, son intensité faisait vraiment la différence. Je regardais les GPS après les matchs ou les entraînements et il était toujours celui qui courait le plus avec l’intensité la plus haute. » Pour Sébastien Mazeyrat, c’est son aptitude à ne jamais perdre le cuir qui reste en tête, au même titre que ses éclats de rire à répétition. « C’est un joueur et un homme pétillant », fait remarquer le coach à qui les chansons lancées à tue-tête et les pas de danse du natif d’Accra commencent à manquer.
Dès août 2019, Salis Abdul Samed monte avec l’équipe professionnelle pour disputer le deuxième tour de Coupe de France contre… le RC Lens. Face à ses futurs coéquipiers Florian Sotoca et Jonathan Gradit, le jeune de 19 ans ne se démonte pas, mais ne pourra assister à l’élimination des siens aux tirs au but que depuis le banc. « Sa capacité à répondre à l’adversité m’a marqué, avoue Sébastien Mazeyrat. Il joue contre Arsenal comme il jouait avec nous en réserve. » Sous le maillot de celle-ci, le milieu aux jambes arquées a eu le privilège de jouer contre plusieurs professionnels stéphanois, dont Wahbi Khazri. « Nos jeunes voyaient des pros, mais Salis y est allé complètement décontracté, se souvient son coach. Il avait été impeccable et, à la fin, le staff adverse m’avait demandé des renseignements sur lui. » Sourire accroché au visage, même les déplacements à Rumilly-Vallières ne lui posaient pas le moindre problème. « Sa force, c’est son insouciance et sa joie de jouer », explique Blankson Anoff.
Une chance, pas deux
Pourtant, à la suite du match de Coupe, les relations avec Pascal Gastien et le groupe professionnel s’arrêtent aux entraînements. Chaque week-end ou presque, le milieu redescend en National 3 et, pendant la coupure due au Covid, il se cantonne aux amicaux avec la B. Pas de quoi lui faire perdre cet enthousiasme, pour le plus grand plaisir de Naël Jaby : « On parle le même football. On se trouvait les yeux fermés, j’adorais jouer avec lui. Une fois, on faisait tellement de une-deux ensemble que le coach nous a engueulés. » Sébastien Mazeyrat confirme ce recadrage, avant de souligner la maturité qu’a acquise Salis Abdul Samed durant ces deux ans en réserve. Après cette période à bourlinguer entre les deux groupes, le Ghanéen tire parti de la rupture du ligament croisé de Yohann Magnin en avril 2021. Ainsi, il assiste depuis la pelouse à l’officialisation de la montée en Ligue 1 et se prépare à passer cet échelon dans la peau d’un titulaire. « Pendant la préparation estivale, il mangeait tout le monde », dévoile Jaby. Cette fois, impossible pour Pascal Gastien de ne pas lui donner une opportunité.
« Ça ne m’étonne pas qu’il se soit fait une place dans le groupe professionnel, estime de son côté Sébastien Mazeyrat. À chaque fois qu’il a sa chance au niveau supérieur, il la saisit et il ne la lâche plus, à Clermont, à Lens et en équipe nationale. » Après douze petits bouts de matchs en Ligue 2 en deux ans, Salis Abdul Samed se saisit de l’occasion, passe le palier en enchaînant 31 rencontres dans l’élite pour la première saison du CF63 à ce niveau. Cet exercice lui sert de tremplin pour découvrir la course au titre avec le RC Lens, puis la Ligue des champions, ou encore la Coupe du monde avec les Black Stars. Les sorties « à faire le con en sprintant dans les rues » sur la selle de C.Vélo – mis à disposition par la ville auvergnate – en compagnie du complice Naël Jaby sont désormais derrière lui. Pourtant, même aujourd’hui, il n’est pas impossible de voir Salis Abdul Samed continuer de jongler aux abords de La Gaillette. Sinon, il faudra se rapprocher des vestiaires pour l’entendre rire et chanter.
Par Enzo Leanni
Tous propos recueillis par EL.