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Salernitana-Nocerina, quand la folie s’invite sur une pelouse

Eric Maggiori
5 minutes
Salernitana-Nocerina, quand la folie s’invite sur une pelouse

Hier, un match de Lega Pro (troisième division italienne) a connu un épilogue ahurissant. Le match a en effet été interrompu au bout de 20 minutes, car la Nocerina avait déjà effectué ses trois changements et devait jouer à six suite aux blessures de cinq joueurs. Une blague ? Non, juste la triste conséquence de menaces de mort de la part de supporters ultras…

En général, on a l’habitude de dire « show must go on » . Quoi qu’il se passe, on continue, on joue. Mais pas hier. Hier, la bêtise et la peur ont gagné. Ce qui aurait dû être un derby disputé et combattu s’est transformé en farce géante. Les coupables ? Un peu tout le monde. Les supporters ultras, d’abord, coupables d’avoir menacé de mort les joueurs de Nocerina. La sécurité, ensuite, incapable de rassurer les joueurs et d’assurer le bon déroulement de la rencontre. Les joueurs, enfin, qui ont cédé à la panique, et ont préféré inventer une supercherie pour abandonner le terrain. Résultat : la Nocerina, déjà bon dernier du classement, devrait perdre le match sur tapis vert, mais risque aussi la relégation administrative. Une vraie folie, qui donne raison à un groupe d’ultras composé de 200 personnes, venu menacer les joueurs juste avant la rencontre. Pourquoi ? Qu’est-ce qui a motivé une telle journée de folie ? On vous explique tout ça.

Menaces de mort et 40 minutes de retard

Pour commencer, il faut expliquer le contexte. La Salernitana et la Nocerina sont deux clubs du Sud de l’Italie, qui se détestent. À la fin des années 90, la Salernitana s’était permis une petite montée en Serie A, ce que la Nocerina n’est jamais parvenue à faire. Mais à la fin des années 2000, les deux clubs ont connu une destinée presque similaire, avec des faillites, et des descentes en Serie D, l’équivalent de la cinquième division italienne. Finalement, les deux formations ont réussi à remonter petit à petit la pente, la Nocerina ayant même atteint la Serie B il y a deux ans, avant de redescendre. Mais cette année, tout va mal pour le club de Nocera Inferiore, qui est dernier du classement avec seulement… un point (trois, en fait, mais le club a subi une pénalité de deux points). La Salernitana, pour sa part, vient de remonter en Lega Pro, et réalise un début de saison moyen, avec une honnête dixième place. C’est dans ce contexte que devait se disputer le derby entre les deux formations. Un derby extrêmement attendu, puisque les deux rivales ne s’étaient plus affrontées depuis 25 ans.

Oui, mais voilà. Pour éviter d’éventuels problèmes et d’éventuels heurts entre les supporters, le préfet de la ville de Salerne a interdit le déplacement aux supporters de la Nocerina. Une décision que le président du club, Gino Benevento, n’a pas franchement apprécié. « C’est une décision qui pénalise seulement nos tifosi, à qui l’on interdit un déplacement de 15 kilomètres. Le stadio Arechi est une enceinte dans laquelle on peut gérer sans problème un public adverse composé de 2000 personnes » , affirme-t-il quelques jours avant le match. Mais rien n’y fait, la décision est prise. Sauf qu’un groupe de 200 ultras en a décidé autrement. Juste avant le coup d’envoi de la rencontre, ils se rendent devant l’hôtel des joueurs de la Nocerina et leur ordonnent de ne pas jouer ce match, sous peine d’être tués. Tout simplement. Des menaces de mort qui terrorisent les joueurs, qui se rendent tout de même au stade, mais qui refusent de sortir des vestiaires. « Nous ne jouerons pas, car nous avons reçu des menaces de mort » , font-ils savoir. Les dirigeants se pressent, la sécurité tente de les rassurer, le public s’impatiente. Finalement, avec 40 minutes de retard, à 13h10 au lieu de 12h30, le match peut commencer devant les 7000 tifosi de la Salernitana. Mais il va vite prendre une tournure plutôt inattendue.

Cinq blessures en 21 minutes

En effet, les joueurs de la Nocerina, avec l’aval de leur coach, ont déjà décidé : ils ne joueront pas ce match. Ils ont trop peur d’éventuelles représailles des supporters, et choisissent donc de boycotter le match d’une manière plutôt inhabituelle. Au bout de 40 secondes de jeu, l’entraîneur fait en effet sortir trois joueurs, Polichetti, Evacuo et Figarrotta, pour faire entrer Cremaschi, Malcore, Jara Martinez. Le public commence à comprendre que quelque chose de bizarre se trame, et siffle en hurlant « Bouffons ! Bouffons ! » Quelques instants plus tard, à la troisième minute, un premier joueur de la Nocerina, Remedi, reste au sol après un contact avec un joueur adverse. Il demande à sortir sur blessure. Le coach a déjà fait ses trois changements, et la Nocerina reste à dix. Puis à neuf, suite à la nouvelle blessure, à la 7e minute, de Palma. Puis à huit (Danti à la 13e), puis à sept (Kostadinovic à la 15e) et enfin à six, avec la « blessure » de Lepore. Or, une équipe ne peut pas jouer avec moins de sept joueurs sur la pelouse. L’arbitre de la rencontre, spectateur impuissant de cette farce, est contraint d’arrêter la rencontre.

Les joueurs de la Nocerina courent alors vers les vestiaires, en tentant d’éviter les bouteilles d’eau et autres objets en tout genre qui pleuvent des gradins. C’est l’épilogue d’une bien triste après-midi, avec les joueurs de la Salernitana qui restent sur la pelouse, un peu penauds, mais en ayant parfaitement compris la situation. Les joueurs de la Nocerina, évidemment, resteront muets après cette rencontre. Les ultras du club (une centaine de personnes), pour leur part, ont célébré cet événement sur la place Diaz de Nocera Inferiore comme s’ils venaient de gagner le derby. « Tous en ville pour célébrer ça… Le peuple nocerino a triomphé » , peut-on lire sur une page Facebook de supporters. Une célébration qui a été interrompue au bout de quelques minutes par… un violent orage, qui a contraint tout ce petit monde à rentrer chez lui. Le maire de la ville, lui, a évidemment regretté ce qui s’est passé, mais remet la faute sur ceux qui, à la base, ont interdit le déplacement aux supporters. « J’ai toujours respecté les décisions du préfet, mais je note tout de même que sur d’autres matchs à risque, comme Salernitana-Napoli ou Vérone-Napoli, les déplacements ont été autorisés. Peut-être que cette interdiction a créé un court-circuit à tous les niveaux » , a-t-il affirmé. Un court-circuit, oui. On va dire ça comme ça…

La vidéo du match :

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