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Salah César

Par Maxime Brigand
Salah César

Débarqué à Liverpool en juillet dernier après plus de deux saisons passées à distribuer des sourires en Italie, Mohamed Salah est revenu cet été en Angleterre avec un objectif simple : faire sauter une à une les tablettes de l'histoire des Reds.

Comme un puncheur touché à l’abdomen, Eddie Howe vacille, le souffle coupé et un genou à terre. Le protège-dents recraché, le coach de l’AFC Bournemouth tourne encore de l’œil : « Je ne veux plus jouer Liverpool de sitôt. Ils ont de la vitesse devant, de la créativité et ont montré de la solidité derrière aujourd’hui. » Quelques minutes plus tôt, ses Cherries ont été dénoyautées brutalement, Liverpool enchaînant au Vitality Stadium un douzième match consécutif sans défaite toutes compétitions confondues et retrouvant la victoire après deux nuls sans saveur à Anfield, face à Everton (1-1) et West Bromwich (0-0). Point commun à ces deux rencontres, un homme n’a pas lâché, balançant de nouveau sur la pelouse une nonchalance assumée, riche d’une extrême maîtrise et, à Bournemouth, Salah a de nouveau planté. Ce qui a fait grimper son curseur perso à quatorze buts en Premier League – l’homme court aujourd’hui avec le maillot de meilleur buteur du championnat –, vingt toutes compétitions confondues, soit autant que Sadio Mané, débarqué à Liverpool lors de l’été 2016. Costaud ? Non, immense. Aucun joueur de Liverpool n’avait touché la barre des vingt pions avant Noël depuis Ian Rush lors de la saison 1986-1987, et Salah a été dans ce registre plus rapide que Fernando Torres, Luis Suárez et Robbie Fowler…

En réalité, seul George Allan, buteur des Reds à la fin du XIXe siècle, avait fait plus vif : 20 buts, 19 matchs. Il paraît que les chiffres ne seraient qu’un bonheur matériel, et ceux de Salah n’ont pas empêché Liverpool de glisser par moments lors de cette première partie de saison – à Tottenham (1-4), face à Manchester City début septembre (0-5), et des matchs nuls évitables auxquels on s’est trop habitués depuis l’arrivée de Jürgen Klopp – et de se retrouver aujourd’hui largué en quatrième position du classement de Premier League, à dix-huit points de City et sept de Manchester United, à l’heure de se déplacer à l’Emirates. Difficile à accepter tant cette équipe mérite plus que ça, tant elle commence (enfin) à régler ses problèmes défensifs et tant, on ne peut lui reprocher, elle balance des vagues spectaculaires quasiment chaque week-end. Klopp : « Oui, ce que fait Salah est bien, mais je ne m’endors pas le soir en me disant : « Wow, qu’est-ce qu’il est fort, non ? » Il est très important pour nous, mais comme tous les autres joueurs. »

« À Chelsea, ce n’était qu’un gosse »

Il faut se le dire : non, cette équipe n’est plus la même depuis l’arrivée de Salah, balancé d’Angleterre par Mourinho il y a quelques années et qui pleurait il y a peu face à son manque de réalisme devant le but. Avec l’Égyptien, élu le 12 décembre dernier meilleur joueur africain de l’année par la BBC, Liverpool s’est offert une liberté supplémentaire. Klopp pouvant davantage fixer Coutinho dans un rôle d’électron libre et parfois débarquer sur scène avec un Fab Four (Coutinho, Mané, Firmino, Salah) qui ne cesse de foutre le bordel lorsqu’il est réuni. « Il ne faut pas encore prendre cela pour acquis, mais je suis surpris de la façon dont Mohamed s’est adapté, expliquait récemment le coach allemand. C’est facile à voir. Par exemple, contre Watford, le premier match de la saison, c’était très difficile, un match très physique. Des personnes avaient des doutes sur son niveau. Eh bien, il a joué mieux que n’importe qui sur la pelouse. À Chelsea, ça n’était encore qu’un gosse. Aujourd’hui, il est plus mature et tout va pour le mieux. »

La maturité selon Salah, c’est avant tout la conservation d’un style assez unique, d’un caractère imprévisible et d’une répétition des efforts dont il est désormais capable. Ce qui n’était pas forcément le cas à ses débuts, même à Rome. C’est aussi de l’humilité, et une capacité à être décisif au moment où l’on a besoin de lui. Un grand joueur, c’est avant tout un joueur qui fait gagner. Et si l’Égypte touchera en juin prochain son premier Mondial depuis 1990, c’est surtout grâce à Salah, notamment double buteur lors du match décisif face au Congo en octobre. Depuis août, l’Angleterre assiste à une drôle de revanche : celle d’un homme hier refoulé par les doutes de certains – il a par exemple invité le président de Zamalek, Mamdouh Abbas, lors du nul contre Chelsea (1-1) pour lui montrer ce qu’il avait raté – devenu référence grâce à son mental et à ses crochets dévastateurs. Les poings levés, définitivement.

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