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Sakho, l’équilibre retrouvé
Un peu moins de dix mois après sa dernière apparition en Premier League, Mamadou Sakho vient enfin de se barrer de Liverpool pour reprendre le fil de sa carrière. Ce sera avec Crystal Palace, pour quelques mois d’abord, mais avec la bave au bord des lèvres.
« Welcome to Alcatraz ! » Un casque autour du cou, un téléphone scotché à la main, Mamadou Sakho profite du soleil californien. C’est le mois de juillet, celui des tournées de préparation sur fond de promotion pour les clubs anglais, et Liverpool est une institution comme les autres. Alors, elle emmène ses employés en voyage avant de rempiler quelques semaines plus tard. Ce dont personne ne se doute encore, c’est que le défenseur international français, sacralisé depuis le 19 novembre 2013 et un doublé musclé contre l’Ukraine (3-0) au Stade de France, vit les dernières heures de sa romance avec le Liverpool FC. Une histoire débutée en août 2013, tumultueuse parfois, héroïque par moments, mais finalement calquable sur l’image de Mamad’. Pour le décrire, Joey Barton avait tout compris : « Mamadou Sakho est le moins orthodoxe, le plus efficace, le plus déséquilibré et le meilleur défenseur de la planète. Le regarder est comme observer un clown jonglant avec des assiettes. On attend juste qu’il les fasse tomber par terre. Mais d’une certaine manière, il arrive toujours à les garder en l’air. Il est en contradiction avec les lois du mouvement sur chaque touche. Cet homme est un génie. Un vrai… » Il est impossible de contredire Barton sur ce coup, comme il est impossible de ne pas s’attacher au titi parisien. Détester Sakho est impossible, c’est comme ça. Oui, il surprend, il fait peur parfois, mais il finit toujours par retomber sur ses pattes. Un match permet de raconter à lui seul ce qu’est le défenseur français : le désormais historique Liverpool-Dortmund (4-3) au cours duquel Mamadou Sakho avait sorti ses deux visages – des qualités techniques aléatoires, mais un mental de guerrier indispensable qui lui avait notamment permis d’égaliser ce soir-là. Puis il marqua contre Everton (4-0) six jours plus tard en championnat et depuis ? Le silence. Comme quoi, à Liverpool, on peut aussi marcher seul.
Le poids de l’ignorance
La dernière fois que Mamadou Sakho a été vu autre part qu’au fond d’un siège à Anfield, c’était donc le 20 avril dernier. Un peu moins de dix mois. Oui, dix mois, une parenthèse immense dans la vie d’un joueur de foot. En bref, ça s’est passé comme ça : Sakho est aux États-Unis avec son club en juillet, il est blessé, mais amuse le groupe avec sa bonne humeur naturelle, il déconne et saccage une interview de son entraîneur, Jürgen Klopp ; ce dernier n’aime pas, d’autant que le Français est arrivé en retard à l’aéroport pour filer en Californie, donc le joueur est renvoyé à Liverpool ; depuis, rien, excepté de l’ignorance. Tout le monde sait que rien ne fait plus mal que le silence. Alors, quand on sort de plusieurs mois de suspension pour un contrôle antidopage positif à l’higenamine qui nous a fait manquer un Euro en France et que finalement, on a été blanchi, comment se relever ? Au mental, comme souvent avec Sakho. Son quotidien depuis l’été dernier est difficile à imaginer entre des explications sur Snapchat et plusieurs matchs avec la réserve des Reds où il a été accueilli comme un phénomène. Mais il devait partir. Il y a eu Stoke, Swansea, Southampton et même le Spartak Moscou. L’état major de Liverpool voulait beaucoup d’argent pour au moins recouvrir les dix-neuf millions d’euros investis en août 2013, mais ce sera finalement un prêt, à Crystal Palace. Dans un premier temps.
Crête revitalisée
Un temps, on aurait pu penser que Mamadou Sakho retrouverait la France et la Ligue 1. L’OM était intéressé ? Problème, « quand t’entends Paris, il y a Sakho qui va avec » . Et la porte s’est refermée. Crystal Palace, donc. Aujourd’hui, personne ne peut remettre en cause le choix d’un départ chez les Eagles alors que le Français semblait davantage pencher pour Southampton, qui n’a pas réussi à remplacer José Fonte, parti à West Ham. Pourquoi ? Tout simplement car avec Palace, Sakho s’offre un défi à la hauteur de sa soif de revanche au cœur d’un groupe repris avant les fêtes par le pompier Sam Allardyce et qui reste sur une victoire convaincante à Bournemouth (2-0) mardi soir. Samedi, Crystal Palace aura rendez-vous avec Sunderland, sauvé l’an passé par Big Sam, et la baston entre bêtes blessées peut être une bascule dans la saison des deux équipes. Voilà où débarque Mamad’ alors que le board des Eagles a ouvert son chéquier – ce qu’a demandé pendant de longues semaines Alan Pardew avant de prendre ses valises – cet hiver pour Jeff Schlupp, Patrick van Aanholt, mais aussi le milieu de l’Olympiakos, Luka Milivojević. Le cours de sa carrière peut aujourd’hui reprendre. Loin d’Alcatraz, assez loin d’Anfield et sans lunettes fumées. Mais avec une crête revitalisée, signe que ça va mieux.
Par Maxime Brigand