- Coupe de France
- 32es
- Sainte-Geneviève-Caen
Sainte-Geneviève-des-fois
Trois clubs essonniens qualifiés pour les 32es de finale de la Coupe de France, c’est inédit. Qui plus est, trois villes voisines ! Il y a Viry-Châtillon (CFA), en déplacement au Poiré-sur-Vie (DH), Fleury-Merogis (CFA), face au Stade brestois (L2), et enfin Sainte-Geneviève-des-Bois (CFA 2), prête à se farcir Caen (L1). Présentation des Génovéfains.
Affronter un club de Ligue 1, pour tout club amateur, c’est généralement le match de l’année. Ce samedi, Sainte-Geneviève-des-Bois, ville moyenne (35 000 habitants) de la grande couronne parisienne, reçoit le Stade Malherbe de Caen à guichets fermés. Des bénévoles réquisitionnés, près de 2 000 supporters attendus et un maire vraiment passionné – « J’aurai mon écharpe, je gueulerai sur l’arbitre s’il faut… Je suis un peu un gamin quand il s’agit de foot » , lâche Olivier Léonhardt. Pour l’équipe d’Emmanuel Dorado, ça serait plutôt un match comme un autre. « On essaye de l’aborder le plus simplement du monde » , promettait l’entraîneur à deux jours de se frotter aux Normands. Si Caen est actuellement dix-huitième de L1, Sainte-Geneviève Sports est deuxième de son groupe en CFA 2. « On mise tout sur le championnat, c’est important parce qu’il n’y a plus de CFA 2 l’année prochaine » , rappelle le coach adjoint Frédéric Fleury. À partir de 2017-18, le National et la CFA seront renommés National 1 et 2, quand la CFA 2 deviendra le National 3, un championnat régional avec douze groupes de quatorze équipes. « La Coupe de France, c’est le truc des joueurs. Bon, on n’est pas bornés non plus, plus ils vont passer de tours, plus on sera contents » , reprend l’adjoint.
La boulette et La Réunion aux frais de la princesse
L’aventure démarre à Neuilly, le 11 septembre dernier. À un quart d’heure de la fin, Neuilly Olympique ouvre le score face à Sainte-Geneviève. « La boulette. Une mésentente avec mon défenseur, rembobine le gardien Ivan Velandia Hoyos. Je me retourne et je vois l’attaquant marquer. Et là, on se dit meeerde… » Sainte-Geneviève est alors sur le point de gicler de la Coupe de France, dès son entrée en lice, au troisième tour, face à une équipe d’Excellence (Division 10). Sauf que non. Les Essonniens retournent la situation en fin de match : 2-1. Et ce n’est que le début. Ensuite, il y a la victoire contre Bagneux au bout de la prolongation (1-0), une autre prolongation remportée contre Grigny (2-0), un succès à l’arrachée à Vitry « avec un arrêt miraculeux à la dernière minute » (1-0), et puis ce match tendu contre Roye-Noyon (1-0), avec la trouille de tout gâcher à une marche des 32es de finale. Mais surtout, il y a eu ce septième tour : un déplacement à Saint-Pierre de La Réunion.
« On est déjà allés à Tahiti une année et à la Martinique il y a deux ans. On a l’habitude de se porter volontaire auprès de la FFF » , pose le président Jean-Claude Murmann, à la tête du club depuis près de vingt-cinq ans. La FFF paye le voyage et l’hôtel en bord de mer pour les joueurs et le staff – « On n’avait le droit qu’à seize joueurs, mais on a mis la main à la poche pour en amener quatre de plus » , précise le président. Une semaine de voyage pour avoir le temps de s’acclimater… et aussi de profiter entre potes. « On a laissé quartier libre aux garçons en fixant juste une limite pour l’heure de coucher » , explique Emmanuel Dorado. Pour beaucoup, c’est la première fois qu’ils prennent l’avion. « On a visité toute l’île, on allait à la mer, à la piscine tous les jours. Les quatre premiers jours, tu es en vacances. Les deux derniers, tu te concentres » , remet Ivan. Une vadrouille à double tranchant : « Soit le groupe se tue, soit il se soude. On était déjà soudés, mais là, tu sens qu’on a vécu quelque chose » , poursuit Ivan.
« Ils sont restés dans la chambre à fumer la chicha »
D’autant que les trois quarts des membres de l’équipe participaient déjà au trip en Martinique, en 2014. « On avait passé une super semaine, mais il y avait eu la défaite au bout, donc ça nous a laissé un goût amer » , note Frédéric Fleury. Vient donc le match face à la Jeunesse sportive saint-pierroise, l’équipe phare de La Réunion. 31 degrés au thermomètre, 6 000 spectateurs en tribune. « Je suis allé une fois les voir à l’entraînement, et au bout d’un quart d’heure de jeu, je me suis dit :« On va se prendre une grosse fessée » » , rembobine le président Jean-Claude Murmann. Sainte-Geneviève se fait bousculer en première période, mais tient le coup. Personne ne marque… Place aux tirs au but. Premier tir : Ivan sort la parade. Les Rouges, qui jouaient en vert ce jour-là, l’emportent quatre tirs au but à trois. Au club, tout le monde en parle comme d’un « exploit » , un « match référence » . Jean-Claude, le président : « »Les gars, on sort, on fait ce que vous voulez ! »Mais ils étaient cuits, ils sont restés dans la chambre à fumer la chicha. »
Face à Caen, Ivan ne sera pas dans les buts. Le coach a décidé de faire jouer le gardien remplaçant depuis le début en Coupe, et il s’y tient. « Fenomeno n’avait pas pu venir à La Réunion. Là, il va jouer. C’est mon pote, je suis content pour lui » , confie l’habituel titulaire. Une semaine avant l’événement, toutes les places étaient déjà parties. « Ça en parle de partout. Mon prof de sport m’a demandé si j’allais venir. Et nos coachs nous ont dit de nous habiller en rouge » , s’impatientent des jeunes licenciés du club. En 2009, Sainte-Geneviève avait déjà accueilli le LOSC de Rudi Garcia, en 32es de finale, au Parc des Sports de Sainte-Geneviève. Une expulsion rapide et défaite 0-3. « Je l’ai vécu comme une injustice, raconte le maire Olivier Léonhardt. Les joueurs avaient tenu le coup en première période, mais à dix contre une équipe de Ligue 1… » À l’époque, Emmanuel Dorado était déjà sur le banc. « L’objectif d’un club comme le nôtre, c’est d’aller chercher une Ligue 1 et de faire un voyage. On a décroché le voyage à La Réunion et cette équipe de Caen, donc on est très contents. Maintenant, sur le terrain, je veux qu’on soit nous-mêmes » , appuie l’entraîneur, qui a connu une honnête carrière de défenseur notamment en Espagne, après avoir gagné la Coupe Gambardella avec le PSG en 1991.
« Ça l’a promené d’aller à la Poste »
Au-delà de la défaite, le président du club garde un souvenir partagé du match face au LOSC en 2009 : « C’était une grande fête, mais trois, quatre mois après le match, je reçois une lettre de la fédé qui nous met en demeure de payer Lille, sinon on sera exclu de la Coupe de France pendant trois ans. Sauf qu’un gars du LOSC nous avait bien précisé à la fin du match qu’on pouvait garder la recette. » 3 000 euros, des clopinettes pour le LOSC, pas pour le club du 91. « J’ai envoyé le chèque en recommandé, reprend Jean-Claude Murmann. C’était adressé à Seydoux, ça l’a promené d’aller à la Poste et j’ai mis un petit mot :« Je crois que vous devez avoir quelques problèmes d’argent, ça pourra peut-être payer le déménagement de Bastos. »Mais bon, Seydoux, ça l’a pas empêché de dormir… » Patrick Dupre est bénévole, il vient tous les jours au club. Mais ne comptez pas sur lui pour raconter le match face au LOSC. « Je n’avais pas vu le match, je m’occupais de la billetterie » , se marre le bénévole. Cette saison à Saint-Geneviève, l’art de valider son billet et crier « au suivant » n’appartient pas qu’à Patrick.
Par Florian Lefèvre, à Sainte-Geneviève-des-Bois
Tous propos recueillis par FL