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Saïfi : « On a remis l’Algérie à sa place »

Par Florian Lefèvre
Saïfi : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On a remis l&rsquo;Algérie à sa place<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Rafik Saïfi (quarante et un ans), un nom qui fleure bon la Ligue 1 des années 2000. De Troyes à Lorient, en passant par Istres ou l’AC Ajaccio, le meneur de jeu algérien a envoyé du dribble et délivré des passes délicieuses. Entretien avec un futur coach, où il est question de combat d’hommes, de vannes avec Ronaldinho et d’un voisin nommé Rabah Madjer.

Voilà maintenant quatre ans que tu as pris ta retraite. Qu’est-ce que tu deviens ?Je suis resté dans le monde du foot en tant que consultant pour beIN Sports, et en même temps, je passe mes diplômes d’entraîneur. J’ai commencé en France, et là, je finis en Algérie. Dès qu’il y a un stage, une formation, je vais en Algérie. Et j’apprends toujours. Ma vocation d’entraîneur est venue naturellement. Et comme je suis toujours consultant, ça me permet de côtoyer des entraîneurs, des anciens grands joueurs… Si je commence tout seul, tant mieux, si je commence en tant qu’adjoint, j’apprends de l’entraîneur. Je ne suis pas pressé.

Étant jeune, ta première idole, c’était Rabah Madjer… Oui, toujours. En fait, quand j’étais gamin, c’était un voisin dans mon quartier, à Alger centre. Ce qui me plaisait chez lui, c’était sa technique, ses dribbles. C’était l’époque du Mondial 82. Il marquait déjà beaucoup. Ça tombait pile poil, quoi. Moi, comme j’étais attaquant, je m’inspirais de lui et quand je jouais, je prenais toujours son numéro. Je faisais souvent la Madjer ! Et on est restés en contact. De temps en temps, on se voit sur un plateau télé. Je l’ai eu aussi en tant que sélectionneur (2001-02). Ça reste un grand frère et un bon ami.

Tu as déclaré que ta plus grosse bêtise, c’est le jour où tu as fait arrêter un match de foot… Je devais avoir quatorze-quinze ans. Les grands jouaient sur le terrain. Moi, je voulais les rejoindre, mais ils me disaient : « Non, toi, tu es trop petit, tu ne peux pas. » Je leur disais : « Mais si ! » À chaque fois, ils me promettaient que j’allais pouvoir jouer. Un jour, j’ai dit : « Si je joue pas, personne ne joue ! » Je me suis mis sur une terrasse, je lançais des pierres sur le terrain. Et à partir du lendemain, j’ai joué avec eux. Après, j’ai commencé à Bab Ezzouar. J’étais toujours surclassé, je n’ai jamais joué avec les joueurs de mon âge.

Après t’être révélé au MC Alger, tu quittes le pays pour aller à l’ESTAC en 1999. Comment s’est passée ton arrivée ? En arrivant à Troyes, je m’attendais à tout : je viens, je change de vie, de culture. Je ne voulais pas perdre mon style. Au niveau footballistique, mes qualités, c’était le dribble. Après, j’ai progressé physiquement, tactiquement. J’ai eu besoin d’une année pour faire ma place, et après j’ai joué à mon niveau, comme au bled.

Quand tu dis : « Je m’attendais à tout » , tu avais des craintes particulières ? En Algérie, j’avais fait mes preuves. Là, c’était comme recommencer à zéro. Est-ce que j’allais être titulaire ou remplaçant ? Je me préparais à tout : « Si je suis remplaçant, je me battrai pour être titulaire. » Et c’est ce qui s’est passé. Je me suis battu pour faire ma place. J’ai eu besoin d’une année pour m’adapter, et après, j’étais adoré par le public troyen. Comme par hasard, quand j’ai terminé ma carrière avec Amiens, j’ai joué mon dernier match… au stade de l’Aube ! Et Troyes remonte en L1 ce jour-là. C’est le destin. Les supporters m’ont super bien accueilli, j’avais les larmes aux yeux. Pendant le match, j’étais applaudi à chaque fois que je touchais le ballon. Ça m’a vraiment fait plaisir.

C’est Alain Perrin qui t’a fait venir à Troyes ?

Alain Perrin voulait un attaquant, il est venu chercher Farid Ghazi. Et il a dit : « Je prends aussi celui-là. »

Il voulait un attaquant, il est venu chercher Farid Ghazi. Et il a dit : « Je prends aussi celui-là. » Après, il est venu me voir quand j’étais avec la sélection. On est partis, Farid et moi. À l’époque, en 1999-2000, l’ESTAC était promu. La première saison était compliquée, derrière on a eu une sacrée équipe (Troyes a fini 14e puis deux fois 7e) !

Tony Heurtebis, Jérôme Rothen… Fabio Celestini… On a gagné l’Intertoto. Et on a joué la Coupe d’Europe contre des grandes équipes anglaises comme Leeds United, Newcastle ou Villarreal ! Les grosses ambiances anglaises, ça me rappelait les stades d’Algérie.


Si je te dis 19 octobre 2002 et un match contre le PSG de Ronaldinho…On a fait un sacré match. On a perdu 2-1, on n’aurait jamais dû perdre ce match. Moi, je marque le but de l’égalisation, et Ronaldinho inscrit le même après. On avait fait chacun un sacré match ! À la fin, on a discuté tous les deux. Un supporter me disait : « Tu es un Brésilien de l’Afrique. » On en rigolait avec Ronaldinho. Avant qu’il ne parte à Barcelone, on avait l’habitude de se croiser – entre les matchs de championnat avec Troyes et les matchs amicaux Algérie-Brésil. On n’était pas amis, mais chaque fois qu’on se croisait, on discutait avant et après le match.

Ce but, c’est l’un des plus beaux de ta carrière, non ?Je pense, oui. Je passe l’Argentin, là… Gabriel Heinze, avec le fameux dribble de Ronaldinho, et je marque.


À l’ESTAC, tu as évolué avec Patrice Loko. Un super attaquant. Qu’est-ce qu’il t’a apporté ?Un super joueur, un super mec. Il a une belle mentalité. Sur le terrain, on s’entendait vraiment bien. Tu sentais qu’il faisait les bons appels. Même si je n’étais pas attaquant, j’ai beaucoup appris de ses déplacements.

En décembre 2000, pendant le ramadan, il y a eu cette histoire entre Alain Perrin, Farid Ghazi et toi. Qu’est-ce qu’il s’est passé ?C’était un malentendu. Je pense qu’à l’époque, Alain ne comprenait pas le sens du ramadan. Pour nous, c’est un truc sacré. Apparemment, il était allé voir quelqu’un à la boucherie, près de la mosquée, qui lui avait assuré qu’on pouvait manger pendant le ramadan, et rattraper la période de jeûne plus tard. Mais ça, ça n’existe pas ! Tu le fais ou tu ne le fais pas. Il n’y a pas d’entre deux. On est partis au clash : si on ne mangeait pas, on ne jouait pas. Nous, on a refusé. Je n’allais pas louper mon ramadan pour un match ! Il ne nous a pas pris dans le groupe pour un match ou deux, et après, c’est rentré dans l’ordre les saisons suivantes. J’étais remplaçant, des fois titulaire. Après, Alain Perrin a travaillé aux Émirats arabes unis, au Qatar, il a compris les choses. D’ailleurs, on a toujours des bonnes relations. ( « C’était l’imam de la Chapelle-Saint-Luc qui m’a affirmé qu’en cas de danger pour la santé, une coupure dans le ramadan était tolérée » , expliquait pour sa part Alain Perrin, dans un dossier de So Foot #33 consacré au rapport foot-religion, en 2006, ndlr.)

Ils en pensaient quoi, les coéquipiers ?Ils ont tous compris. Il me disaient : « Rafik, si tu as l’habitude, c’est normal. » Après, ça s’est bien passé partout : avec Rolland Courbis (à l’AC Ajaccio), Mecha Baždarević (à Istres), Christian Gourcuff (à Lorient)… Un jour, Faruk Hadžibegić (à l’ESTAC) m’a dit : « Tu peux pas faire le ramadan toute l’année ? » J’ai demandé pourquoi en rigolant. Il m’a répondu : « Tu es tout le temps bon pendant le mois du ramadan. » On a rigolé. Et c’est vrai, je me sentais bien ! À Lorient, c’était pareil. J’étais titulaire pendant le ramadan. Ça se passait super bien. Quand je commençais à être fatigué, le coach me sortait. Je sais gérer mon corps. À partir du moment où tu es bon sur le terrain, pourquoi tu ne le ferais pas ? Pourquoi cette polémique ?

Tu as déclaré que Rolland Courbis est l’entraîneur qui t’a le plus marqué. Pourtant, tu n’as joué qu’une seule saison dans son équipe (2005-06, à Ajaccio)… Qu’est-ce qui t’a plu chez lui ?C’est son discours. Il est direct. Une fois, il est venu me parler lors d’un match à Nantes. La semaine d’avant, j’avais marqué contre Lille. Il me dit : « Rafik, j’ai pas envie que tu joues titulaire. » « Pourquoi ? » « Parce que je veux que tu nous fasses gagner le match en seconde période. » C’était franc et direct. Et on a gagné 2-0 en marquant en seconde période. Mais je n’ai eu que des bonnes relations avec mes coachs. Même si je ne faisais pas un super match, je me battais sur le terrain. C’était ma force.

Comme tu passes tes diplômes d’entraîneur, est-ce que tu es en lien avec, par exemple, Rolland Courbis ou Christian Gourcuff ?Courbis, j’ai failli devenir son adjoint lorsqu’il est venu entraîner en Algérie (à l’USM Alger, en 2012-13, ndlr). Ça ne s’est pas fait, c’est le destin. Quand Alain Perrin avait des contacts en Algérie, il m’a demandé si je voulais venir. « Mais avec plaisir ! »

Venons-en à Algérie-Égypte (1-0), à Khartoum. Ce jour-là, le président Bouteflika a payé l’avion à 12 000 Algériens pour faire le voyage au Soudan. Vous allez chercher la qualification pour le Mondial, et à la fin du match, ce sont des émotions incroyables… Ce match restera gravé. Ça sera dans la mémoire de tous les Algériens. Pour nous, c’était un match sacré. Un match d’hommes. Avant, on perd 2-0 en Égypte, on s’était fait caillasser là-bas.

Tu as eu peur ?Non, moi, je n’ai pas peur. Ça te donne encore plus d’envie. Je sais pas… Ils ont réveillé quelqu’un ! Ils ont fait une erreur ! Après, il y a ce match barrage au Soudan. Il fallait du courage, et notre groupe aimait les matchs comme ça, le combat.

Quand l’arbitre a sifflé, j’avais les larmes aux yeux. On qualifie l’Algérie pour la Coupe du monde vingt-quatre ans après ! On a placé une génération sur la bonne route. On a remis l’Algérie à sa place.

Je suis sorti à la 85e minute, on menait 1-0. Je n’attendais que le coup de sifflet final. Quand l’arbitre a sifflé, j’avais les larmes aux yeux. On qualifie l’Algérie pour la Coupe du monde vingt-quatre ans après ! On a placé une génération sur la bonne route. On a remis l’Algérie à sa place. Après le match, on n’a pas dormi. Et presque trente millions d’Algériens nous ont accueillis dans la rue. De l’aéroport au palais du gouvernement, tu ne pouvais pas marcher. En temps normal, ça prend une heure, une heure et demie. Nous, on a mis presque six heures ! La foule, c’était impressionnant. Hommes, garçons, filles, vieilles… tout le monde.

À Khartoum, le stade était coupé en deux. Vous entrez sur le terrain, les Égyptiens entrent de l’autre côté…Nous, on ne calculait même pas les joueurs égyptiens. On s’attendait à un enfer sur le terrain. Avant le match, on n’a pas trop parlé dans les journaux. Quand un journaliste nous demandait : « Vous pensez quoi de ce match » , on répondait : « Y a pas de pensée. Les paroles, c’est sur le terrain. » Pourquoi s’est-on tourné pour chanter l’hymne algérien ? Parce que nous, on regardait le drapeau algérien. Les Égyptiens ont dit qu’on leur avait tourné le dos, c’est leur problème.


Ensuite, vous allez en Afrique du Sud. C’est ta dernière compétition internationale…

J’ai fait la Coupe du monde 2010 en tant que joueur, 2014 en tant que consultant, pourquoi pas 2018 en tant qu’entraîneur…

J’avais trente-cinq ans. On est éliminés au premier tour. Si on n’avait pas perdu le premier match (0-1, contre la Slovénie), ça aurait pu tout changer. Des regrets ? Non, c’est une expérience. Déjà, au début, personne ne mettait un billet sur nous pour la qualification au Mondial. C’est le plus bel évènement du monde. Rien à voir avec la Coupe d’Afrique. Il faut le vivre pour le croire. J’ai fait la Coupe du monde 2010 en tant que joueur, 2014 en tant que consultant, pourquoi pas 2018 en tant qu’entraîneur…

Après le troisième match contre les États-Unis, tu t’es embrouillé avec une journaliste algérienne et tu as écopé d’une amende d’environ 2 300 euros de la FIFA pour une gifle… C’est rien, c’est du passé. Moi, je n’ai giflé personne. Dans une zone mixte, il y a des journalistes. Personne n’a filmé la scène. On a demandé aux journalistes présents, personne n’a rien vu.

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