- Coupe du monde 2014
- 1/4 de finale
- Pays-Bas/Costa Rica (0-0; 4tab3)
Saïan Supa Krul
Pour arracher la qualification face au Costa Rica de l'intouchable Keylor Navas, il fallait tenter un coup de poker un peu fou. Ce que Louis van Gaal n'a pas hésité à faire en sortant du banc l'un de ses portiers remplaçants pour la séance de tirs au but. Deux arrêts et quelques provocations plus tard, Tim Krul est devenu l'inattendu héros du peuple oranje. Mais nom d'une pipe, qui est ce sauveur de la nation ?
« Chaque joueur de ma sélection a des aptitudes et il faut les utiliser quand on pense que ça peut servir. Tim est le plus approprié pour stopper des tirs au but. Il a une grande détente et est très imposant. » Voici comment Louis van Gaal a justifié son choix complètement barré et inédit de procéder à un changement de gardien juste avant la séance des tirs au but samedi soir face au Costa Rica. Cinq minutes avant, Tim Krul était sorti du banc pour procéder à quelques échauffements et toute l’audience se disait : « Non, il ne va quand même pas oser ? » Et bien si, le sélectionneur néerlandais a osé et il a eu parfaitement raison : son portier suppléant, bien que non spécialiste de l’exercice, a été le héros de cette fin de quart de finale, en dépliant chaque fois son 1,93m du bon côté et en stoppant deux tentatives costaricaines, ce qui a permis à son équipe de se qualifier pour le dernier carré de la compétition. « Je savais avant le match qu’il était possible que j’entre si on arrivait aux tirs au but, a expliqué Krul après-match. Le coach m’avait dit que, si on arrivait jusque-là et qu’il nous restait un remplacement, il réfléchirait à me mettre dans les buts pour la séance. Et c’est arrivé… C’est un rêve qui devient réalité pour moi. On s’était bien préparés avec l’entraîneur des gardiens et j’ai aussi décortiqué leurs tirs au but (contre la Grèce au tour précédent, Ndlr). »
Mais plus que le bachotage d’avant-séance, c’est sa lucidité qui lui a permis de prendre le dessus sur les attaquants adverses, qui avaient pour certains 120 minutes dans les jambes. « Je pars plusieurs fois du bon côté, simplement parce que j’attends le dernier moment pour plonger. » Les caméras ont aussi saisi durant cette séance le petit jeu du trash talking qu’a lancé le loustic à chaque fois qu’un joueur costaricain s’apprêtait à tirer. Un travail de déstabilisation qui a donc porté ses fruits et qui confirme Louis van Gaal dans le rôle du meilleur coach de ce Mondial (par sa capacité d’adaptation à l’effectif à disposition et à l’adversaire, par ses nombreux et souvent payants changements tactiques en cours de match…), autant qu’il confirme Tim Krul comme l’inespéré sauveur de la nation oranje. Pas mal pour un numéro 3 qui a bien failli ne même pas faire partie du voyage au Brésil.
Pas dans les 23 contre la France en mars
Convoqué cet hiver dans une liste élargie de 33 joueurs, Tim Krul avait été éjecté de la sélection de 23 qui avait été appelée pour affronter la France le 5 mars dernier au Stade de France (2-0 pour les Bleus). Louis van Gaal avait alors choisi le gardien du PSV Jeroen Zoet pour accompagner le titulaire choisi Jasper Cillessen (Ajax) et sa doublure Michel Vorm (Swansea). Krul pouvait donc légitimement craindre pour sa place en équipe nationale, malgré une belle cote de popularité parmi les supporters. Il payait là certainement les piteuses prestations défensives de son club de Newcastle, qui a terminé la dernière saison avec 59 buts encaissés en Premier League, soit le sixième pire bilan des équipes engagées. Des rumeurs ont d’ailleurs fait écho dans la presse anglaise d’une certaine lassitude du portier hollandais, qui se verrait bien changer d’air prochainement. Une palanquée de gros clubs se seraient montrés plus ou moins intéressés par son profil. Il y a eu le Barça notamment pendant un temps, mais aussi Milan, la Juve, Naples ou Tottenham en cas de départ de Lloris. Car s’il garde une belle cote sur le marché, c’est parce qu’il n’est pas pour grand-chose dans la perméabilité de son équipe, avec une charnière centrale en souffrance et un gros travail à fournir pour limiter la casse.
Débuts pros en même temps qu’Andy Carroll
Auteur de plusieurs grosses prestations sur sa ligne de but, Krul est un des chouchous de St James’ Park. Repéré à l’Euro U17 en 2005, il est arrivé à Newcastle à 17 ans seulement en provenance du club d’ADO La Haye, sa ville de naissance et d’adolescence. Il achève sa formation en Angleterre en étant copain de promo avec un certain Andy Carroll. Les deux larrons débutent d’ailleurs le même jour en pro, lors d’un match de Coupe UEFA à Palerme le 2 novembre 2006. Ils étaient âgés de 17 ans et si la grande gigue à queue de cheval a fait décoller sa carrière assez vite par la suite – un peu trop vite d’ailleurs… –, il a fallu que Krul se montre plus patient, attendant le départ de Shay Given puis une blessure de Steve Harper pour s’imposer comme le numéro un dans la cage des Magpies, où il est titulaire à part entière depuis trois saisons.
Fan d’Edwin van der Sar, forcément, le bon Timmy a certainement nourri son côté trash talker dans ce club si particulier et si instable du Nord de l’Angleterre, où il est préférable d’avoir un sacré caractère pour s’imposer. Il s’était d’ailleurs méchamment pris le bec avec Robin van Persie en 2012, au cours d’un match à l’Emirates Stadium où l’ancien Gunner avait peu goûté le gain de temps en fin de rencontre de son compatriote. Deux ans et une épique séance de tirs au but plus tard, les voici définitivement rabibochés et en mission pour la gagne dans cette Coupe du monde. Avec RVP titulaire en attaque et Krul sur le banc, prêt à filer un coup de main, au cas où.
Par Régis Delanoë