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Sagnol, les tacles glissants
Willy Sagnol aime bien partager ses échecs dans les médias, à parts plus ou moins égales. Et s'il se contentait de réussir tout seul sa reconversion, plutôt ?
Ils nous avaient manqué. Ou pas. Ces fameux tacles au ras des pâquerettes de notre ancien latéral droit préféré. La vie est impitoyable, mais elle est ainsi faite : quand on parle, il faut assumer. Parfois, la stature de l’homme fait office d’argument d’autorité, mais elle alourdit aussi les responsabilités. C’est une question d’angle de vue : quand Willy balance, doit-on écouter l’ancien grand joueur de l’AS Monaco, du Bayern Munich et de l’équipe de France ou le médiocre entraîneur des Girondins de Bordeaux ? Sans doute un peu des deux. Ce qui nous invite à ne pas l’accabler et encore moins à l’absoudre. « Rien ne m’horripile plus qu’un entraîneur qui se plaint d’avoir gagné 4-3 car il a pris trois buts » , lançait-il conquérant à la tête des Espoirs. Il aurait dû comprendre depuis que rien n’horripile plus qu’un entraîneur qui se plaint, tout court.
L’esprit Willy
Quand il était petit, Willy Sagnol rêvait de devenir commissaire de police. De là lui vient peut-être cette envie d’épingler des coupables sur un mur dès qu’on lui accorde un peu d’attention. Quand ce n’est pas le profil de certains joueurs, ce sont donc les petites mains ou les fameuses 35 heures. Visiblement, rien n’est jamais à sa hauteur. C’était déjà le cas quand il gambadait sur le terrain, de son salaire à l’ASM quand il a claqué la porte en 2000 à la plupart des latéraux de sa génération. Il s’est nourri de l’exigence du FC Hollywood et n’a jamais manqué de le faire savoir à la France à laquelle il devait montrer son savoir-faire quand il a embrassé la carrière d’entraîneur. On y croyait un peu, avouons-le. Mais on n’a pas appris beaucoup de ses expériences sur le banc. Si ce n’est cette exigence qui lui colle aux mots, cache-misère de ceux qui n’ont que trop peu d’idées à imposer. Mais n’a-t-on pas le droit d’échouer ? Bien évidemment. C’est arrivé aux meilleurs, mais il arrive également que les plus humbles réussissent. Malheureusement, Willy Sagnol – peut-être nous fera-t-il mentir, on a le droit de se tromper, nous aussi – semble n’appartenir ni à l’une ni à l’autre de ces deux catégories. « Se justifier, c’est s’accuser » , a un jour lancé Florian Thauvin. « Se justifier, c’est accuser » , préfère-t-on quand on a l’esprit Willy.
Le devoir de réussir
Mais le droit à la critique est sacré. Et il nous faut entendre les siennes. Derrière les prétextes, il y a sans doute des excuses et une part de vérité. Si Bordeaux était un club parfaitement organisé en coulisses, ça se ressentirait probablement davantage sur le terrain. Peut-être que le Château du Haillan n’est pas aussi moderne qu’on le croit, sûrement que Willy Sagnol est mieux placé que quiconque pour juger ce qu’il a vu, entendu et vécu. Mais les grands entraîneurs ne se contentent pas de constats dans les médias, ils pointent les problèmes du doigt puis les prennent à bras-le-corps. Sagnol l’a-t-il fait à Bordeaux ? On ne peut pas croire qu’il n’ait pas essayé pour avoir autant de leçons à donner. Reste que le métier d’entraîneur ne sacre pas ceux qui essaient, mais ceux qui réussissent ou, à défaut, inspirent.
Pour l’instant, Willy le coach n’est pas à la hauteur de Willy le joueur. Il a déjà usé de son droit à l’échec et de son droit à la critique. Il a le droit d’apprendre, le temps de grandir, mais il a désormais le devoir de réussir. Ce ne sera vraisemblablement pas au Bayern Munich, où il n’a plus aucune responsabilité comme le confiait récemment Hasan Salihamidžić : « Jupp(Heynckes, ndlr)voulait des hommes de confiance autour de lui. Bien sûr, la décision n’a pas été facile. Après tout, j’ai joué avec Willy. Mais nous sommes des professionnels : c’est le boulot. » Et le boulot de Willy Sagnol est maintenant de retrouver un banc, parler moins, agir plus et nous éviter d’avoir à reprendre plus poliment sa célèbre saillie adressée un jour à Marcel Desailly : « Ferme ta gueule l’ancien. » Car il nous sera toujours moins pénible de nous taire que de l’inviter à le faire.
Par Chris Diamantaire