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Sagalovitsch : « Zidane était un de ces grands joueurs inutiles »

Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov
Sagalovitsch : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Zidane était un de ces grands joueurs inutiles<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Laurent Sagalovitch, c'est un prototype assez rare d'écrivain ancien journaliste rock qui explore les arcanes de la bipolarité juive avec les rocambolesques aventures de son double romanesque Simon Sagalovitsch. Et un immense supporter élégiaque de l'ASSE désormais installé au Québec. Il poursuit sa trilogie avec « Un juif errant » ou son héros arrive en Israël et s'installe à Jaffa, le quartier arabe de Tel Aviv, puis monte une équipe uniquement avec des joueurs d'origine française. Nul doute que l'interview va faire couler de l'encre et du commentaire...

Laurent Sagalovitch, Un juif en cavale (Actes sud)

Faire dire à un Juif parisien réfugié diplomatique à Tel Aviv qu’il préfère le Zidane égyptien au Zidane français, c’est du snobisme absolu ou l’incapacité de digérer que ce soit équipe de France-là qui soit devenue championne du monde ?
Disons au risque d’apparaitre comme un traitre à la patrie, que Zidane et moi, ça n’a jamais marché. J’ai toujours trouvé que c’était un de ces grands joueurs inutiles qui versent plus dans l’esbroufe que dans le génie. Beaucoup de paraître et pas beaucoup d’être. Du clinquant plus que du claquant. Évidemment tout le contraire de Platini. Je n’arrive même pas à comprendre comment on peut arriver à les comparer. Ils n’appartiennent pas au même monde. Platini, ça reste quand même la classe absolue. Pour moi, Platini c’est un mélange inouï de roublardise et d’intelligence. Facile et efficace. Rien à jeter. Et oui, je confirme, il y aura toujours de l’amertume et du ressentiment à voir que l’équipe de France qui a été championne du monde n’était qu’une équipe de vaillants tâcherons bordés de nouilles. C’était peut-être solide, bien articulé, bien compact mais je n’ai jamais pris plaisir à la voir jouer. Tandis que celle de Platini, elle avait quand même un charme fou. Un mélange de fantaisie réfléchie et de nonchalance vaillante. Hollandaise quoi.

Le foot que tu sembles encenser reste celui des AS, comme l’équipe que dirige ton héros à Jaffa, c’est de la nostalgie pour la gauche d’antan ou juste pour les Verts – un club patronal au départ ?Du moment que ce n’est pas un Olympique, j’aime toutes les équipes ! Je crois fondamentalement qu’on reste fidèle aux équipes qui ont émerveillé notre enfance et notre adolescence. Parce qu’elles nous ont peut-être donné les plus beaux moments de notre vie et qu’à partir de là, on contracte envers elles une dette imprescriptible. C’est presque de l’amour maternel. On ne leur dira jamais assez merci. Alors oui, les Verts ont enchanté mon enfance. Et le Milan mon adolescence. C’est comme ça. Tu ne peux pas lutter contre ton enfance. Tu ne peux pas être contre ton enfance. C’est impossible. Ce serait la pire des trahisons. Après, tout découle de là. Si quelque part, j’ai survécu à l’ennui de mon enfance et au tourment de l’adolescence, c’est grâce à Rocheteau, Bathenay, Curkovic, van Basten, Baresi, Donadoni. Et c’est comme ça que tu te retrouves à 45 ans à être de méchante humeur quand tes Verts perdent et te sentir un peu plus léger quand ils gagnent. Et quand dans le même week-end le Milan et Sainté triomphent, alors là tu te mets à papoter avec les nuages !

Tu sembles indulgent avec le foot israélien, et la société israélienne en général, qu’on sait gangrené comme les autres par le racisme (récemment au Bétar) et la corruption ? Pour une fois qu’ils font comme tous les autres, on ne va quand même pas le leur reprocher ? Ou là aussi, ils font qu’ils soient parfaits, irréprochables, impeccables. De toutes les façons, il est bien évident que quand t’es juif et a fortiori israélien, tu n’as pas le droit à l’erreur. C’est comme ça depuis la nuit des temps et ça restera comme ça. Après, tu es le peuple élu et il faut assumer ce fardeau et le devoir d’exemplarité qui va avec. On ne peut pas être amoral et juif ou du moins on ne devrait pas l’être. Ce serait comme marquer un but contre ton camp. Tu dois toujours être plus que parfait sinon tu sais parfaitement que le monde alentour, à la moindre petite entourloupe, est prêt à te faire passer en cour martiale. Sinon le foot israélien, c’est une blague. Il faut bien se rendre compte que le Juif, métaphysiquement, est nul en sport. Notre terrain de jeu, c’est le Verbe et la Loi, pas le Stade. Suffit de comparer le nombre de prix Nobel et de sportifs juifs émérites. Le gamin juif qui dit à sa mère « Maman quand je serai grand, je veux être footballeur » , sur le champ, on l’envoie chez le rabbin pour le recadrer. Le sport, c’est bien, l’étude, c’est mieux. Même le séfarade qui, a priori a un rapport avec le Livre un peu plus distancié, il n’encouragera jamais son gosse à renoncer à l’étude pour se consacrer au sport.

« La France et le foot, ce n’est qu’une histoire de malentendus »

Justement, les campagnes de boycott de l’Euro des moins de 21 ans t’inspirent quoi ?Que c’est effarant de connerie mais que ça ne m’étonne pas plus que cela. En fait, la seule question qui importe, c’est de savoir s’ils vont trouver quelque chose d’encore plus fort qu’Auschwitz. Pas tout de suite bien sûr. Mais dans cinquante ans. Dans un siècle. Dans dix siècles. Là, concernant l’Euro, t’as des footballeurs circoncis du cerveau qui appellent à boycotter. Il parait que c’est de l’antisionisme, pas de l’antisémitisme. J’adore cette subtilité linguistique. Tu te retrouves face à des gens qui la plupart du temps ne sont ni juifs, ni arabes, ni rien du tout, qui n’ont jamais mis les pieds en Israël, qui ne sauraient même pas situer Tel Aviv sur une carte, qui ne savent rien de l’histoire des deux peuples et qui pourtant sont capables de te tenir des raisonnements nietzschéens sur le problème palestinien. Le même Palestinien qui, s’il devenait demain son voisin de palier, serait stigmatisé comme la source de tous ses malheurs. C’est ça qui est fascinant dans l’antisémitisme : de voir que les gens répondent à des mécanismes d’une pensée séculaire (peuple déicide, peuple dominateur, peuple coupable) dont ils n’ont même pas conscience. Que si ce n’était pas Israël et donc à travers lui l’incarnation du Juif, personne mais absolument personne ne se soucierait de la Palestine.

Comment définir le foot français, puisque cela semble être la préoccupation de tes personnages – non féminins – du roman ?La France et le foot, ce n’est qu’une histoire de malentendus. La France n’est pas une nation de foot. Elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais. C’est profondément culturel. Si tu lis un roman de Martin Amis ou de n’importe quel écrivain anglais, tu peux être sûr qu’à un moment ou un autre, tu auras un passage sur le foot. C’est quasiment obligé. Pareil pour un écrivain américain avec le baseball. En France, c’est tout juste si ton éditeur, pas le mien, si tu lui dis que tu vas parler un peu de foot dans ton prochain roman, il ne va pas appeler ta femme pour voir s’il n’y a pas moyen de t’interner. De toutes les façons, en ma qualité de sale Juif qui plus est vivant hors des frontières de l’Hexagone, toute idée de nationalisme, de patriotisme m’est complètement étrangère. Je supporte un club, une équipe juste parce qu’il ou elle me donne de l’émotion. Ça n’a pas de frontière, l’émotion. Je n’ai eu aucun problème à me réjouir de la victoire de l’Italie contre la France en 2006. Je ne vais pas m’en aller supporter un club juste parce qu’il vient de Gaule. Sinon quand tu vois le niveau actuel de la Ligue 1, tu te demandes si tu peux descendre encore plus bas. Les cinq matchs du samedi soir, c’est quand même sidérant de nullité. Je suis sûr que si tu leur passes ces matchs à Guantanamo, t’as même plus besoin de recourir à la torture. Ils seraient prêts à tout avouer au lieu de se taper la retransmission de cette soirée mortifère.

Pour terminer, quand tu entends Benjamin Biolay affirmer qu’il ne se produira jamais à Saint-Étienne, tu n’as pas envie finalement de lui dire merci ?Sérieusement qui écoute Benjamin Biolay ??? Qui ??? Est-ce que quelqu’un est capable de me dire le titre d’une de ses chansonnettes pour nymphette désincarnée ? Biolay, ce n’est ni un chanteur à texte, ni un chanteur à voix. Alors c’est quoi ? Franchement, je ne sais pas. C’est le Morrissey du pauvre. Et encore. Ce n’est personne. Absolument personne. Une coquille sidérante de vide. C’est le Nasri de la chanson française. Il fallait trouver un successeur à Gainsbourg et on a décrété que ça serait Biolay parce que ce serait possiblement un mélodiste de génie. Sauf que ça ne trompe personne. J’ai la tension qui galope rien qu’en en parlant alors je vais renvoyer les lecteurs sur un billet que j’ai daigné lui consacrer sur mon blog. (A lire ici).

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Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov

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