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Saer Sène : « Van Gaal a été un papa pour moi »
Passé par le PSG, le Bayern Munich, les New York Red Bulls de Thierry Henry, Saer Sène joue aujourd'hui en D3 allemande, à Taunusstein-Wehen.
Saer, tu joues aujourd’hui ta sixième saison en division inférieure allemande. Un choix ou un hasard ?C’est le destin. Je me sens bien dans ce pays, alors je n’ai pas de réelles raisons de repartir. Je connais bien ce pays, sa culture et ses championnats maintenant.
Ça a toujours été aussi facile pour toi, outre-Rhin ?Non, l’adaptation a été difficile. C’est une nouvelle culture, une autre mentalité, une nouvelle langue. Au début, ça ne se passait pas très bien, je me demandais ce que je foutais là. Leur langue est très compliquée en plus, je n’arrivais pas à communiquer. Du coup, je me retrouvais dans mon coin, sans arriver à parler aux autres : je ne jouais pas beaucoup. Au premier hiver, j’ai voulu rentrer en France, mais mon entourage m’a poussé à rester. Il y a eu un changement d’entraîneur, il parlait un peu français en plus. Je m’étais mis à apprendre l’allemand de mon côté, en lisant, regardant la télé. J’essayais de parler et c’est venu. Au final, j’ai fait une superbe deuxième partie de saison et c’était parti.
Quand tu parles de la mentalité allemande, tu veux dire quoi par là ? C’est froid ? Rigoureux ?Froid pas forcément, il y a aussi des personnes froides en France. En revanche, c’est vrai que dans tous les domaines, ils sont très rigoureux, disciplinés et organisés. Comme on l’imagine.
Avant cela, tu étais au centre de formation du PSG. Comment ça se passait ?Je n’étais pas vraiment dans leur centre de formation en fait, mais je m’entraînais avec une partie des jeunes. Au final, ça n’a pas abouti. J’avais 15 ans, j’habitais à côté de Champigny, et c’était difficile de se rendre à St Germain pour les entraînements. Comme ma mère donnait la priorité à l’école et que ça n’allait pas très fort dans ce domaine, j’ai dû arrêter. Je revenais vers minuit des entraînements, elle trouvait que ce n’était pas possible.
Et maintenant, tu es devenu un joueur bien ancré dans la 3. Bundesliga. Ça vaut quoi ce championnat ?Tous les clubs sont entièrement professionnels, avec les infrastructures qui vont avec. Beaucoup de clubs évoluaient dans des divisions supérieures avant. Du coup, il y a une vraie culture du foot. Quand on joue à Magdeburg, Dresden ou Cottbus, c’est souvent devant 20 000 – 25 000 spectateurs. Ce sont des ambiances incroyables pour ce niveau. Sinon, c’est toujours au moins 10 000 personnes. Ça fait plaisir. Niveau terrain, c’est assez complet. Très tactique, assez physique, moins qu’en Angleterre, et ça joue bien au ballon. À l’image des Allemands, c’est très discipliné.
Tu as connu cette division avec la réserve du Bayern. C’était comment ?Clairement un monde à part. On avait le droit à des infrastructures parmi les meilleures du monde. L’hiver, on jouait sur des terrains chauffés, c’était top.
Et tu ne t’es pas contenté de la réserve en Bavière…Oui, j’ai eu l’occasion de m’entraîner et de faire quelques matchs avec le Bayern. C’est quelque chose de grand. Quand on fréquente ce type de joueurs, on les voit différemment. Pour moi, c’est allé très vite, je n’ai pas eu le temps de réaliser, il fallait prouver que je méritais ma place très vite. Quand on est jeune, il faut réussir immédiatement, ça te fait garder les pieds sur terre. J’ai beaucoup appris pendant cette période. J’étais très proche de Mario Gómez, Klose et Ribéry évidemment. Ivica Olić a été comme un grand frère. Même en dehors des terrains, on se parlait de nos quotidiens.
Et puis tu étais sous les ordres de Louis van Gaal, c’était comment ?Il a été comme un papa pour moi. J’étais jeune à l’époque. Il me connaissait, savait comment je jouais. Il a tiré le meilleur de moi. C’est quelqu’un de dur, mais on sait pourquoi. Il te booste, n’hésite pas à te dire ce qu’il pense, mais il croit en toi. Dès l’échauffement, il faut être à 100%.
Puis tu mets le cap sur les USA, pourquoi un choix aussi radical ?J’ai eu une opportunité, je l’ai saisie. Je n’ai aucun regret, ça a été une très bonne expérience malgré quelques blessures. J’ai eu un coup de foudre lors d’une tournée là-bas avec le Bayern. On avait joué contre Portland, ça jouait bien, il y avait une bonne ambiance. J’ai été séduit, je m’étais promis d’y jouer. Alors quand j’ai pu, j’ai foncé.
Et durant cette période, tu joues au New-York Red Bulls avec Thierry Henry, un rêve qui devient réalité ?Oui. Thierry, c’était mon idole, le rencontrer a été le meilleur moment de ma carrière. La première fois, c’est quand j’étais encore à New England. Après le match, on a bu un verre ensemble et on est restés en contact. Quand je suis arrivé aux Red Bulls, il m’a beaucoup aidé sur et en dehors du terrain. Lui aussi, il a été comme un frère pour moi. Il m’a énormément appris.
Après un intermède à Blackpool en Angleterre, tu retournes en Allemagne. Passer de la vie à New York à celle d’une petite ville à côté de Mayence, ça n’a pas été trop dur ?En Angleterre, j’habitais Manchester, c’était sympa et ça m’a servi d’intermédiaire. Malheureusement, avec une blessure, je n’ai pas pu jouer autant que je l’espérais et j’ai décidé de venir me relancer en Allemagne. La vie ici est très sympa aussi, on est prêt de tout : Mayence, Stuttgart, Francfort, la France…
La France justement, tu y reviens souvent ?Oui, avec le TGV, en 3h, je suis à Paris. Certains jours de repos, je fais le trajet pour voir des amis. Y revenir définitivement ? Si une opportunité se présente, j’aimerais bien. Malheureusement, pour le moment, il n’y a jamais eu de contacts concrets.
Ton père est un ancien grand joueur du PSG. A-t-il eu une influence sur ta carrière ?Il m’a conseillé dans certains choix, mais c’est tout. Je suis devenu professionnel sur le tard, ce n’était pas forcément gagné. Plus grand monde ne s’y attendait, mais pour moi, il n’y avait pas d’autre alternative. Quand j’étais jeune, mes parents étaient séparés, donc ce n’était pas évident non plus.
Toi qui est de longue date en Allemagne, pour l’Euro, ton cœur balance entre les Bleus et la Mannschaft ?
Pas du tout, pour moi, c’est la France. J’espère qu’on ira plus loin pour ne pas me faire chambrer. Les Allemands sont champions du monde, ils sont favoris. La Coupe est chez nous, j’espère qu’elle y restera, ça fait longtemps qu’on n’en a pas gagné. En 1998, j’étais jeune, mais l’ambiance était folle, j’aimerais revivre ça en juillet.
Propos recueillis par Nicolas Kohlhuber