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Sadio Mané aux manettes
Abandonné par ses deux acolytes, Roberto Firmino et Mohamed Salah, l’attaquant sénégalais a l’occasion, ce mardi face au Barça, de prouver au peuple red qu’il a la capacité d’endosser en solo la cape de héros local. Une chose qu'il a rarement eu l'occasion de faire depuis son arrivée à Liverpool en 2016, mais sa forme actuelle laisse entendre que son heure pourrait bien sonner.
Le grand public ne jure que par les Avengers, saga qui écrase le box-office en mettant à l’écran une bande de super-héros tous aussi différents les uns des autres, et qui ne sont jamais aussi forts que lorsqu’ils sont réunis. Pour Liverpool, le synopsis est un peu le même depuis plusieurs mois tant ce blockbuster, réalisé par Jürgen Klopp, base sa réussite sur l’association de trois justiciers qui préfèrent sévir en short plutôt qu’en collant. Mais ce serait oublier que chaque personnage a déjà pu sauver le monde de sa perte plusieurs fois et chacun dans sa propre franchise. Et quand Mohamed « Iron Man » Salah et Robert « Thor » Firmino sont obligés de déclarer forfait, c’est à Sadio « Spider » Mané qu’incombe la lourde responsabilité de secourir l’univers des Reds. Pas une mince affaire quand on sait que pour cette demi-finale retour, c’est un Thanos blaugrana sûr de sa force qui se présente à Anfield : les Catalans menant 3-0, il sera difficile de trouver une happy end. Et à y regarder de plus près, le Sénégalais a bien entre ses pattes la possibilité de tisser l’exploit.
Mané versus wild
Le principal intéressé et seul rescapé de la MSF sait que l’absence de ses compères d’attaque va peser contre Barcelone. Pas seulement parce que les doublures Divock Origi et Xherdan Shaqiri, les deux acteurs qui devraient les remplacer, sont plus habitués aux seconds rôles. Mais surtout parce que ce Liverpool a commencé à regarder vers le haut au moment où il a trouvé un trio offensif qui visait dans le même sens. Une histoire d’équipe qui trouve son prologue en 2016, lorsque Firmino et Mané découvraient leur complémentarité. Schématiquement, quand le Brésilien décroche, le Sénégalais prend la profondeur. Mo Salah a ensuite complété la fusée rouge en 2017. « On n’a eu aucun temps d’adaptation (avec lui), tellement il est fort, expliquait-il à L’Équipe. On est vraiment très proches. On rigole tout le temps à l’entraînement, on prend du plaisir à être ensemble. On a à peu près le même caractère, tous les trois. On veut tous mettre l’intérêt de l’équipe avant le nôtre. La force de Liverpool, c’est son collectif. »
S’il faut reconnaître que la machine scouse est bien huilée, il faut aussi souligner que le gamin de Bambali a depuis pris pas mal d’épaisseur. Lors de la dernière finale de Ligue des champions, les Reds avaient l’air désemparé au moment où leur leader Mohamed Salah était sorti au bout de 30 minutes, blessé à l’épaule par Sergio Ramos. Une perte qui serait vécue bien moins dramatiquement un an plus tard, puisque l’Égyptien est descendu de son nuage, que les forces sont désormais plus équitablement réparties, et que l’ancien Messin est perçu autrement que comme un simple lieutenant. Non, lui aussi, quand il le faut, sait endosser son bouclier de capitaine d’attaque.
Mané of the year
Certes, les compteurs montrent que Mané est toujours moins décisif que Mohamed Salah : l’Égyptien a marqué 26 buts cette saison et apporté directement 24 points aux siens, quand le Sénégalais a inscrit 24 pions et a offert 12 points. Pourtant, c’est bien ce dernier qui affiche la meilleure progression. Il y a peu, celui qui était surtout redouté pour sa vitesse et son intelligence dans les déplacements a ajouté de nouvelles cordes à son arc. De l’efficacité donc, mais aussi la présence dans la surface. Un exemple : seuls Aleksandar Mitrović (Fulham) et Chris Wood (Burnley) ont plus marqué de la tête que lui en Angleterre, les deux avants-centres d’1,87 m et 1,91 m ayant planté 6 buts du crâne, alors que Mané en a collectionné 5 du haut de son mètre 75. Pour en arriver là, il a fallu sauter, mais aussi bosser. Au point d’être pris en modèle par le coach Klopp au moment où il a fallu expliquer comment Salah devait surmonter ses carences passagères : « Lorsque Sadio n’était pas au bon endroit au bon moment, la seule chose qu’il a faite a été de travailler, travailler et travailler. C’est exactement ce que Mo doit faire. »
Ainsi, le Lion de la Téranga semble être entré dans une autre dimension. Cet hiver, c’est lui qui a tenu l’attaque des Reds à bout de bras en jouant le rôle de dynamiteur professionnel. En 2019, en plus d’un doublé primordial lors des huitièmes de finale pour renverser le Bayern chez lui (1-3), il a également ouvert huit fois le score et a inscrit 9 de ses 15 buts dans les 30 premières minutes. S’il avait échoué à le faire au Camp Nou, malgré son occasion manquée sur un excellent service de Jordan Henderson, c’est exactement ce dont Liverpool aura besoin ce mardi pour faire douter d’entrée le Barça et enflammer une partie qui ne demande qu’à ressembler à une super production hollywoodienne. Avec Sadio en tête d’affiche, forcément.
Par Mathieu Rollinger