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Sacha Houlié : « On ne peut pas faire peser le contexte sécuritaire sur les supporters »

Propos recueillis par Adrien Hémard-Dohain
9 minutes

Auteur d'un rapport parlementaire sur les interdictions de stade et le supportérisme en 2020, le député Renaissance Sacha Houlié est l'un des rares élus à comprendre quelque chose au monde des tribunes. Discret dans les médias après les annonces fortes de son gouvernement, le supporter des supporters à l'Assemblée nationale sort du silence.

Sacha Houlié, partisan des supporters.
Sacha Houlié, partisan des supporters.

En tant que membre de la majorité présidentielle, comment vous sentez-vous dans ce climat de défiance et de répression à tout-va envers les supporters que vous avez toujours défendus ? Malheureusement, je n’ai pas été surpris par l’interdiction des supporters sévillans à Lens. On a vu la semaine dernière que la même décision avait été prise pour tous les matchs de Ligue 1, ou presque, avant que le Conseil d’État n’en annule une grande partie. Aujourd’hui, il y a un prétexte de pris, après les incidents très graves à Nantes, mais le vrai problème, c’est la sursollicitation des forces de police qui justifie qu’on annule tous les déplacements.

Personne n’est exempt de responsabilités : ni la LFP, qui reste l’organisateur, ni l’État, qui reste le garant de la sécurité publique.

Sacha Houlié

Notamment à Nantes d’ailleurs, où l’absence de forces de l’ordre n’a pas permis de faire appliquer l’arrêté préfectoral, ce qui a conduit ensuite au drame… Exactement. J’ai l’impression de me répéter année après année, on a écrit une doctrine d’emploi avec Marie-George Buffet en 2020. Qu’on ne m’écoute pas moi, pas grave, mais on peut quand même croire Marie-George, dont l’expertise en matière de sport et d’organisation est reconnue. On a eu des résultats concrets d’ailleurs depuis ce rapport à l’intérieur des stades, à l’exception des faits survenus dans le parcage lyonnais au Vélodrome. Depuis mai 2021, on n’a quasiment plus d’incidents dans les stades. Pour revenir à aujourd’hui, personne n’est exempt de responsabilités : ni la LFP, qui reste l’organisateur, ni l’État, qui reste le garant de la sécurité publique.

Même si Gérald Darmanin s’est défaussé sur l’OM après l’attaque du bus lyonnais… Oui. Il faut le dire avec transparence : on a la chance d’avoir des préfets qui vont dans le bon sens aussi, comme Frédérique Camilleri, la préfète de police de Marseille, qui se démène pour défendre le principe fondamental de la liberté d’aller et venir. On a une bible avec le rapport qu’on a fait avec Marie-George, qui rappelle les principes essentiels, donne une partie de la méthode, et pointe les limites que l’on a en France. Ces limites, malgré les nombreux outils, c’est notamment la configuration des stades ou de leurs abords, et la surmobilisation des forces de l’ordre. Malgré cette équation, on a les outils pour faire les choses correctement.

Le problème, c’est qu’on a l’impression que votre rapport a été vite mis à la poubelle. Je serais plus mesuré, parce qu’on a réussi à faire évoluer le dispositif sur les IAS (interdictions administratives de stade, NDLR) qui ont été assouplies. On a aussi eu la circulaire Castaner qui demeure, sur la limitation des interdictions de déplacements. Enfin, le Conseil d’État annule aujourd’hui beaucoup plus les interdictions de déplacements quand les supporters font des requêtes. Mine de rien, la mentalité a un peu évolué. Cela montre qu’il y a une conscientisation autour des supporters. On n’a peut-être pas gagné dans tous les faits, en droit dur, mais on avance dans les têtes, et c’est important.

En tant que membre de la majorité, ça doit quand même être compliqué quand vous entendez le ministre de l’Intérieur et la ministre des Sports demander l’interdiction pure et simple des déplacements. Comment vous vivez ça ? C’est difficile pour moi de critiquer directement le ministre de l’Intérieur et la ministre des Sports. J’imagine qu’ils ont une contrainte extrêmement forte sur la mobilisation des forces de l’ordre, notamment en vue des Jeux olympiques. Après, cette contrainte ne peut pas être extériorisée par une interdiction systématique des déplacements de supporters. On ne peut pas faire peser le contexte sécuritaire sur les supporters. On ne se prémunit pas par ces interdictions systématiques des troubles à l’ordre public. Le but, c’est de continuer sur ce qu’on peut faire de mieux, de répartir les forces de police. Si l’État a des grosses inquiétudes en matière de déplacement, il faut que les arrêtés préfectoraux établissent au minimum des jauges. Il faut préserver le principe fondamental des déplacements.

Concernant les supporters de Séville, on ne peut pas dire qu’on est sur les supporters les plus virulents et extrémistes du continent. En plus, Séville n’a pas été averti.

Sacha Houlié

Le ministre de l’Intérieur vous consulte sur le sujet ? Non, mais ma position est connue depuis longtemps. S’ils veulent faire ce que je propose, ils ont déjà le mode d’emploi. Ils s’appuient beaucoup sur la DNLH qui classe les matchs à risques de 1 à 5.

Quitte à faire des raccourcis pour tenter de justifier ces arrêtés. Là, on apprend que les Sévillans ne peuvent pas venir à Lens à cause de leur amitié avec le Standard de Liège. On imagine que ce n’est pas Gérald Darmanin, mais la DNLH qui a trouvé cette info… Ce qui m’interroge surtout, c’est que là, on n’est pas sur un déplacement franco-français, sur lesquels le ministre de l’Intérieur a une prérogative. En coupe d’Europe, les déplacements ne sont jamais interdits parce que la compétence relève de l’UEFA, pas de l’État. Et là, concernant les supporters de Séville, on ne peut pas dire qu’on est sur les supporters les plus virulents et extrémistes du continent. En plus, Séville n’a pas été averti. Je crains que cet arrêté soit contre-productif.

D’autant plus qu’il a été annoncé deux jours avant le match, publié la veille, en dépit de tout bon sens. Ça ne fait que mettre de l’huile sur le feu, non ? Oui, et surtout vis-à-vis des Lensois qui ont déjà montré leur sens de l’accueil. D’ailleurs, ils sont prêts à accueillir les Sévillans dans leur tribune, ce qui en dit long. Il y a eu un manque de clairvoyance sur l’appréciation de ce match.

Dans votre rapport en 2020, vous insistiez sur la nécessité de dialogue. Un dialogue aujourd’hui au point mort, non ? L’Institut national du supportérisme (INS) se réunit quand même deux fois par an. Le président de l’Association nationale des supporters (ANS) et Football Supporters Europe (FSE) sont en lien avec les ministères. Les ministères ont d’ailleurs moyennement apprécié les recours de l’ANS devant le Conseil d’État. Je peine à la justifier, donc je ne peux pas expliquer, cette fièvre d’interdiction de déplacement. Jusqu’à présent, on avait trouvé des moyens.

On s’offusque moins de privation de libertés pour un supporter de foot que pour un manifestant ou tout autre citoyen.

Sacha Houlié

En France, on ne sait toujours pas réunir les acteurs autour d’une table. C’est le cœur du problème ? Oui, parce que le dialogue, c’est la seule solution pour apporter des réponses adaptées à chaque match. On le voit à l’étranger, mais on l’a vu aussi jeudi dernier à Brest avec l’accueil de Strasbourg. On le voit régulièrement en coupe d’Europe, où les pouvoirs publics sont contraints de pouvoir accueillir du public, et le font bien. Même quand des publics à risques viennent, ça se passe toujours plutôt bien. Le seul débordement, c’était Nice-Cologne parce qu’il n’y avait pas de séparation en tribune. Le problème, c’est qu’on a les outils, mais qu’on ne les mobilise pas. Il faut analyser les matchs cas par cas. Évidemment, c’est chronophage, d’où la tentation de l’État de se simplifier la vie en interdisant purement et simplement les déplacements, pour s’éviter tant de travail. C’est une tentation qui se fait au prix des libertés individuelles et au détriment d’un savoir-faire qui se construit ainsi, car il y aura toujours des déplacements qu’on ne pourra pas interdire. Alors autant s’entraîner avant.

Comme la finale de Ligue des champions 2021, même si celle-ci a fait plus scandale en Angleterre qu’en France. Malheureusement, je pense que beaucoup de gens se fichent des droits des supporters en France. Dans d’autres domaines, je constate un recul global en France de l’inquiétude sur les libertés individuelles. On a longtemps considéré les supporters comme des citoyens de seconde zone, et c’est encore le cas. Il y a une forme de relativité de l’anticonstitutionnalité des mesures qui sont prises : on s’offusque moins de privation de libertés pour un supporter de foot que pour un manifestant ou tout autre citoyen.

On a l’impression aussi que la plupart des gens qu’on entend sur le sujet n’y connaissent rien, ne sont pas informés, notamment les préfets. Est-ce qu’ils sont formés sur le sujet ? Je confirme qu’il n’y a aucune formation des préfets sur ce sujet, qui agissent surtout en fonction de leur expérience personnelle ou de leurs convictions profondes. À Marseille, Frédérique Camilleri est sensible au sujet, car elle aime le football et la fête autour. Mais, souvent, les préfets jouent le côté sécurité et vont vers l’interdiction de principe.

Dans votre rapport de 2019, vous pointiez l’échec de la politique du tout répressif. Avec cette volonté d’interdire tous les déplacements, on y est plus que jamais, avec des sanctions toujours plus collectives, et toujours pas d’individualisation. Alors oui, et non. Sur les interdictions de déplacement, on est resté sur le contraire de ce qu’on défend, avec des sanctions collectives à tout-va. En revanche, on sanctionne beaucoup mieux aujourd’hui les comportements répréhensibles dans les stades, avec des procédures pénales.

Vous êtes inquiets pour l’avenir des supporters en France ? Mon travail, c’est d’être inquiet. En tant que législateur, mon rôle premier, c’est la protection des libertés fondamentales, qui sont menacées dans le foot. Il y a de quoi s’inquiéter, mais il y a aussi des effets d’annonce. Tous ces arrêtés des derniers jours sont des effets d’annonce. C’est une bataille culturelle d’une partie de la classe politique qui vire vers le tout sécuritaire, mais nous, on mène une contre-bataille culturelle sur les libertés des supporters qui progresse petit à petit.

Vous parlez « d’effets d’annonce », ce qui montre bien que, encore une fois, le gouvernement répond sur la forme plutôt que sur le fond. Est-ce qu’on va un jour en France enfin prendre le sujet du supportérisme sur le fond, comme l’avait fait votre rapport ? Le combat n’est jamais gagné. Le propre de notre position d’ouverture et de liberté, c’est de se battre contre les courants contraires. Aujourd’hui, on est sur une période de recul pour les droits des supporters. Notre rôle, c’est de ne rien lâcher pour que la situation redevienne prospère et profitable pour les fans de football.

@so_foot

Il y autant de variétés dans le public parisien que sur le terrain 🥵 #ultras #parissaintgermain #psg #psgnantes #tifos #footballtiktok

♬ son original – SO FOOT

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