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Sacha Houlié : « Les jauges proportionnelles, une question de justice »

Propos recueillis par Quentin Ballue
8 minutes
Sacha Houlié : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Les jauges proportionnelles, une question de justice<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Ce lundi, le Parlement commencera l'examen du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire. Dans le lot, la question des jauges dans les stades et les salles de spectacle. La commission des lois vient d'ailleurs de voter un amendement en faveur d’une jauge proportionnelle à la capacité d’accueil des lieux. Sera-t-il conservé dans le texte final ? Le député de la Vienne Sacha Houlié, qui a porté la mesure, explique le pourquoi du comment.

Pourquoi avez-vous souhaité porter cet amendement ?C’est un amendement qu’on avait déjà déposé en septembre 2020, dans le cadre du débat sur les jauges. Lorsqu’il y a eu le retour des jauges forfaitaires, le gouvernement a utilisé l’argument de l’intelligibilité : une jauge de 2000 à l’intérieur, une jauge de 5000 à l’extérieur. Nous avons pensé que l’on pouvait faire différemment, en s’adaptant et en ayant des jauges proportionnelles à la capacité des stades ou des salles.

C’était plutôt logique ?Oui, ça nous paraît du bon sens. C’est un débat qu’on a déjà eu à plusieurs reprises, et dans lequel on s’est déjà beaucoup impliqué. Faire de la sorte est plus compliqué, mais ça nous semble effectivement relever du bon sens.

La question de ces jauges est cruciale pour les clubs. Certains vont ont remercié ?A posteriori, oui. J’ai eu pas mal de remontées, j’ai reçu des messages de l’Olympique de Marseille et d’autres de l’OL via les députés du Rhône. Des députés corses m’ont aussi appelé, de la part des dirigeants de Bastia. J’avais déjà défendu cette ligne, donc c’est avant tout une conviction. Je ne l’ai pas fait sur demande, mais vraiment parce que ça me semblait juste. J’ai constaté que beaucoup de syndicats, Foot Unis par exemple, m’ont également adressé des remerciements ou des communiqués de presse de soutien.

La prochaine étape, c’est le vote du projet de loi dans lequel cet amendement vient s’inscrire ?Exactement. On sera en séance lundi 3 janvier, et le but est qu’on puisse le maintenir dans le texte. Aujourd’hui, il figure dans le texte. Le gouvernement a accepté d’évoluer, c’est un premier pas. Maintenant, on voudrait qu’il conserve notre texte en l’état.

C’est un débat qu’il fallait trancher : soit on fait quelque chose de brut très rapidement et intelligible pour tous, soit on fait quelque chose de plus détaillé.

La jauge forfaitaire a des conséquences immédiates, puisque des matchs ou des spectacles ont lieu tous les jours. Combien de temps peut-on imaginer qu’il faudra, pour que le projet de loi soit voté ?Il y a deux possibilités. S’il y a un accord entre l’Assemblée et le Sénat, le texte peut être voté dès la fin de la semaine prochaine, vendredi 7 ou samedi 8. Ça peut aller très vite. S’il n’y a pas d’accord, le texte sera définitivement voté après une ultime navette parlementaire et avec un probable dernier mot à l’Assemblée. Dans cette hypothèse, ce sera avant le 15 janvier. Donc d’ici au 15 janvier, on saura ce qu’il en est. Il faut aussi savoir que si la version que l’on a en commission arrive à l’Assemblée nationale, dans la mesure où le Sénat est d’accord, on pourrait avoir ce que l’on appelle un vote conforme : si l’Assemblée et le Sénat votent dès la première lecture la même disposition, elle ne bougera plus.

Puisque c’était du bon sens, pourquoi la proportionnalité des jauges n’a-t-elle pas été annoncée d’emblée ?Il y a des différences d’interprétation. Le gouvernement a voulu aller très vite, et que ce soit compréhensible par tout le monde. Il voulait quelque chose d’intelligible, un peu en mode on/off : 2000 à l’intérieur et 5000 à l’extérieur, ce qui a la vertu de la simplicité. Concernant la proportionnalité, dans la loi, on ne vote que de grands principes. On dira que les jauges sont proportionnelles, ensuite, le ministère donnera le cadre précis. C’est un débat qu’il fallait trancher : soit on fait quelque chose de brut très rapidement et intelligible pour tous, soit on fait quelque chose de plus détaillé. Parler de bon sens, ce n’était peut-être pas forcément la meilleure expression. C’était plutôt une question de justice et de justesse.

Vous parlez d’intelligibilité, mais il semble pourtant facile de comprendre que les jauges peuvent être adaptées à la capacité des lieux.Je suis d’accord avec vous, c’est pour ça que j’ai déposé mon amendement ! J’essaie d’expliquer les débats qu’on a eus, les arguments qu’on a échangés. Pour le coup, si j’ai déposé cet amendement, c’est parce que j’ai beaucoup travaillé cette question. J’avais déjà cet amendement en stock depuis septembre 2020 et l’examen d’un texte qui a ensuite été retiré, puisque la situation sanitaire s’était dégradée. Je ne veux pas jeter la pierre au rapporteur Jean-Pierre Pont (qui a émis un avis défavorable sur la mesure, NDLR). Il a fait son travail, ses arguments étaient ceux qui ont été utilisés par le gouvernement. Si j’ai maintenu et défendu mon amendement, c’est que j’ai une autre opinion. L’avis du rapporteur ne préjuge pas du vote final, et cela montre aussi qu’il y avait une vraie volonté des parlementaires, de la majorité et de l’opposition, d’être sur la ligne des jauges proportionnelles.

Avant même que le projet ne soit voté, il y a déjà une forme d’incidence ou en tout cas d’influence sur les décisions publiques. 8000 spectateurs (pour Chauvigny-OM), ce sera déjà mieux que 5000.

Le fait que le gouvernement n’annonce pas de jauge proportionnelle témoigne-t-il d’une forme de méconnaissance vis-à-vis de la réalité du monde du sport et du spectacle ?Pour le coup, je ne vais pas les accabler, je ne parlerais pas de méconnaissance. Il y avait une volonté d’aller très vite, ce qui les a poussés à mettre en place des solutions simples. Le fait est que c’est aussi pour ça qu’il y a une procédure parlementaire, ça prend grâce à notre travail. Même dans l’urgence, on se pose pour regarder les choses et dire ce que l’on peut faire ou non. On va avoir d’autres débats qui seront extrêmement difficiles sur les vérifications des contrôles d’identité, sur l’organisation du télétravail ou sur la vaccination des enfants… La France est le pays qui a le plus voté de textes sur l’état d’urgence sanitaire, mais si nous sommes aujourd’hui capables de voir les points qui vont poser des difficultés et que l’on peut améliorer tout de suite, c’est parce que les parlementaires ont une expertise, parce qu’on a débattu et affiné notre dispositif.

Le sénateur de l’Isère, Michel Savin, a aussi annoncé qu’il déposera un amendement sur la question pour adapter les règles aux situations locales et aux capacités d’accueil des équipements. Quel serait l’intérêt d’un tel amendement au Sénat, en sachant que le vôtre a déjà été adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale ?On a plutôt intérêt à ce que lui vote en l’état le texte qui est le mien. Si l’Assemblée maintient le dispositif que j’ai fait voter mercredi et que le Sénat le vote aussi, plus personne ne pourra y toucher, cette partie-là du texte sera intangible. Ce que voulait manifester le sénateur, c’est que dans l’hypothèse où l’Assemblée reviendrait sur notre proposition, lui-même proposerait un amendement.

Il y aura donc un plan B, si votre amendement n’est finalement pas retenu ?Exactement. Mais le mieux reste quand même le plan A parce qu’encore une fois, ça permet de verrouiller tout de suite le texte et de ne plus avoir à y toucher.

Ce dimanche, le match entre Chauvigny et l’OM ne se jouera pas devant 5000 spectateurs, mais 8000. Savez-vous si votre amendement a pesé dans la balance des pouvoirs publics, au moment de prendre leur décision ?C’est ce que j’ai compris, oui, il y a eu une forte demande de la part des clubs quant à la politique de commercialisation des billets. Pour avoir participé à des discussions avec les maires, avec la préfète, avec le directeur des compétitions de la FFF, avec le directeur de cabinet de Noël Le Graët et avec Saïd Enjimi, le président de la ligue de Nouvelle-Aquitaine, je sais que ça a joué. Avant même que le projet ne soit voté, il y a déjà une forme d’incidence ou en tout cas d’influence sur les décisions publiques. 8000, ce sera déjà mieux que 5000. Ce ne sera malheureusement pas 13 000, mais tout le monde comprend pourquoi.

En tant que député de la Vienne et supporter marseillais, ce Chauvigny-OM sera une rencontre particulière pour vous.Un petit peu, oui. Je suis supporter de l’OM, je l’ai toujours été, donc je ne me travestirai pas, je supporterai l’Olympique de Marseille pour ce match-là comme pour tous les autres. En revanche, je veux aussi dire que dans la Vienne, et la Nouvelle-Aquitaine en général, on a une relation un peu contrariée avec le football pro. Sur une région de six millions d’habitants, vous n’avez que trois clubs professionnels : Bordeaux, Pau et Niort. Le coup de projecteur sur les clubs de la Vienne fait un bien fou parce que ça alerte les pouvoirs publics sur le soutien qu’il faut apporter à ces clubs en cours de structuration, qui peuvent continuer de monter. Et sur le soutien populaire qu’ils peuvent recevoir. C’est bien pour le développement du football dans la région. Je ne serai malheureusement pas au stade, parce que je suis retenu par d’autres obligations. Mais évidemment, je serai devant la télé.

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Propos recueillis par Quentin Ballue

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