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Sabrina Delannoy : « Patrice Lair a su créer une alchimie »
Barça-PSG, acte II, avec ce samedi la version féminine en demi-finales de la Ligue des champions. Présentation des enjeux de la fin de saison parisienne avec la pionnière Sabrina Delannoy.
Après 12 saisons au PSG et alors que vous apprêtez à vivre peut-être vos dernières semaines au club, comment abordez-vous les échéances à venir : avec une certaine appréhension ou au contraire une forme de détachement ?Je suis plus dans une optique dans laquelle j’ai juste envie de profiter. Je sais la chance que j’ai de vivre ces moments-là, le chemin parcouru pour en arriver à vivre une fin de saison comme celle-là. J’ai du recul par rapport à ça et sur le foot en général maintenant. Du coup, je mesure la chance de vivre des instants précieux et j’ai juste envie de prendre du plaisir, de retrouver le plaisir que j’avais quand j’étais enfant dans la cour d’école. Cette maturité me permet de prendre plus de plaisir qu’au début de ma carrière par exemple.
Il y a donc des moments dans la carrière où l’on perd cette notion de plaisir ?Non pas vraiment, car à partir du moment où je suis sur le terrain, je prends du plaisir. Mais parfois, il y a tellement de choses autour, de pressions, de contraintes, qu’on oublie un peu ce plaisir dans la carrière. Aujourd’hui, j’arrive à me concentrer uniquement sur cet aspect-là et j’ai envie de finir ma carrière avec ce sentiment, et avec un titre avec mon club qui sera synonyme de bonheur.
Avant sans doute de mettre un terme à votre carrière sur les terrains (son contrat se termine en juin 2017)… C’est vrai que cette année, c’est la première fois que j’y songe sérieusement… C’est peut-être le moment, mais rien n’est encore décidé. Je suis encore en pleine réflexion et dans l’incertitude. Je laisse les choses se faire tranquillement, rien ne presse, et je peux attendre le mois de juin pour faire mon choix. Cela me permet de me concentrer pleinement sur cette fin de saison excitante à vivre.
La double confrontation face au Barça va forcément avoir une connotation particulière cette année, on va beaucoup vous parler de la fameuse « remontada » et des matchs des garçons. Oui, dans les médias et chez les supporters, on va forcément retrouver ce parallèle avec les garçons. Mais ça ne doit pas être une pression supplémentaire pour ces deux matchs à venir, un frein pour nous. Personnellement, je sais qu’une fois sur le terrain, c’est une chose à laquelle je ne penserai plus. Mais c’est vrai qu’en tant que parisienne, j’ai vécu les matchs des garçons avec beaucoup d’émotion. Comme supportrice, j’étais présente au match aller au Parc, demain je serai sur le terrain comme joueuse du PSG pour redorer le blason du club. Battre le Barça et aller en finale, ce serait génial pour notre équipe et pour le club.
Le fait de les avoir déjà battues l’an passé est-il un avantage psychologique pour vous ?Certainement, car même si on n’a pas une grosse expérience en Ligue des champions, on en a un peu plus qu’elles. Mais beaucoup de choses ont changé des deux côtés. Elles ont beaucoup progressé depuis l’an passé dans le jeu et elles se sont renforcées au niveau de l’effectif. Nous, on a vécu pas mal de changements aussi avec un nouveau staff et un renouvellement d’une partie des joueuses. Donc même si on part avec un léger avantage par rapport à l’an passé, je ne pense pas que notre coach va s’appuyer sur ces matchs-là pour préparer ceux de cette année.
Justement, que vous a apporté l’arrivée de Patrice Lair sur le banc parisien l’été dernier ?Il a apporté une vraie force de caractère à cette équipe. Avant, on était dans une certaine forme de routine et on tournait un peu en rond, on sentait qu’il nous manquait quelque chose sans vraiment savoir ce que c’était. Et Patrice a apporté un nouvel élan. En plus, c’est un vrai stratège, on sait exactement ce qu’on doit faire sur le terrain en fonction des situations. Par exemple en Ligue des champions contre Lillestrom ou le Bayern, il avait prévu exactement ce qui allait se passer. Et puis dans son management, il arrive à nous transmettre que rien n’est impossible et c’est une vraie force qui nous a permis de battre Lyon en championnat par exemple. Il a su créer une alchimie, un état d’esprit dans notre groupe qui fait notre force cette saison. Chaque coach a ses particularités et j’ai pu apprendre de chacun d’eux, mais avec Patrice, c’est la première fois dans ma carrière que je rencontre un coach qui me booste autant et qui me permet de m’améliorer encore, même à mon âge !
Vous vivez une saison plutôt forte en émotions : victoire contre l’OL qui vous fait prendre la tête du championnat en décembre, mais perte sur tapis vert du match contre Albi par la suite, défaite lors du classico en mars à Marseille et qualification le week-end dernier pour la finale de la Coupe de France… Quel rôle jouez-vous dans le groupe par rapport à la gestion de tout ça ?J’essaye déjà de véhiculer aux plus jeunes les valeurs du club, tout ce que j’ai appris ici pour qu’elles aient l’amour du PSG. Je crois que c’est fondamental, car aimer son club permet d’être plus investi et donc plus performant sur le terrain. C’est une force supplémentaire que n’ont pas des joueuses qui sont juste de passage. Quand on est dans un club depuis des années, comme moi à Paris, on construit au fil des années cette force de caractère et cet attachement au club. La première partie de saison, on a été euphoriques, j’ai vécu ça comme un de mes meilleurs moments au club en matière d’émotions et d’intensité. Mais les difficultés étaient aussi en partie envisageables, car on a commencé la saison avec un nouveau staff, un effectif assez juste… Dans les moments difficiles, avec Shirley (Cruz, la capitaine), on essaye de remobiliser le groupe, mais aussi d’être à l’écoute des filles. Et quand une fille est dans le dur, on va vers elle, on lui explique que ça fait aussi partie d’une carrière et qu’il faut trouver la force de rebondir, individuellement et collectivement.
Cet amour du club dont vous parlez, vous y travaillez, au sens propre comme au figuré, au quotidien avec votre activité au sein de la Fondation du PSG (elle est la seule joueuse de l’effectif à avoir une autre activité depuis le passage au professionnalisme en 2012). C’est sûr que j’ai avec le PSG une relation particulière et que je n’oublierai jamais ce que le club a fait pour moi, que ce soit niveau football ou par rapport à mon travail. Ce que je suis aujourd’hui, je le dois au club, j’ai tout connu et tout appris avec le PSG. Donc j’ai envie de continuer à être ici avec Paris pour la suite. Plein de choses vont encore évoluer dans le futur et j’ai envie de m’inscrire dans ce projet. C’est une chance d’avoir ce lien particulier avec ce club et j’essaierai toujours de lui rendre ce qu’il m’a apporté. Après sous quelle forme, on verra bien…
Votre reconversion semble assurée, cela simplifie quand même les choses pour le futur.J’ai vraiment de la chance, j’ai le choix du roi comme on dit. Et surtout ça me permet de ne pas envisager la suite de ma carrière de footballeuse pour de mauvaises raisons. Me dire que je dois continuer à être sur le terrain parce que je n’ai rien derrière. Je peux prendre le temps de mûrir mon choix et c’est une chance.
Si vous vous qualifiez pour la finale de la Ligue des champions, vous pourriez rencontrer à nouveau Lyon. Cela ferait trois matchs contre les Lyonnaises en deux semaines (match retour de championnat, finales de la Coupe de France et de la Ligue des champions), vous allez frôler l’overdose ! C’est vrai que ça va faire beaucoup en peu de temps et que ça sera forcément particulier. Mais il faut positiver et se dire qu’aller chercher un titre est un challenge excitant. Il ne faut pas avoir peur ou faire un complexe et avoir conscience qu’être encore en lice à ce moment de la saison, c’est super. Bien sûr, les Lyonnaises sont favorites par rapport à nous, elles ont leur passé, tous ces titres pour elles… Mais si on est là, c’est qu’on le mérite aussi et si on peut aller chercher un titre contre elles, alors ce sera une belle victoire. Bien sûr, à choisir, je préfère une victoire en Ligue des champions, mais avant d’y penser, on va déjà jouer et essayer de se qualifier pour la finale en battant le Barça.
Propos recueillis par Benjamin Laguerre