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Sabella, l’étudiant de Bilardo

Par Thomas Goubin
Sabella, l’étudiant de Bilardo

La filiation est aussi évidente que certaine. Alejandro Sabella a été le joueur de Carlos Bilardo, et a fait des Estudiantes la Plata son sas de passage vers la sélection, à l'instar du sélectionneur champion du monde 1986. Mais s'ils se ressemblent dans leur manière de concevoir le football, les personnages n'ont pas grand-chose à voir.

« 24 ans ont passé et la tant critiquée école d’Estudiantes se trouve à nouveau parmi les quatre meilleures (du Mondial). » La phrase est signée Juan Sebastián Véron, l’ex-milieu de la Lazio et de Manchester United. Élevé dans le sérail des Estudiantes, Véron dresse un pont dans cette phrase au ton revanchard entre les épopées de l’Argentine de Bilardo et celle de Sabella, deux entraîneurs qui ont fait leurs classes à la Plata. Chez les Pincharratas, le surnom des Estudiantes. Avec le club rouge et blanc, Véron a remporté la Libertadores, en 2009, sous les ordres d’Alejandro Sabella, entraîneur d’un seul club, avant d’être nommé sélectionneur de l’Argentine en 2010. Véron sait aussi ce que ce club doit à Bilardo, pour être le fils de Juan Ramon Véron, autre idole locale et ex-coéquipier d’El Narigón. Associé au rugueux Bilardo, le père de Juan Sebastián a tout remporté avec les Estudiantes : un championnat, trois Libertadores (68, 69 et 70), et même une Coupe intercontinentale (1968, face à Manchester United). Dans cet ensemble à l’engagement quasi bestial, Bilardo était le relais, sur le terrain, du révolutionnaire entraîneur Osvaldo Zubeldia. Au sein du laboratoire des Estudiantes, Bilardo a presque tout appris de Zubeldia, coach que ses détracteurs caricaturaient comme le promoteur d’un « anti-football » . Club pas franchement populaire (sauf à la Plata), les Estudiantes n’en sont pas moins un club qui gagne. Et qui apporte finalement beaucoup à l’Albiceleste.

Djellaba, somnifères et blague de Lavezzi

Coordinateur des sélections nationales, le septuagénaire Carlos Bilardo a pesé de tout son poids dans la nomination de Sabella. Formés à la même école, les deux hommes s’estiment, mais se ressemblent-ils pour autant ? En matière de caractère et de personnalité, le champion du monde 1986 et celui qui aspire à lui succéder sont aussi semblables que Maradona et Messi. En 86, au moment de débarquer au Mexique, Bilardo lança ainsi cette phrase jusqu’au-boutiste : « Les gars, dans la valise, ne mettez que deux choses : un costume et une djellaba. Le costume, c’est au cas où nous soyons sacrés, la djellaba si nous sommes éliminés au premier tour, car on devra alors aller vivre en Arabie Saoudite. » Maradona et consorts n’auront besoin que du costume, mais cela ne suffira pas à contenter Bilardo. La légende veut qu’après le sacre de Mexico, le sélectionneur se soit enfermé pendant deux jours pour comprendre comment son équipe avait pu prendre deux buts sur coup de pied arrêté en finale. Bilardo est narcissique, colérique, parfois de très mauvaise foi. Sabella est surnommé Pachorra. Traduire : nonchalant, tranquille. Pédagogue, serein au moment d’expliquer ses choix ou d’analyser ses matchs, presque toujours mesuré, Sabella en impose assez peu, au point de voir ses joueurs se le payer, cf la blague de Lavezzi qui fit gicler de son bidon un jet d’eau dans le visage du sélectionneur. Bilardo avait, lui, été accusé après le huitième de finale Argentine-Brésil de 1990 d’avoir donné à Branco un bidon d’eau qui contenait des somnifères. Le genre de pratique dont ne pourrait même pas être suspecté le bonhomme Sabella.

Personnalités distinctes, mais pas incompatibles – ils se parlent tous les jours – Bilardo et Sabella ont plus ou moins procédé de la même manière pour emmener l’Argentine vers les sommets. La pierre fondatrice de l’Albiceleste 86 avait ainsi été de considérer Maradona comme le joueur autour duquel serait construit l’équipe. Celle de Sabella a été de donner les clés du camion ciel et blanc à Messi. Cela a plutôt bien marché, puisque la Pulga a marqué 25 buts lors des 30 derniers matchs. Sabella a même poussé le mimétisme jusqu’à débuter son Mondial en 3-5-2, le schéma pour lequel avait opté Bilardo en 1986 pour mieux servir le talent de Maradona. Après une première période au contenu inquiétant, même si l’Argentine menait les débats face à la Bosnie, Sabella a révisé ses plans, et opté pour une ligne de quatre. Sabella, comme Bilardo, est un « estudioso » : un homme qui va s’attarder sur chaque détail, décortiquer le jeu de l’adversaire de manière obsessionnelle, et bouger ses pièces sans aucun scrupule pour l’égo de ses joueurs, ou pour le sien, au moment de se déjuger. Lors de la deuxième moitié des années 60, la doxa argentine n’était pas loin de reprocher à Zubeldia, le mentor de Bilardo, de trop préparer les matchs : combinaisons sur coups de pied arrêtés, fermeture des espaces, utilisation de l’arme du hors-jeu à une époque où personne ne le faisait en Argentine. Zubeldia empêchait ainsi les artistes de Boca ou River de s’exprimer. Bilardo et Sabella ne jouent pas seulement des parties d’échecs, ils aiment ça. Quand Pachorra parle en conférence de presse, sa passion transpire et c’est parfois beau, même quand il évoque des scénarios glaçants. « Ne pas marquer, aller jusqu’aux penalties, comme cette chanson où les minutes passent, mais ne reviendront jamais… » , avait-il déclaré après avoir franchi l’obstacle suisse en touchant la haie.

Savoir gagner à défaut de faire rêver

Un fil rouge traverse l’histoire des Estudiantes, et relie Bilardo à Sabella. En 1971, Carlos Bilardo a succédé à Osvaldo Zubeldia à la tête des Pincharratas. Quand il revient cornaquer les universitaires de la Plata en 1982, El Narigon exige le rapatriement du talentueux milieu offensif, Alejandro Sabella, exilé en Angleterre (Leeds United), comme Zubeldia avait fait appel à l’expérience de Bilardo en 1965 pour chaperonner les jeunes pousses du centre de formation des Estudiantes. Sous les ordres de Bilardo, Sabella va beaucoup apprendre et recevoir une carte de recommandation pour devenir l’assistant de Daniel Passarella quand celui-ci prend en charge la sélection (1994). Dans un pays qui se divise entre bilardistes et menottistes, Sabella se trouve clairement dans le camp des premiers, même s’il n’est pas un dogmatique. De son 3-5-2 initiatique, Sabella est passé au 4-3-3, puis au 4-4-2, suite au forfait d’Agüero. Le sosie de Gargamel ne s’épargne aucune retouche. Décrié pour avoir recours à de trop nombreux joueurs formés ou qui ont évolué aux Estudiantes, il ne s’est pas non plus trop entêté, et a gommé ceux qui n’étaient clairement pas des joueurs de sélection, comme Rodrigo Braña ou Sebastian Domínguez. Pendant ce Mondial, il a aussi écarté sur le chemin Federico Fernández au profit de Martín Demichelis. Reste que dans le style exhibé par l’Albiceleste depuis le début de la deuxième phase, il est difficile de ne pas détecter une partie de l’ADN rugueux et cérébral des Estudiantes.

Depuis le début de la deuxième phase, l’Argentine de Sabella ressemble aussi étrangement à celle qui avait émergé en 1990 à partir des huitièmes de finale du Mondial italien. L’Albiceleste se montre solide, hermétique, plutôt ennuyeuse, même si elle se révèle beaucoup moins tordue que celle de 1990. Car, au final, Sabella figure une version édulcorée de Bilardo. Plus réglo, moins charismatique, et plus souple également. Mais les deux sont bien des hommes de la « tant critiquée école » des Estudiantes, comme l’a souligné Juan Sebastian Véron. Bilardo et Sabella savent gagner à défaut de faire rêver. Le résultat est là : quatre Libertadores. Deux de moins que Boca, mais deux de plus que River. Et trois finales de Coupe du monde. Quoi qu’il arrive ce dimanche, Sabella aura marché dans les pas de Bilardo, vainqueur de la RFA en 1986, et défait en 1990.

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