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S.Levinsky : «Pour Maradona le monde est divisé en deux»

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S.Levinsky : «Pour Maradona le monde est divisé en deux»

Journaliste argentin basé à Madrid et sociologue, Sergio Levinsky a été le témoin dans ses vertes années des débuts du prodige porteño, avant de le suivre à partir de 1984 comme journaliste. Auteur d'une biographie épuisée de Maradona («Rebelde con causa»), il dépoussière ses souvenirs du Diez. Où l'on apprend que Maradona était un superbe joueur de ping-pong.

Quels souvenirs gardes-tu des premières années de Maradona ? Je me rappelle d’une partie d’Argentinos Juniors contre le Cosmos de New York de Beckenbauer, jouée sur la pelouse du Velez Sarsfield. En cours de match, la pluie s’est mise à s’abattre avec une telle violence qu’on pouvait à peine jouer. Comme le ballon ne pouvait plus être exploité proprement au sol, Maradona portait la balle avec son pied d’un bout à l’autre du terrain. Après le match, Beckenbauer a déclaré qu’il n’avait jamais vu un joueur aussi incroyable, même Pelé. Et puis il y a eu le Mondial juniors de 1979. L’équipe la plus parfaite que j’ai jamais vue, bien meilleure que l’Argentine 78 et 86. De cette équipe, quasiment tous ses membres ont fait carrière en première division, ce qui est rare. Cette sélection junior est celle qui a le mieux interprété le football argentin. Maradona n’a jamais aussi bien joué qu’avant 1982 et son transfert à Barcelone.

Pourquoi la Coupe du Monde 1982 n’a-t-elle pas été celle de Maradona ? A cause de Menotti. Maradona n’a pas joué à son poste, il devait se situer dos au but, occuper une position de neuf et demi pour privilégier les champions du monde Kempes, Bertoni, Ardiles. Il ne disposait pas d’espace pour s’exprimer. Menotti faisait confiance aux champions du monde 78, au détriment des Gabriel Calderon, Ramon Diaz, Juan Barbas, cantonnés à jouer les remplaçants, et il n’a jamais fait preuve de considération envers Maradona. Ses rapports avec le Diez étaient guidés par la jalousie. Menotti se considérait comme l’étoile de la sélection et la personnalité de Maradona lui faisait de l’ombre. Toute la presse espagnole se passionnait pour le phénomène qui venait de signer au Barça, mais Menotti ne cessait de répéter qu’il n’était qu’un de plus. Avec Bilardo, la sélection jouait un football moins attrayant, mais lui, à l’inverse de Menotti, a eu l’intelligence de toujours considérer Maradona comme la star de la sélection dès le premier jour. Il savait que Maradona avait besoin de se sentir comme une personnalité importante.

Quelle était la relation de Maradona avec Kempes, l’autre star du football argentin ? Très bonne. Maradona admirait Kempes mais cela ne l’a pas empêché de lui demander de lui céder le 10 à la Coupe du Monde 1982. Menotti avait décidé de s’en tenir à l’ordre alphabétique pour désigner les numéros et de faire fi des postes. Maradona se retrouvait numéro onze et était désespéré. Il est alors allé supplier Kempes qui lui a donné volontiers son numéro. Une attitude assez rare de la part d’une star, d’un champion du monde.

Etait-ce une expérience spéciale d’interviewer Maradona ? J’avais un avantage car il savait que j’étais de Boca, et ensuite j’ai couvert les matchs de la sélection pendant de nombreuses années. Mais c’était un interlocuteur difficile et Coppola a toujours été un obstacle. Il a pourri sa relation avec la presse, ne lui a pas expliqué comment s’y prendre avec les médias, comment choisir ses interviews. Alors que si le gens avaient connu davantage Maradona, ils auraient eu une meilleure image de lui : c’était un joueur adoré de ses coéquipiers, très solidaire. Je me souviens l’avoir vu donner une montre en or à un ex-coéquipier de Boca qu’il avait croisé à l’aéroport de Madrid.
A suivre Maradona pendant près de dix ans, quel trait de caractère t’a le plus marqué chez lui ? Pour Maradona, le monde est toujours divisé en deux : ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre lui. Amis et ennemis. Quand il jouait au tennis ou au ping-pong, il prenait ça très à cœur. D’ailleurs Maradona était un superbe joueur de ping-pong. Quand il va voir un match de l’équipe argentine de hockey sur gazon aux Jeux Olympiques, là aussi il a besoin de sa dose d’adrénaline et ne peut pas se comporter en simple spectateur. En politique, c’est pareil : il va insulter Bush et idéaliser Chavez. Il a toujours eu besoin d’hostilité pour se motiver. Au Mexique, il avait très mal pris que la presse considère que la Coupe du Monde s’annonçait comme médiocre et qu’aucun joueur n’avait les qualités pour survoler la compétition. En Italie, s’il a si bien joué, c’est aussi qu’il se battait contre l’Italie du Nord. Sans cette frontière qu’il trace entre ses amis et ses ennemis, la vie lui paraîtrait bien fade.

Propos recueillis par Thomas Goubin

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Sergio