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Rybolovlev et le dernier carré du cœur
Dmitry Rybolovlev, le propriétaire russe de l'AS Monaco, aura forcément un représentant monégasque en finale, puisqu'il compte des joueurs aussi bien chez les Bleus que les Diables rouges. Mieux, le milliardaire russe dispose aussi d'un club filial à Bruges et peut se vanter d'avoir formé le meilleur joueur du tournoi en la personne de Kylian Mbappé. Une belle revanche pour celui qui a repris en mains le club du Rocher à la 19e place de Ligue 2 en décembre 2011.
Décembre 2011. Monaco végète à la 19e place de Ligue 2, coincé entre Amiens et Arles-Avignon. C’est le moment choisi par Dmitry Rybolovlev, milliardaire russe ayant fait fortune dans la potasse, pour acquérir plus de 60% des parts du club. Moins de sept ans plus tard, le patron de l’AS Monaco regardera la demi-finale de Coupe du monde entre la France et la Belgique avec une certaine fierté. D’une parce que trois de ses joueurs joueront ce dernier carré (Thomas Lemar et Djibril Sidibé côté Français, Youri Tielemans côté belge). De deux parce que certains CV couchés sur la feuille de match ont, dans un passé plus ou moins récent, brillé sur le Rocher (Yannick Carrasco, Benjamin Mendy, Thierry Henry, Didier Deschamps). Et de trois, point le plus important, parce que le facteur X de cette demi-finale et sensation de ce Mondial? Kylian Mbappé? a été formé sur le Rocher.
C’est avec le maillot monégasque que l’Europe a découvert Mbappé lors d’un Manchester City-Monaco de folie en Ligue des champions l’an dernier. C’est avec la liquette des Bleus que le monde a fait sa connaissance lors de son doublé face à l’Argentine. Quatre ans après la folle Coupe du monde de James Rodríguez avec la Colombie, le vent de fraîcheur du Mondial porte encore le sceau monégasque, même si « KMB » brille aujourd’hui sous les couleurs du PSG depuis son transfert record de 180 millions d’euros l’été dernier.
France-Belgique en Russie, tout un symbole
James, Mbappé, Tielemans, Lemar, Sidibé. C’est un peu le résumé du projet Rybolovlev à Monaco au cœur d’une demi-finale de Coupe du monde qui se déroule… en Russie. Le hasard fait bien les choses. Personnage secret et discret, Dmitry Rybolovlev, 166e fortune du monde selon Forbes, a deux grandes passions : le football et l’art.
Récemment, à propos de Leonardo Jardim, son coach sur le Rocher avec lequel il a été champion de France en 2017 et demi-finaliste de la Ligue des champions la même année, il lui a été demandé quel « Leonardo » le Russe préférait : Jardim ou Da Vinci, en référence au tableau Salvator Mundi du peintre italien (qui appartenait à « Rybo » avant sa vente record de plus de 382 millions d’euros lors d’enchères en décembre 2017). Une somme folle, mais toujours en dessous du volume de joueurs vendus par le club du Rocher et pour lequel le puissant oligarque ne risque pas de se brûler les ailes, pour le coup. On parle de plus de 500 millions de vente en moins d’un an depuis les départs récents de Thomas Lemar (Atlético de Madrid) et Fabinho (Liverpool) pour plus de 120 millions d’euros avant le début du Mondial.
Un club filial… en Belgique
Deux joueurs méconnus et achetés pour des clopinettes avant d’exploser et de devenir internationaux sur le Rocher. Deux beaux coups parmi tant d’autres, dont certains étaient même présents en Russie : Bernardo Silva, Kamil Glik ou encore Nabil Dirar. En sept ans, le projet monégasque a varié. De l’achat massif de stars à l’été 2013 (Falcao, João Moutinho, Éric Abidal) au projet actuel symbolisé par les sommes déboursées pour des prospects courtisés par les plus grands clubs européens comme Jordi Mboula (18 ans), Pietro Pellegri (17 ans) et Willem Geubbels (seize ans) pour près de cinquante millions, Monaco est passé par tous les états et a dû revoir son modèle économique – notamment à cause du fair-play financier et de ses faibles ressources hors ventes de joueurs – sans jamais perdre l’idée de départ : être performant (cinq podiums de rang, du jamais-vu depuis 25 ans) et découvrir les stars de demain. Celles qui brillent lors d’un grand tournoi.
Tapi dans l’ombre et s’appuyant sur des hommes de confiance comme Vadim Vasilyev, Rybolovlev a surtout mis en place un modèle unique en France et de plus en plus cité en exemple ici et là. Récemment, le club du Rocher a racheté les parts du club… belge du Cercle Bruges, fraîchement promu en Jupiler League cette saison grâce aux renforts des jeunes Monégasques. Cette base arrière permet aux jeunes pépites monégasques d’obtenir du temps de jeu en Belgique de manière conséquente. À l’heure actuelle, six jeunes Asémistes sont déjà en poste à Bruges pour la saison à venir (Kévin Appin, Yoann Étienne, Paul Nardi, Guevin Tormin, Irvin Cardona et Pierre-Daniel Nguinda).
Répéter le schéma
Dans une époque ou tout va très vite, Dmitry Rybolovlev va sans doute prendre le temps de savourer cette demi-finale particulière à ses yeux. Particulière car elle met en exergue, un peu, une partie de son projet. Surtout, le Russe n’est pas rassasié et se projette déjà sur l’Euro 2020 ou le Mondial 2022 au Qatar. Cet été, Monaco a investi massivement – via le réseau de son nouveau directeur sportif Michael Emelano, ancien de Chelsea – sur des jeunes garçons qui sont amenés, peut-être, à être les stars de demain : Eliot Matazo (16 ans, Belgique), Jonathan Panzo (17 ans, Angleterre), Willem Geubbels (16 ans, France), Robert Navarro (16 ans, Espagne), sans oublier Piétro Pellegri acheté en janvier (17 ans, Italie).
Avant France-Belgique où Kylian Mbappé pourrait de nouveau marcher sur le monde, Dmitry Rybolovlev pense, sans doute, au prochain tournoi international avec cette petite idée en tête : quel jeune Monégasque éclatera aux yeux du monde ? Pour autant, le natif de Perm n’oublie pas une chose : lors de son premier match dans la peau du nouveau patron de l’AS Monaco, son club s’était imposé à Amiens, lanterne rouge de Ligue 2, grâce à des buts d’Edgar Salli et Tristan Dingome.
Par Mathieu Faure