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Ryan Mason, le produit du terroir
Toujours plus riche, toujours plus internationale, la Premier League offre de moins en moins de places aux jeunes talents anglais. Mais comme chaque règle a son exception, Tottenham fait mentir les généralités : après Harry Kane, Ryan Mason est le second joueur du cru à crever l'écran. Et à faire espérer aux Spurs une histoire à la Steven Gerrard.
« Pour nous, les supporters, cela renforce notre sentiment identitaire, « il est l’un des nôtres » peut-on dire. Ces jeunes locaux qui ont grandi en supporters desSpurssont plus à même de montrer de la loyauté, de la passion et du dévouement. Personne ne représente mieux ces valeurs que Ryan Mason. » Membre du directoire du Tottenham Hotspur Supporters Trust, Kevin Fitzerald ne tarit pas d’éloges sur le nouvel emblème de son club. Un joueur rapidement lancé dans le grand bain, à 17 ans pour un match de Ligue Europa, mais qui a tardé à vraiment trouver sa place dans le groupe pro. Plusieurs prêts dans les divisions inférieures, Yeovil Town, Doncaster, Millwall, un autre en 2013 à Lorient, où il ne joue pas un seul match en équipe première, Ryan Mason ne parvient pas à éclore. Si bien qu’il confie au Daily Mail avoir un jour songé au grand saut : « Il y a eu des moments où je voulais un nouveau départ, car je n’avais pas les opportunités que je pensais mériter. Je pensais que partir définitivement dans un autre club, pas en prêt, changerait la donne, me permettrait d’être traité différemment » . Le milieu est donc proche de quitter son club formateur, car plusieurs clubs de Championship lui font du pied, mais le cœur finit par parler : « Je voulais jouer pour Tottenham. Le doute subsistait, je savais que je risquais de regretter amèrement un départ… »
Natif d’Enfield, au nord du Grand Londres
Pour le natif d’Enfield, au nord du Grand Londres, le tournant s’appelle Mauricio Pochettino. Lorsque l’Argentin quitte Southampton pour succéder à Tim Sherwood cet été, il fait le forcing pour récupérer Morgan Schneiderlin, son métronome au milieu de terrain chez les Saints. Sauf que ces derniers refusent de lâcher le Français, Tottenham se rabat sur Benjamin Stambouli. Avec ce dernier, Capoue, Bentaleb, Dembelé ou encore Paulinho, Pochettino est bien fourni dans l’axe du milieu. Mais durant la pré-saison, Ryan Mason a sa chance, fait le boulot, si bien que le coach des Spurs le lance le 27 septembre pour le North London Derby contre Arsenal. La performance de Mason est convaincante, il ne sortira plus de l’équipe. « Seul son amour desSpursl’a fait rester, c’est une source de satisfaction pour nous que le manager actuel ait vu son potentiel. Tellement de joueurs payés avec l’argent de la vente de Bale ont déçu que l’éclosion d’un jeune formé localement est toujours une source de célébration » , explique Kevin Fitzerald. Pour le gamin d’Enfield, cela se traduit par près de 30 matchs en équipe première cette saison, quand en août se posait encore la question de sa capacité à jouer au plus haut niveau.
Le box-to-box de Tottenham
Milieu offensif, voire second attaquant de formation – 29 buts avec la réserve de Tottenham en 2009, un record -, Mason a longtemps galéré. La faute à des pépins physiques récurrents que le joueur attribue à trop d’exercices de musculation qu’il s’imposait pour se mettre à niveau physiquement. Son corps a commencé à le laisser tranquille lorsqu’il a arrêté le développé couché, et paradoxalement, il ne s’est jamais senti aussi fort que sans cette masse musculaire « artificielle » . Et s’est ainsi imposé dans l’axe des Spurs, le plus souvent aux côtés d’un autre produit de la formation locale, Nabil Bentaleb. À l’aise balle au pied, agressif, ce qui lui permet de gratter des ballons, Mason s’illustre également par sa propension à jouer vertical. Si bien qu’en termes statistiques, il est le joueur qui perd le plus de ballons, mais aussi celui qui en gagne le plus. La conséquence d’un jeu tout en prises de risques, mais aussi d’une formation pas encore totalement achevée. Kevin Fitzerald : « Ses passes peuvent être parfois trop ambitieuses, ses tacles un peu trop engagés » . Mais Pochettino le préfère toujours à Capoue, Paulinho et Stambouli, ce dont les supporters se réjouissent parce qu’ « ils sont plus tolérants avec Mason car il est jeune, en apprentissage et c’est l’un des nôtres » . Profil typique du box-to-box, même s’il peine pour le moment à avoir les statistiques offensives d’un Lampard ou d’un Gerrard, Ryan Mason commence à s’attirer les louanges des grands noms du foot anglais comme Brendan Rodgers ou Harry Redknapp. Même s’il a encore tendance à péter les plombs, comme lors d’un accrochage avec Benteke, d’Aston Villa, qui a valu une amende au club londonien en novembre.
Et maintenant l’équipe nationale ?
Si Kevin Fitzerald se refuse à comparer l’importance de Mason pour Tottenham à celle de Gerrard pour Liverpool car « chez les supporters des Spurs, on a souvent tendance à en attendre trop vite trop tôt de certains joueurs » , les observateurs anglais eux n’hésitent plus à faire du milieu londonien un candidat à l’équipe nationale anglaise. Dans sa chronique pour The Standard, Paul Scholes avait expliqué qu’il n’y avait aucune raison pour que Roy Hodgson se prive de Mason dans sa prochaine liste, quand un sondage du Daily Mirror indiquait que 80% des participants estimaient le Spur prêt pour les Trois Lions. Le boss de la sélection anglaise n’a pas écouté la demande populaire pour sa dernière liste annoncée jeudi. Une simple partie remise ? Tottenham lui a récemment fait signer une prolongation de cinq ans, un signe significatif : pour Ryan Mason, la belle histoire ne fait que commencer.
Par Nicolas Jucha