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Ferhaoui : « Le communiqué de la FFF sur le ramadan ? C'est juste du papier »
Le football et le ramadan ne font semble-t-il pas bon ménage partout. Si certaines institutions sportives étrangères évoluent, celles en France refusent de mélanger le rectangle vert et les convictions religieuses. Pour Ryan Ferhaoui (25 ans), milieu de terrain du Stade lavallois, ce n'est qu'une question de temps.
Comment gères-tu la période du ramadan avec ton club ?
Notre club nous demande juste de ne pas le faire un jour de match et tous ceux qui sont dans mon cas respectent la règle. Là-dessus, il n’y a pas trop de soucis. C’est tout.
Donc tu ne jeûnes pas les jours de match ?
Non, je jeûne tout le reste de la semaine. De toute façon, même si le club ne me l’avait pas demandé, j’aurais agi de cette façon-là. Après, les jours de match, le risque de blessures est plus élevé qu’à l’habitude vu que l’on se donne plus, que l’effort est plus important.
Tes entraînements sont-ils aménagés ?
Non, non, on s’entraîne comme les autres. C’est un choix personnel, ce n’est pas au club de s’adapter à notre situation. C’est personnel, donc on peut le faire si on veut, mais on accepte aussi de se mettre « chiffon » à l’entraînement. On le fait parce qu’on a envie de le faire et qu’on a la foi.
Ces règles mises en place sur la période du ramadan, tu en as pris connaissance dès ton arrivée ou c’est toujours juste avant cette période-là que l’on discute avec la direction et le staff ?
Ça fait deux ans que je suis à Laval, donc je l’ai déjà fait l’année dernière. Et ça s’est super bien passé. Je leur avais demandé si ça dérangeait que je le fasse et ils m’avaient répondu : « Non, pas de soucis. » Il ne faut juste pas le faire les jours de match. Ça s’est très bien passé l’an dernier et ça se passe encore très bien cette fois-ci. Est-ce que j’aurais été mis à l’écart si je n’avais respecté la règle ? Non, je ne pense pas.
Une diététicienne nous a confié que les repas du soir étaient plus consistants et surtout plus gras en période de ramadan. Est-ce que ton alimentation change durant cette période ?
Ah ça oui, forcément. Personnellement, la journée, j’ai faim. Et j’ai envie de consommer du gras vu que je n’ai pas mangé de la journée. J’ai en plus l’habitude de pas mal grignoter la journée, donc mes repas changent, oui. Je mange beaucoup plus gras, je mange peut-être moins de légumes. Après, tout est compensé : je mange le matin, j’attends un peu, et dans la soirée, ce sera une salade de fruits ou quelques gâteaux pour avoir du sucre et je me fais un repas quand je me lève le matin.
Et vous échangez avec le club à ce sujet-là ?
Non. Par exemple, le mercredi à midi, on doit manger au club, mais on nous autorise à ne pas venir. Ils sont conciliants avec nous. Même pour les veilles de match où on est à l’hôtel, ils décalent les repas pour que l’on puisse manger ensemble.
La FFF a envoyé un courrier aux arbitres interdisant les pauses pendant les matchs. Comment as-tu réagi en découvrant ce communiqué ?
Je pense que les Anglais sont en avance sur nous, mais j’espère que ça va évoluer à ce niveau-là. Après, que la FFF fasse ce communiqué… Je pense que dans tous les cas, il y aura quand même une pause à un moment donné. Les arbitres sont compréhensifs là-dessus. Qu’un joueur se mette à terre ou qu’il y ait une pause fraîcheur, il y aura quelque chose de fait pendant les matchs pour les joueurs qui jeûnent. Que ce soit officiel ou pas, c’est un détail. On l’a bien vu avec Lucas Ranieri et Nordin Amrabat lors du dernier Inter-Fiorentina, où l’arbitre sait que son coéquipier simule, mais ne va pas lui demander de se dépêcher.
En lisant ce communiqué, tu ne t’es pas senti scandalisé ?
Personnellement, je l’ai lu sans être énervé. Je n’étais pas choqué ou déçu. Ça ne me fait ni chaud ni froid, comme pour beaucoup je pense.
Tu restes persuadé que le football français évoluera comme l’Angleterre par exemple ?
Oui. C’est bien de s’inspirer de ce qu’il y a à côté. Mais les Anglais sont en avance à tous les niveaux, que ce soit par rapport aux supporters ou au fonctionnement de leur ligue. J’ai l’impression que tout est bien fait en Premier League. Tout est dans le respect, comme en France, mais eux osent faire des choses que l’on hésite encore à faire nous aujourd’hui. Mais je pense que c’est juste du papier et que dans tous les cas, les arbitres siffleront une pause, donc bon… Il ne faut pas aller chercher un problème là où il n’y en a pas.
Comprends-tu la décision d’Antoine Kombouaré, qui ne fait pas jouer Jaouen Hadjam (qui pratique le jeûne les jours de match) jusqu’à la fin du ramadan ?
C’est leur règle. Je n’ai pas envie d’expliquer ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Chez nous, ça ne se passe pas comme à Nantes, mais ça se passe très bien.
Certains disent que la pratique de jeûne a un impact négatif sur les performances. Tu as aujourd’hui 25 ans, mais as-tu senti un déficit de performance lors du ramadan en étant plus jeune ?
Du tout. Sachant qu’on s’entraîne le matin, je me lève dans la nuit pour manger et je suis en forme à l’entraînement. Vu le peu de temps qu’il y a entre le dernier repas et l’entraînement du matin, les performances sont là. Tant que tu gères bien ton corps, ton sommeil et ton alimentation, il ne doit pas y avoir de problème.
Ton père, Kader Ferhaoui, qui a lui aussi été joueur de football professionnel (de 1985 à 2001), t’a-t-il déjà conseillé sur cette période ?
Non, pas vraiment. Il me demandait juste si je me sentais de faire le ramadan, je lui disais que oui. Sinon, il me disait juste de prendre soin de mon corps, de faire attention aux blessures, de boire beaucoup d’eau, et ce, même hors période de ramadan. On n’a jamais vraiment eu ce genre de discussions. Mais j’ai remarqué que mine de rien, ça change beaucoup de choses de boire beaucoup d’eau.
Propos recueillis par Marius Le Moual