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Molenbeek : le grand n’importe quoi

Par Léo Tourbe

Il n'y a pas qu'à Lyon que ça va mal pour John Textor. Le RWD Molenbeek, dont il est également propriétaire, traverse une grosse crise. Au-delà du sportif, ce sont les attitudes des joueurs et la politique de l'Américain qui sont pointées du doigt.

Molenbeek : le grand n’importe quoi

Il n’y a pas un club de John Textor qui ne soit pas en crise. Si Botafogo est en vacances, et que Lyon montre un visage un peu moins catastrophique depuis quelques semaines, le RWD Molenbeek, en revanche, traverse une sacrée tempête. Propriété de l’Américain depuis janvier 2022, le club bruxellois, alors en deuxième division, est remonté cette saison dans l’élite belge pour la première fois depuis 2002. Une prouesse alors que l’institution, qui avait fait faillite en 2003, ne revit que depuis 2015 et les investissements de Thierry Dailly. Toutefois, la belle histoire semble avoir pris fin. Samedi dernier, à la veille de recevoir le KAS Eupen, les joueurs molenbeekois ont fait face, après l’entraînement, à une horde de supporters, venus leur présenter leur cahier de doléances.

Mauvaise attitude

Entre références au Club Med, et prise de rendez-vous sur un ring pour en découdre, l’ambiance était tendue. « On était à peu près 50 ou 60. Aussi bien des supporters lambda que des supporters plus impliqués », détaille Anthony, membre des Brussels Boys 85, le groupe historique du RWDM. Les fans ont carrément averti que « s’il n’y a pas de victoire, le match ne se terminera pas ». Une menace mise à exécution le dimanche, tandis qu’Eupen était en train de mener sur la pelouse bruxelloise. Résultat : match arrêté, et les cinq dernières minutes ont été disputées ce mercredi (1-0). Malgré la défaite, la cinquième sur les sept derniers matchs de championnat, Molenbeek n’est pas largué au classement et occupe la 13e place (sur 16). Ce n’est pas tant les résultats sportifs qui rendent fous les supporters, mais l’attitude de leur équipe.

Le mercredi précédant la réunion improvisée, Molenbeek est allé perdre 2-0 à Ostende, club de deuxième division, en Coupe de Belgique. C’est ce fiasco qui a encouragé les supporters à venir pousser leur gueulante. « Forcément, ils étaient énervés par rapport à notre défaite. On n’a pas fait un bon match, mais surtout dans la détermination, dans l’état d’esprit, c’était pas bon », acquiesce un joueur du club. Ce dernier, s’il assure être d’accord avec le fond de la pensée des fans et « comprendre leur frustration quand ils regardent nos matchs », a regretté la forme : « Il y a eu certaines paroles virulentes. Je pense qu’on ne mérite pas ça non plus parce qu’au niveau du classement du championnat, on est toujours dans les clous pour se maintenir. Dans ces moments-là, il vaut mieux être tous ensemble que divisés. »

Il y a trop de changements, il y a trop de nouveaux joueurs à chaque fois, et c’est compliqué de créer une osmose entre nous.

Un joueur de Molenbeek

Anthony reconnaît que des mots durs ont été lâchés lors de cette entrevue, mais estime qu’il est nécessaire qu’« à certains moments, on dise ce que l’on pense vraiment ». Au-delà des attitudes des joueurs, les amoureux de Molenbeek regrettent la gestion de John Textor et se plaignent d’être délaissés, au profit de l’OL. « On a vraiment l’impression que John Textor, depuis qu’il a repris la main, nous prend pour des billes, pour des idiots. On a dépensé quelques millions pour acheter deux joueurs pour Lyon (en réalité seulement Ernest Nuamah acheté par Molenbeek puis prêté à l’OL, NDLR) mais pour nous, il dépense des cacahuètes », explique Anthony. La politique de l’Américain peine à convaincre, tandis que le RWDM est devenu le point de chute de jeunes Lyonnais (Florent Sanchez, Mamadou Sarr, Pathé Mboup), de Gones en échec (Jeff Reine-Adélaïde, Youssouf Koné), et de Brésiliens de Botafogo pas assez bons pour la Ligue 1 (David Sousa, Kayque).

La gestion du club dans le viseur

La rotation au sein du club est donc importante et empêche la naissance d’un véritable collectif. « On a beaucoup de joueurs qui arrivent et qui ne connaissent pas le championnat. Il y a trop de changements, il y a trop de nouveaux joueurs à chaque fois et c’est compliqué de créer une osmose entre nous », nous souffle le joueur. Certains éléments de l’effectif sont carrément « détestés » par les supporters, comme c’est le cas pour Florent Sanchez, prêté par l’OL. Mais il n’y a pas que la politique de transferts qui titillent les Bruxellois. Les choix institutionnels de John Textor sont particulièrement critiqués. Notamment lorsqu’il a décidé de se séparer, en mai dernier, de Thierry Dailly, le président qui a rebâti le club quasiment à lui tout seul, et dont les supporters ont scandé le nom une fois la promotion en Jupiler Pro League acquise.

Selon Anthony et une bonne partie des supporters, le propriétaire américain souhaiterait effacer tout héritage de Dailly. « Tout ce qui touche à Thierry Dailly doit dégager. » Même les recrues qui portent le sceau de l’ancien dirigeant belge. Enfin, comme c’est parfois le cas à Lyon, la communication de Textor laisse pantois les supporters. À peine la montée validée, l’Étasunien balançait que le RWDM allait « botter le cul » d’Anderlecht et de l’Union saint-gilloise, les deux autres formations de la capitale. « Il ne faut pas dire ça ! Regarde où on est maintenant. L’Union est première, Anderlecht deuxième », déplore Anthony. Une sortie qui était mal passée, qui avait fait les choux gras de la presse locale, et pour laquelle Dailly s’était même excusé. D’après certains bruits de couloir, cela aurait précipité le départ du président, tandis que Textor comptait assumer ses propos. L’arrivée au poste de directeur général du club de Gauthier Ganaye, connu pour son rôle à Nancy et Ostende, n’a pas rassuré les fans non plus.

Il reste tout de même de l’espoir pour le RWDM, qui n’est pas largué en championnat, et qui connaît une cascade de blessés parmi ses titulaires. « On a envie de faire de belles choses avec ce club. On sait les années que les fans ont connues et la galère qu’il y a eue. Pour eux, retrouver la D1, c’est exceptionnel, donc on n’a pas envie de gâcher tout ça », assure un joueur. En cas de relégation, les Molenbeekois craignent pour l’avenir de leur club : « On est revenus de nulle part. Si on devait descendre, je ne sais pas si on remonterait un jour. Les gens n’ont pas envie de revivre ça. »

Par Léo Tourbe

Tous propos recueillis par LT.

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