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Russie, les cœurs rouges

Par Adrien Candau
Russie, les cœurs rouges

Un temps moquée par ses propres supporters, sous le feu constant des médias nationaux, la Sbornaya de Stanislav Tchertchessov avait réussi à retourner l'opinion en sa faveur. Sans génie, mais avec une bonne dose de tripes, de sang et de sueur à offrir à ses fans. Un cœur gros comme ça, qui lui a permis de renverser l'Espagne et a été à deux doigts d'en faire de même avec la Croatie.

« La pire Russie de l’histoire. » Voilà comment une bonne partie des médias nationaux présentaient la Sbornaya avant le début de la compétition. Un tsunami de critiques qui n’a jamais emporté son sélectionneur Stanislav Tchertchessov. Un homme discret médiatiquement et imperméable à la fureur du monde extérieur. Avant d’affronter la Croatie, le grand manitou de la Sbornaya a joué la carte du mystère : « Je ne vous dirai pas tous mes secrets.(…)Je ferai un cours théorique ce soir pour donner toutes les clés à mes joueurs. » Des clés presque suffisantes pour renverser une nouvelle montagne. Oui, cette Russie avait un cœur énorme. Et elle l’a encore démontré ce samedi face à la Croatie.

Cheryshev, l’étoile rouge

Pour ce faire, Tchertchessov a pris son petit manuel de tactique et a d’abord reproduit peu ou prou la recette qu’il avait appliquée avec succès face à l’Espagne : un bloc bas, où chacun est concerné par les efforts défensifs et un football direct, qui exploite les qualités d’Artem Dzyuba dans le jeu de déviation et les fulgurances techniques de Cheryshev. Homme providentiel de la Russie depuis le début du Mondial, l’ailier de Villarreal, servi par Dzyuba, a encore frappé en envoyant une galette imparable dans la lucarne de Subasić. Un but en forme de défi envers ceux qui considéraient qu’à part son bloc équipe en béton armé, la Russie n’avait rien de plus à offrir pour charmer les mirettes des spectateurs du Mondial. Un chouïa réducteur, au regard de ce que les Russes auront proposé lors de la phase de poules (huit buts inscrits), même s’ils ont alors su tirer parti d’un groupe relativement faible.

Bien entendu, la Sbornayan’était pas la formation la plus enthousiasmante techniquement de la compétition, mais elle a su conquérir son public au regard de ses qualités mentales. Elle en a fait une nouvelle illustration ce samedi à la 115e minute de la prolongation, en égalisant par son latéral droit, Mário Fernandes, qui plantait une tête rageuse à la suite d’un service parfait de Dzagoev. Comme un symbole des joueurs russes que ce Mondial aura réhabilités aux yeux de l’opinion, le latéral droit d’origine brésilienne a livré un tournoi exemplaire. Impérial défensivement face à l’Espagne et très en jambes sur son côté droit tout le long de la compétition, son but en toute fin de partie a compensé sa légèreté défensive sur l’ouverture du score croate, où il avait laissé Mandzukić partir dans son dos. D’autres joueurs de la Sbornaya ont aussi démontré que la Russie avait encore un peu de talent dans les chaussettes, à l’image d’Alexandr Golovin – même s’il a été moins en vue face à la Croatie – Denis Cheryshev, mais aussi d’Igor Akinfeev, increvable dans ces bois russes qu’il garde depuis si longtemps.

Serein comme Tchertchessov

L’ensemble restait pourtant baroque, alors que le collectif de la Sbornaya était surtout composé de joueurs évoluant au pays, dans un championnat souvent décrit comme sur le déclin. Mais les pièces du puzzle russe se sont imbriquées naturellement, guidées par la main tranquille de Stanislav Tchertchessov. Le mystérieux moustachu n’aura jamais versé ni dans le catastrophisme, ni dans l’euphorie. « J’essaie de ne pas regarder la télé ni de lire les journaux, je me concentre sur mon métier. Les joueurs font de même je pense. Les journalistes peuvent se permettre d’être euphoriques, mais pas nous. » Un vent de folie a pourtant soufflé dans le stade olympique de Sotchi quand la Russie a égalisé au bout de la nuit face à la Croatie. Une Russie à qui il n’aura finalement manqué qu’un peu de réussite et de justesse lors de la séance de tirs au but pour sortir les Vatreni. La fin d’un roman russe qui avait si mal commencé, mais, malgré la défaite, s’est joliment conclu.

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Par Adrien Candau

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