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Ruiz-Mateos, le Tapie du Rayo Vallecano

Par Robin Delorme, à Madrid
4 minutes
Ruiz-Mateos, le Tapie du Rayo Vallecano

Décédé à l'âge de 84 ans, José María Ruiz-Mateos n'a pas seulement défrayé la chronique judiciaire et agité la boîte à polémiques tout au long de sa vie. Un temps président du Rayo Vallecano, cet entrepreneur espagnol a plongé le club le plus populaire d'Espagne dans les abîmes du capitalisme sauvage.

Clark Kent a pris un léger coup de vieux. Crâne dégarni, biceps flasques, costume bas de gamme, son passage dans la capitale d’Espagne n’est pas gage de réussite. Sur les marches du tribunal de Madrid, il se permet pourtant quelques saillies égocentriques. « Je suis le véritable et seul justicier » , clame-t-il face à un panel de journalistes médusés et amusés. Lui, c’est José María Ruiz-Mateos, amateur des costumes Superman. Entrepreneur de génie pour les uns, guignol pour les autres, il espère, en ce 9 janvier 1997, faire faux bond à la justice. Une redondance dans sa carrière de businessman à succès qui l’a vu être nommé prince, squatter à deux reprises la case prison et s’en mettre plein les poches. Savant mélange entre Bernard Tapie et Silvio Berlusconi, Ruiz-Mateos s’est donc également acoquiné d’un club de football : le Rayo Vallecano. Fanion le plus à gauche d’Espagne, il a d’abord vu apparaître cet entrepreneur comme le messie, avant de le houspiller telle la canaille qu’il était. Car si le club de Vallecas est toujours englué dans de profonds problèmes financiers, Ruiz-Mateos est loin d’y être étranger.

Coup de poing, prison et mascotte

De prime abord, José María Ruiz-Mateos et Vallecas n’ont rien à voir. Originaire de l’Andalousie et rejeton d’un viticulteur à succès, il fonde, dès 1963, l’entreprise Rumasa. Sorte de conglomérat à la sauce espagnole, elle compte pas moins de 700 filiales et affiche un effectif de 60 000 salariés. Autrement dit, Ruiz-Mateos est un homme qui pèse. Et ce, jusqu’à la transition démocratique qui suit le décès du dictateur Franco. Dès 1983, les premières embrouilles judiciaires font leur apparition. Le ministre de l’économie et de la fiscalité d’alors, le socialiste Miguel Boyer, se met au défi de remettre de l’ordre dans la maison. La justice accuse le gérant de Rumasa de falsification administrative et de délit fiscal. Malgré une année 1984 passée en prison par Ruiz-Mateos, le combat prend une nouvelle tournure lorsque l’homme d’affaires s’intéresse, en 1991, à Vallecas. Le Rayo, alors en Segunda Division et sans un sou, se trouve dans une impasse financière. En bon requin, Ruiz-Mateos effectue un mini-putsch : avec un chèque signé, il transforme l’association rayista en société anonyme. Une acquisition qui lui offre un tremplin médiatique de premier ordre.

Pour affronter le socialiste Miguel Boyer et la justice espagnole, tous les coups sont permis. Deux années auparavant, le Bernard Tapie d’Andalousie n’hésitait ainsi pas à envoyer une gifle à son ennemi ministériel dans les couloirs du tribunal. Plus tard, au début des années 2000, il portera dans les rues madrilènes un cercueil au nom de Boyer. C’est donc sans la moindre gêne qu’il instaure, dès sa prise de fonction – un rachat qui ne s’opère qu’au dernier moment avec un señor Ruiz-Mateos en pyjama -, une mascotte à son effigie. La poupée en question, baptisée « Rayito » , est parée d’une cape de super-héros. Pire, elle lève son poing, comme le faisait l’entrepreneur dès qu’il s’adressait au ministre de l’économie. Idem, il utilise les spots télévisés du club ou le sponsoring du maillot pour rappeler cette guéguerre juridique devenue personnelle. Sportivement, le Rayo Vallecano connaît pourtant une période faste. Promu en Liga dès 1992, l’équipe, un temps dirigée par José Antonio Camacho, conserve sa place dans l’élite pendant trois saisons. La quatrième, elle, sera fatale.

Il fait de sa femme la présidente

Toujours embêté par la justice, Ruiz-Mateos sent le vent tourner. Si bien qu’en janvier 1994, alors que le navire Rayo tangue de plus belle, il laisse son poste de président du club à sa femme. La bien nommée Teresa Rivero, bien incapable de connaître le moindre joueur de l’effectif du Rayo, fait honte dès son arrivée au quartier. Critiquée et insultée durant dix ans, elle démissionne en 2003. Encore une fois, l’un des treize rejetons des Ruiz-Mateos reprend les commandes du club. Le tremplin médiatique devient alors plus que casse-gueule. Non content de ses déboires judiciaires, l’homme d’affaires décide de lancer Nueva Rumasa, petite sœur de. Avec une ardoise de plusieurs milliards d’euros auprès des banques, cette holding étouffe le Rayo. Les joueurs ne sont plus payés, les factures pas réglées : finalement, le club est revendu en 2011. L’intéressé poursuit, lui, sa descente aux enfers. Et se retrouve, en 2012, dans l’obligation de passer par la case prison. La justice prouve alors que la famille Ruiz-Mateos utilise les liquidités de son entreprise à des fins uniquement personnelles. Le Rayo Vallecano en rit encore.

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