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Rui Patrício : traité de zen attitude et d’arrêts de penaltys
Il n’est peut-être pas le meilleur gardien de l’Euro, mais Rui Patrício brille comme personne dans l’exercice du tir à 11m comme il l’a encore démontré face à la Pologne. Un talent qu’il doit peut-être à sa pratique assidue de la méditation et son maître spirituel.
Rui Patrício ne connaît sans doute pas William McCrum, mais le Portugais peut remercier ce lointain prédécesseur irlandais de la fin du XIXe siècle. Témoin privilégié des agressions de ses propres défenseurs devant lui, McCrum soumet l’idée d’un coup de pied arrêté lorsqu’une faute est commise dans la zone des seize mètres cinquante. Une proposition qui suscite alors le mépris des Anglais, mais qui finit par s’imposer auprès du Board et va beaucoup faire un siècle plus tard pour la carrière de l’actuel portier de la Selecção. La solitude du gardien au moment du penalty, Patricio ne connaît pas – ou plutôt il se sent dans son élément. Normal, pour un gardien jamais aussi à l’aise que lorsqu’il doit rester sur sa ligne. Face à la Pologne en quart de finale, il s’est détendu de tout son 1,90m pour détourner d’une main ferme, le tir pourtant bien placé du malheureux Błaszczykowski. En une action, le natif de Leiria est devenu un héros inattendu au pays. Et ce n’était pas gagné pour celui qui avait réalisé un petit arrêt en deux matchs. Contre la Hongrie, le malheureux en prend trois, sur quatre frappes cadrées (dont deux déviées) et n’a pas vraiment l’occasion de se rattraper contre des Croates incapables d’envoyer un ballon en direction de ses cages en 120 minutes.
Si le football n’était qu’une affaire de duel entre un tireur et un gardien planté 11m plus loin, Rui Patrício n’aurait rien à envier aux Neuer, Buffon, Courtois ou De Gea. Depuis le début de sa carrière, le Portugais affiche un taux de réussite de 30% dans l’exercice. Une carrière débutée à la Landreau. Le 19 novembre 2006, en déplacement à Maritimo, Rui Patrício remplace un Ricardo expulsé dans les buts du Sporting quand l’arbitre de la rencontre indique le point de penalty. « Je regardais le match avec ma femme à la télé et j’ai hurlé à ma femme qu’il allait l’arrêter » , n’a pas oublié Paulo Silva son entraîneur au club Marrazes à quelques kilomètres de Leiria. Son ancien protégé valide sa prédiction en optant pour le bon côté. Tout sauf une surprise pour Paulo Silva : « Chez nous, il tournait déjà à une moyenne de 80% de penaltys arrêtés. » De quoi taper dans l’œil d’Aurelio Pereira, l’un des découvreurs de Cristiano Ronaldo, qui convainc son père – dont le cœur bat pour Benfica – de voir son fils rejoindre le Sporting à tout juste 12 ans.
Atma Kriya Yoga et Vítor Baía
Chez les vert et blanc, le garçon dénote par le détachement qu’il affiche dès ses débuts. « Il était déjà comme ça à 19 ans, note son coéquipier de l’époque Pedro Barbosa. Rui est très froid dans son approche des matchs, presque détaché. Il avait juste un match comme titulaire en championnat quand Paulo Bento l’a lancé en Ligue des champions à Manchester United. Pour lui, jouer à Matosinho contre Leixoes ou à Olf Traford, c’était presque la même chose. » Une zen attitude entretenue depuis par la pratique assidue de l’Atma Kriya Yoga, « une combinaison de techniques de méditation et de yoga puissantes qui travaillent profondément sur notre ouverture du cœur » , à en croire la brochure. Le Portugais a d’ailleurs invité Paramahamsa Vishwananda, son maître spirituel, à venir depuis l’Ile Maurice pour assister à la rencontre face à la Hongrie. L’occasion pour Vishwananda de recevoir le maillot de son disciple et de s’offrir un petit coup de pub en posant avec Cristiano Ronaldo, dont Patricio est l’un des proches en sélection. « Normalement, Paramahamsa Vishwananda ne s’intéresse pas au football, mais il s’est rendu en France par amitié pour Rui, indique le porte-parole du maître hindou. Il souhaite à Rui et son équipe la meilleure réussite possible pour ce tournoi. »
Critiqué pour sa production et qualifié sans gagner un match dans le temps réglementaire, le Portugal prend sans distinction toutes les ondes positives avant sa demi-finale face aux Gallois. Rui Patrício va lui devoir lever les doutes sur son niveau réel. Et avant une éventuelle séance de tirs au but de préférence. Annoncé comme le futur portier d’un grand d’Europe à ses débuts, le méditant garde toujours les caisses du Sporting à 28 ans. Capable de réflexes fulgurants sur sa ligne, Patricio ne donne pas toutes les garanties dans son jeu au pied (merci la relance dans l’axe pour Ben Besat contre Israël en 2013) et peine à soulager ses défenseurs sur les sorties aériennes. Pas de quoi remettre en cause sa place de titulaire dans l’esprit de Fernando Santos au profit d’un Anthony Lopes, par exemple. En début de tournoi, Rui Patrício a même reçu un soutien de poids : celui de Vítor Baía, le gardien le plus capé du foot lusitanien. « Rui arrive à maturité et est plus régulier dans ses performances. Il est dans la meilleure phase de sa carrière. » Merci la position du lotus bleu ?
Par Alexandre Pedro