- Euro 2012
- Demi-finales
- Portugal/Espagne
Rui Patrício, l’intrus
Des quatre gardiens de buts titulaires chez les demi-finalistes de l’Euro, Rui Patrício est sans doute le moins bon, et le plus méconnu. Peut-être parce qu’il joue au Sporting et qu’il est très jeune pour le poste qu’il occupe. Portrait d’un type prophète en son pays et annoncé comme un futur grand.
Gianluigi Buffon, Iker Casillas, Manuel Neuer et Rui Patrício. Cherchez l’erreur. À mieux y regarder, le portier du Sporting est à l’image de la Selecção : il est talentueux, prometteur, mais personne ne s’attendait à le voir dans le dernier carré de l’Euro. Sauf les Portugais. Voilà déjà quelques années que ce pur produit de la maison du Sporting frappait à la porte de son équipe nationale, tout comme il essaye de se montrer aux yeux des plus grands clubs. À 24 ans, Rui Patricio sort d’une énorme saison ; il a notamment réalisé une grosse campagne européenne en C3 avec les Leões. Et le dépucelage brutal qu’on lui promettait depuis le tirage au sort de l’Euro se déroule plutôt bien. Surtout pour un rookie.
Maître Bento
Mais qui est ce Rui Patrício ? Dans la vie, un mec qui, en six mois, a le temps de se marier, tromper la mariée et signer les papiers du divorce, tout en laissant une enveloppe de 80 000 balles à sa future ex-femme. Classe. Dans les cages, une perche de 1m90 – taille moyenne de l’équipe de basket du Portugal – très habile sur sa ligne, efficace lorsqu’il sort dans les pieds des attaquants, doté de très bons réflexes, et doué pour arrêter les tirs au but. Un exercice qu’il affectionne tout particulièrement. À 18 piges et pour son premier match en Superliga (contre Maritimo), le boutonneux permet au Sporting de partir de Madère avec trois points en poche suite à un pénalty stoppé à un quart d’heure de la fin du match. À l’époque déjà, l’homme qui lui fait confiance s’appelle Paulo Bento, alors tout jeune entraîneur. Pédagogue, l’actuel sélectionneur du Portugal jette alors Rui Patrício par à-coups dans le grand bain. Il devient définitivement titulaire à même pas 20 ans, comme un grand garçon. Et un grand gardien.
Comme Neuer, Čech et Casillas avant lui, le Portugais est précoce. L’Euro 2012 est d’ailleurs loin d’être le premier grand rendez-vous auquel il patricipe puisqu’il a connu le mondial des U20 il y a cinq ans et a participé à de nombreux matchs de Ligue des champions et d’Europa League. Comme pour ses trois rivaux, la pression des rendez-vous importants n’est pas un problème. Bref, Rui Patrício est bourré de talent. Sir Alex Ferguson le suit de près depuis deux saisons et pourrait bien tenter le coup cet été pour palier le rendement parfois décevant de De Gea. Pour cela, il faudra sortir le chéquier. Le Sporting demande 20 millions d’euros… pour le moment. Car, de retour de Pologne et d’Ukraine, le Lisboète verra son contrat être revalorisé. Autant dire que Rui Patrício partira pour 25 ou 30 millions. Une méthode inspirée de ce qui se fait du côté de Porto.
Sortie de secours
Sauf grosse bourde face à l’Espagne, et éventuellement en finale, le gardien portugais a d’ores et déjà réussi son Euro. Il a dévoilé au monde ses forces et son énorme talon d’Achille, les sorties aériennes. Diego Capel, son coéquipier au Sporting, l’a d’ailleurs ouvertement confirmé dans la presse lusitanienne en début de semaine. Depuis le coup d’envoi de la compétition, Rui Patrício a encaissé quatre buts : trois sur lesquels il n’est pas ou peu fautif et un autre – contre le Danemark – où son mauvais placement est directement impliqué. Sur le premier but de Bentdner, entaché par une grossière faute de marquage de la défense sur Krohn-Dehli, il hésite à sortir sur ce dernier et lui laisse tout le loisir de déposer un caviar sur la tête du buteur de Sunderland. Moche, mais symptomatique du mal qui frappe le portier « sportinguista » et qui touchait également ses deux prédécesseurs, Ricardo et Eduardo.
Chaque corner, centre ou coup franc bien placé est pour lui une angoisse. Son manque de confiance en lui l’amène souvent à rester sur sa ligne de fond et à s’en remettre à ses réflexes, plutôt que de sortir dans le paquet et boxer le ballon. C’est sans doute pour cette raison que Paulo Bento a tenu à resserrer les boulons sur la défense. Après la victoire contre le Danemark, la charnière Bruno Alves-Pepe s’est montrée plus stricte au marquage, et sur les ailes, les latéraux essayent de minimiser à l’extrême le nombre de centres adverses venant des ailes. Pour le moment, ça marche plutôt bien. Et puis face à la Roja ce soir, Rui Patrício pourra rester tranquille : sans la touffe de Puyol et malgré la présence de Piqué, le jeu aérien est loin d’être le point fort des Espagnols… Quand on sait que trois des quatre buts encaissés par la Selecção l’ont été de la tête, c’est plutôt rassurant pour les adeptes de la Costa do Sol.
Par William Pereira