- France
- Ligue 2
- 38e journée
- Valenciennes/Gazélec Ajaccio
Rudy Mater : « Quand on connaît l’histoire d’un club, on n’a pas envie de le voir mourir »
De 2002 à 2014, Rudy Mater a passé 12 ans à Valenciennes, collectionnant 388 matchs toutes compétitions confondues avec le club de la ville où il est né. Mis à la porte en 2014, il garde de la rancune, mais reste toujours aussi amoureux de ses couleurs.
L’amour plus fort que la haine. Chez Rudy Mater, la passion d’un club, d’une ville, d’un blason l’emporte sur la colère qu’il a pu ressentir envers « certaines personnes » qui dirigent « son » VAFC. « J’avoue que lorsqu’on m’a mis à la porte sans aucune explication, je l’ai eu mauvaise à l’égard du club. Je lui ai souhaité du mal. Ça a duré deux mois. Mais l’amour du club a vite repris le dessus. J’ai mal de ne pas pouvoir l’aider, sur le terrain. Je ne demandais rien. Le minimum syndical. Pour 500 euros, j’aurais été prêt à me défoncer pour VA. Alors quand j’ai lu les salaires des joueurs dans la presse… »
Ce vendredi soir, Rudy sera bien dans les travées du stade du Hainaut. « Je me ferai discret, mais je serai là pour encourager l’équipe, assure-t-il. Les joueurs devront se défoncer pour aller chercher ce maintien. » Primordial, selon lui : « Déjà, la descente en L2 a été dure à encaisser sur le plan financier, alors qu’est-ce que ce serait en National ?, s’interroge-t-il. Est-ce que ça suivrait derrière ? Personne ne le sait. » Un vendredi soir « décisif » donc pour l’avenir des Rouge et Blanc : « Il ne va pas falloir que les joueurs se chient dessus, ils doivent montrer qu’ils sont des hommes et tout donner, le maintien se joue sur un match. » VA n’en a pas gagné un seul de ses cinq derniers…
Manque de confiance et doute qui s’installe
Lui, l’infatigable et combatif défenseur, des valeurs qui faisaient la force du VAFC il y a encore quelques saisons, aurait aimé être de la partie : « Bien sûr que l’équipe aurait eu grandement besoin de moi, affirme-t-il, j’ai l’amour du club au plus profond de moi, je sortais de 26 matchs en Ligue 1, j’aurais pu encadrer tous ces jeunes, faire le tampon entre eux et le coach. » Pour leur réclamer, par exemple, un peu plus d’implication : « Je ne suis pas de ceux qui pensent que des joueurs ne donnent pas tout quand ils entrent sur un terrain. Mais j’avoue avoir souvent eu mal au ventre quand je suis allé voir VA cette saison. Je pense que certains se disent : « Si on n’y arrive pas ici, tant pis on ira voir ailleurs. » C’est là où l’amour d’un club joue quand même son rôle. Quand on connaît son histoire, les gens qui y travaillent, ce qu’il représente pour les supporters et la ville, on n’a pas envie de le voir mourir. » Mais de là à dire que les joueurs actuels s’en foutent, comme on l’entend beaucoup dans les travées du stade, non. Là, Rudy n’est pas d’accord. « Regardez Le Tallec, lance l’ancien latéral droit, il n’était pas bien, il était critiqué et il finit la saison en trombe, il marque des buts importants. »
Lui table davantage sur le manque de confiance et le doute qui s’installe : « La préparation de la saison a été catastrophique, le début de championnat pareil. Après, ça s’enchaîne. C’est comme pour n’importe quel métier, parfois on est bien, parfois on est moins bien. » En revanche, quand on évoque Bernard Casoni, le natif de Dutemple, quartier populaire de Valenciennes, est moins indulgent : « Pour moi, c’était lui le maillon faible de VA. On file les clés à un mec qui ne connaît rien du club, qui débarque en touriste. C’est facile de dire qu’on va maintenir l’équipe, mais le faire, c’est différent. » La nomination de David Le Frapper, même si elle n’a pas métamorphosé le visage du VAFC sur le terrain, a plu à l’ancien capitaine, époque Montanier, des Rouge et Blanc : « David, c’est un mec que j’apprécie énormément, il adore le club. Il a pris l’équipe dans une situation très délicate, mais je sais qu’il fait tout pour la sauver. »
Gazélec et Valenciennes, trajectoires opposées
Comme le président Eddy Zdziech, Rudy Mater en appelle donc à « l’union sacrée » pour ce vendredi soir. En face, difficile de savoir quel sera le visage du Gazélec, une semaine après avoir fêté son accession en L1. Euphorique ? Désireux de finir en beauté et de conclure sur un 11e match consécutif sans défaite ? Ou déjà en vacances ? Une équipe corse au parcours diamétralement opposé à celui de VA, qui était en National il y a encore un an quand les Nordistes évoluaient dans l’élite. Ce vendredi soir, les situations pourraient être inversées. Et deux « Gaziers » , Ducourtioux et Pujol, bien embarrassés. Eux qui ont tant donné, durant sept saisons, au club du Hainaut, pourraient le voir plonger dans les abysses de la 3e division… Le monde à l’envers. « Eux aussi auraient pu apporter encore beaucoup au club cette saison, pense Rudy, mais contrairement à moi, ils n’ont pas cherché à comprendre. Ils ont eu une opportunité, ils l’ont saisie. Et ils ont bien fait. Moi, j’ai fait ma tête de mule, j’ai martelé que j’aimais VA, que je voulais continuer à l’aider, j’ai toujours cru que les dirigeants feraient machine arrière. Le Gazélec me voulait, le Paris FC et le Red Star aussi. Et quand je vois ce que ces clubs ont fait cette saison et moi où j’en suis… »
« Putain, quel gâchis ! »
Aujourd’hui, Rudy est en CFA2, au SC Feignies, petit club amateur situé à 20 kilomètres de Valenciennes. Et avec qui il a frôlé la montée. Un club qu’il a rejoint en février dernier pour « garder la forme » . « Ça m’a fait beaucoup de bien, avoue-t-il. J’ai rencontré des gens super, des joueurs de qualité, simples et sympathiques. Ça m’a justement rappelé le VA que j’ai connu à mes débuts. Ce côté familial qui a totalement disparu. » Il en parle encore, de cette époque, sur Facebook, avec ses potes Chelle, Savidan et Saez. Une belle épopée lancée par Ollé-Nicolle en 2002, poursuivie par Leclercq, et entretenue par Kombouaré et Montanier. « On se dit « Putain, quel gâchis ! » On a tous ce club dans notre cœur, on y a vécu nos meilleurs moments de footballeurs, on était une vraie bande de copains. C’est cet état d’esprit-là qu’il fallait faire perdurer. Malheureusement, il y a des gens qui débarquent dans un club, qui n’ont pas ça en tête et qui ne prennent pas les bonnes décisions. Ils ont dilapidé toutes ces valeurs. Quelque part, ils ont ce qu’ils méritent maintenant. Un jour, ils regretteront leurs erreurs. »
Mais pas ce soir, espère donc l’enfant de Dutemple, qui a donné 12 ans de sa vie au VAFC. « J’ai passé l’éponge. Je ne suis pas rancunier. Je reviendrai forcément à VA, car j’ai un contrat pour ma reconversion au sein du club. Mais tant que je me sens encore capable d’apporter sur le terrain… » Un nouveau message envoyé par Rudy Mater à son club de cœur. Et s’il n’est toujours pas reçu cinq sur cinq par les dirigeants valenciennois, le latéral droit essaiera de trouver un autre challenge. Ailleurs. « Je veux rester dans la région, explique-t-il, j’ai bientôt 35 ans, je sors d’une demi-saison en CFA2, j’ai bien conscience que l’étau se resserre. Mais je n’ai pas envie de ranger les crampons. Je suis en pleine forme. J’ai encore deux ou trois belles années devant moi. Et j’ai la volonté de finir ma carrière en beauté. » Pas comme ses adieux, ratés, avec le public rouge et blanc, il y a un an. Mais sait-on jamais, la soirée de ce vendredi 22 mai pourrait encore changer beaucoup de choses dans le Hainaut.
Par Yannick Lefrère
Propos de Rudy Mater recueillis par YL