Tu as signé à Aston Villa le 31 juillet dernier, mais les fans ont déjà concocté une chanson (sur l’air de Ruby, des Kaiser Chiefs) pour toi. Ça doit te faire plaisir !
La chanson, je ne l’ai pas encore vue, mais en effet, mon entourage m’en a parlé. C’est agréable de savoir que les supporters sont derrière moi. J’apprécie. Si c’est la première fois ? À Cardiff, je n’ai pas beaucoup joué, donc les supporters n’ont pas fait de chanson (rires), mais en revanche à Blackburn, j’en avais bien une.
Idrissa Gueye, Jordan Amavi, Jordan Ayew, Jordan Veretout, Charles N’Zogbia, toi… Les Villans commencent à devenir un repaire de francophones. Ça a facilité ton intégration ?
Il y a aussi l’ex-Valenciennois Carlos Sánchez. Cela fait une bonne petite communauté francophone. C’est toujours sympa de parler français et d’être tenu au courant de l’actualité du championnat de France – que je suis plutôt de loin. Mais changer de ville, ce n’est pas un problème pour moi. C’est ma cinquième année en Grande-Bretagne, comme je parle correctement anglais depuis un moment, je n’ai pas connu de souci d’intégration de ce côté-là. De temps en temps, c’est plaisant d’échanger en français, mais il ne faut pas pour autant rester simplement entre nous et s’écarter du groupe.
Justement, est-ce que le vestiaire est divisé ?
Naturellement, on a tendance à se rassembler entre francophones. Ce n’est pas pour ça que ça crée un différend avec le reste du groupe. Charles N’Zogbia, Jordan Ayew et moi parlons anglais. Les autres ont un peu plus de mal, mais ils font des efforts. Ça va de mieux de mieux.
Ton entraîneur, Tim Sherwood, est arrivé au club en février dernier alors que l’équipe était dans la zone rouge. Il a réussi à redresser la barre et à accrocher une finale de Cup (perdue 4-0 face à Arsenal). C’est quel genre de coach dans le vestiaire ?
C’est un coach émotif. Il joue vachement sur les sentiments, il communique beaucoup, mais il ne crie pas énormément. C’est un coach intelligent, c’est sûr. En tant que joueur, Sherwood a gagné des titres, donc pour nous les joueurs, c’est mieux de travailler avec un entraîneur qui a du bagage plutôt qu’un coach sans expérience. Moi, j’apprécie sa méthode. Je préfère ça plutôt que les coachs qui mettent la pression, qui ne se canalisent pas…
Tu habites désormais à Birmingham. Comment est la vie là-bas, dans la deuxième plus grande ville d’Angleterre ?
J’ai vécu auparavant à Cardiff, qui est une petite ville excentrée en Grande-Bretagne, où il n’y a pas grand-chose à faire. Quand je jouais à Blackburn, j’habitais à Manchester, c’est une belle ville. Là, à Birmingham, je n’ai pas encore eu l’occasion de découvrir le centre-ville, parce que je réside encore à l’hôtel. Mais sur le peu que j’ai pu voir, il y a du monde, ça bouge le soir. C’est cosmopolite, les cultures – indienne, chinoise… – se mélangent. Je ne sais pas s’il y a une spécialité particulière, la nourriture par exemple, ce n’est pas leur spécialité en Angleterre (rires).
Quand tu loupes ton tir au but en finale de League Cup contre Liverpool, tu te sens seul
Il y a deux ans et demi, tu nous racontais que tu avais fait tes débuts avec le FC Metz au Vélodrome, en 2007. Tu te disais « absorbé par le stade et les supporters » . Est-ce qu’à présent, il y a des ambiances qui t’impressionnent en Premier League ?
J’ai fait quelques grands stades, mais pas tous. J’attends de voir les fans de Newcastle à St James’ Park. Je suis déjà allé jouer à Anfield, en Cup, la saison dernière, mais je pense qu’en championnat, il y aura plus de bruit (interview réalisée avant le match Liverpool – Aston Villa, ndlr). À Leicester, en début de saison, à cause du scénario favorable aux Foxes, il y avait énormément d’ambiance. C’est toujours agréable d’évoluer dans ce type d’atmosphère. À domicile, Villa Park, c’est pas mal : il y a du monde, de l’ambiance et on a un beau stade.
Tu as débarqué à Cardiff, à l’intersaison 2011, après avoir été handicapé par des blessures. C’était l’opportunité du moment où tu as toujours voulu rejoindre la Grande-Bretagne ?
Oui, c’était mon plan de carrière. Quand j’étais à Cannes (2009-10), j’ai déclaré à mon agent que mon but était de rejoindre la Premier League. C’était pas un parcours facile, mais je suis heureux que ça se passe comme prévu. Il faut croire en ses forces, travailler et ça paye !
En 2012, tu disputes une finale de League Cup face à Liverpool avec les Bluebirds. Même si vous perdez aux tirs au but au bout d’un scénario incroyable (2-2, 2-3 t.a.b), as-tu déjà ressenti autant de frissons depuis ?
Après, j’ai eu la chance de jouer contre Manchester City, Chelsea, Liverpool à nouveau… Mais dans ce genre de contexte, c’était unique. Ce jour-là, je manque mon tir au but. C’était la première fois de ma carrière que je loupais un penalty. Ça reste dans un coin de ma tête. J’espère revivre une finale avec la victoire au bout.
Qu’est-ce qu’on ressent lorsqu’on envoie son tir au but sur le poteau, en finale à Wembley, devant 89 000 personnes ?
Tu te sens seul. Tu te dis « oh merde, qu’est-ce que j’ai loupé ! » Je savais qu’il y avait ma famille dans les tribunes, t’es déçu pour eux. Mais il ne faut pas s’arrêter sur cet échec, il y en aura d’autres. Ce jour-là, même Steven Gerrard a loupé, ça peut arriver à tout le monde.
En 2013, Cardiff est promu de Championship en Premier League, mais toi, tu es transféré dans la foulée à Blackburn… en Championship. Ça t’a foutu les boules ?
Forcément, il y a de la déception. À ce moment-là, je dispute seulement trois matchs en PL. Mais je voulais trouver plus de temps de jeu, et la seule manière de jouer davantage, c’était d’évoluer en Championship. J’ai eu la chance que ça se passe bien à Blackburn. Je marque 13 buts en six mois – puisque j’arrive en décembre -, et la deuxième saison (2014-15), je plante à 20 reprises, plus deux fois en Coupe. C’est la première fois de ma carrière où j’évolue en tant que titulaire. Tu sais que t’es en confiance, que tu peux tenter des choses…
À présent, la Fédération n’existe plus au Bénin, c’est le ministère qui est en charge de la sélection
Tu as bien connu le Championship. Sans parler du niveau, est-ce que c’est le même football en Premier League ?
Dans l’élite, c’est quand même plus technique. Les défenseurs sont plus complets et intelligents dans leur façon de jouer. Pour l’instant, je découvre, il y a certaines occasions que je me procurais plus facilement en D2, mais je ne m’inquiète pas. Ça va venir. Cette saison, j’ai inscrit un but en Premier League et un en Cup. Le premier but en PL, je l’attendais ! J’ai marqué pour ma première apparition avec les Villans, c’est une bonne chose de faite. Maintenant, il faut enchaîner. J’espère continuer ma progression et accrocher le top ten avec l’équipe. Vu notre effectif, on en a les moyens.
Évoquons à présent la sélection. Tu as choisi de jouer pour le Bénin. Pas mal de sélectionneurs se sont succédé, comment l’as-tu vécu ?
Oumar Tchomogo est en poste depuis bientôt un an. En fait, il avait déjà pris l’intérim après le départ de Manuel Amoros en 2013. Ensuite, il y a eu Didier Ollé-Nicolle. Je crois que le retour d’Oumar est positif. Il est du pays, il connaît les jeunes, les plus anciens. Il a aussi joué en Europe, donc il est capable de faire le lien entre les joueurs du pays et les « européens » . Au niveau du groupe, je trouve qu’on a beaucoup de qualité. La stabilité, c’était le problème de notre sélection, maintenant c’est réglé.
Dans une interview à bjfoot.com, tu évoquais récemment des « problèmes extrasportifs » autour de la sélection. Tu peux nous en dire plus ?
Il y avait un litige entre la Fédération et le ministère. À présent, la Fédération n’existe plus, c’est le ministère qui est en charge de la sélection. Ça ne nous regarde pas, les joueurs, mais moi, j’attendais que ce soit réglé pour revenir en sélection dans des conditions correctes. Désormais, tout est réglé… J’ai été sélectionné début septembre, ça faisait plusieurs mois que je n’étais pas venu. C’est clair que le niveau a progressé : on joue beaucoup mieux, tactiquement on est plus costauds. On a de bonnes armes pour se qualifier pour la CAN 2017, même si ça ne sera pas simple de dominer le Mali.
Tu marques beaucoup de la tête, c’est ton arme fatale ?
Vu ma taille et mon physique, c’est plus facile pour moi. Depuis que je suis jeune, je marque de la tête. C’est dans la continuité des choses. Après, c’est vrai que j’affectionne particulièrement le jeu aérien. Je demande aux milieux de terrain et aux latéraux de mettre le ballon dans la surface, et après, c’est à moi de conclure le travail !
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