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Rudy Gestede : « Je ne connais pas un mot de gallois »

Propos recueillis par Sébastien Duval, à Cardiff
9 minutes
Rudy Gestede : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Je ne connais pas un mot de gallois<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Rudy Gestede a réussi à échapper au National à Metz et rêve aujourd'hui de Premier League avec Cardiff (D2). Le ciel était gris comme un terril de Moselle quand on l'a retrouvé au bar d'un hôtel de Cardiff Bay pour parler de Daniel Gygax, Jan Koller, Pepe Reina, Craig Bellamy et Manuel Amoros. Belle brochette.

Comment as-tu eu la bonne idée de ne pas percer à Metz ?J’ai joué mon premier match de Ligue 1 à 19 ans, à Marseille, en 2007. J’ai remplacé Daniel Gygax en deuxième mi-temps et je me souviens avoir été plus absorbé par le stade et les supporters que réellement concentré sur mon échauffement. Une première au Vélodrome, c’était un bon début, malgré la défaite. Je fais une saison plutôt correcte ensuite, Francis de Taddéo et Yvon Pouliquen me donnent un peu de temps de jeu. Malheureusement, il y a la descente en Ligue 2 au bout. Je débute la saison suivante en tant que titulaire et je sors alors quelques prestations moyennes… Pouliquen m’envoie sur le banc, puis avec la réserve, et je me blesse au dos en septembre pour toute la saison. Une année blanche.

Et là, on t’envoie te refaire une santé à Cannes ?Pendant ma blessure, Victor Mendy avait fait une bonne saison en attaque avec Papiss Cissé, qui était rentré d’un prêt à Châteauroux. Assez logiquement, je n’entre plus dans les plans du coach et je suis prêté à Cannes, en National. Là-bas, en un mois et demi, un médecin règle mes problèmes de dos et je retourne sur le terrain sans douleurs. J’ai l’espoir de faire enfin une saison pleine et, à la trêve, ils recrutent Jan Koller, qui a un peu le même profil que moi. C’est un gros salaire et une bonne pub pour le club, alors, évidemment, je me retrouve sur le banc. Être prêté en National et finir remplaçant, c’est pas terrible.

Pas trop déprimé donc de devoir retourner en Lorraine ?Le nouveau coach à Metz, Dominique Bijotat, me fait jouer un peu. Je marque quelques buts en décembre et Reading se manifeste pour me faire signer. Metz refuse et là, sur un match, je me fais le ménisque. Sans entrer dans les détails, l’opération et la rééducation ne se passent pas super bien et je me retrouve sans contrat à la fin de la saison. J’aurais bien aimé faire quelque chose dans mon club formateur, mais je n’étais pas trop mécontent de partir vu la façon dont les choses se sont passées sur la fin.

« On a toujours plus de 20.000 personnes à domicile »

Comment tu atterris à Cardiff ?
Reading était toujours intéressé. Je devais y aller, mais entre-temps je pars faire un essai avec Cardiff, qui venait de changer de coach et recrutait pas mal de joueurs cet été-là. L’équipe était en stage en Espagne et je marque contre Charlton en match amical, ce qui était plutôt bien quand tu es à l’essai. Je signe un contrat de deux ans dans la foulée.

Comment se passe ton dépucelage en Championship ?C’est un autre monde que la Ligue 2 en terme d’engouement, d’affluences… On a toujours plus de 20 000 personnes à domicile. Même en Ligue 1, peu de clubs ont ça. Je savais que les Britanniques aimaient le foot, mais pas à ce point-là. J’avais quelques bases en anglais, donc la langue n’était pas une barrière, même s’il m’a fallu un peu de temps pour bien comprendre l’accent de l’entraîneur écossais. Il ne faut pas qu’il parle trop vite. Je ne m’attendais pas forcément à jouer la première année. Il y avait quelques gars avec une carrière derrière eux, mais j’ai réussi à faire mon petit trou, avec une trentaine de matchs en championnat, même si je suis souvent sorti du banc. On craque un peu en fin de saison pour la montée, mais on fait un beau parcours en League Cup en perdant seulement en finale contre Liverpool à Wembley.

Wembley, c’est quand même être autre chose que Saint-Symphorien ?Malgré la défaite, cette finale est jusqu’ici le plus beau moment de ma carrière. J’étais bien malade deux jours avant. Une grosse gastro. Je n’ai rien dit à personne parce que je sentais que j’allais être titulaire et on s’était arrangé pour que la famille et les amis viennent voir le match. J’étais pas au top de ma forme ce matin-là, mais tu oublies tout ça devant 90 000 personnes. C’était énorme quand je suis entré sur le terrain, avec Steven Gerrard en face, Carragher… Quand tu joues contre eux, tu sens que ça va vite, que ça réfléchit rapidement. Techniquement, c’est propre.

Est-ce que tu arrives à dormir depuis ton penalty raté ?Le scénario est incroyable : on mène, ils reviennent et puis on égalise à la dernière minute de la prolongation. Séance de tirs au but. J’étais fatigué après 120 minutes, j’avais demandé à sortir, mais on m’a laissé sur le terrain. J’en ai pas tiré 30 000, mais c’est le premier péno que je loupe dans toute ma carrière. Je tire mal et je le mets sur le poteau, mais je pense que Reina est dessus si c’est cadré. Tu te sens seul à ce moment-là. Tu as l’impression de ne plus rien entendre, d’avoir pris une claque. Ça gâche un peu le souvenir, même si avec le recul, je suis content d’avoir participé à une finale à Wembley.

Tu pourras te consoler avec la montée en Premier League cette saison ?Il ne faut pas s’enflammer. On a onze points d’avance sur le troisième, mais franchement ça peut aller vite dans ce championnat. On a perdu contre des petites équipes comme Petersborough. Globalement, on arrive quand même à prendre des points quand on joue moins bien et c’est bon signe.

« Le nouveau propriétaire malaisien a voulu changer le logo du club »

Toi, en revanche, tu as repris tes mauvaises habitudes messines ?À cause d’une blessure au genou, j’ai démarré la saison assez tard et quand une équipe est sur une bonne dynamique, ce n’est pas évident de retrouver sa place. J’ai rejoué en décembre, j’ai marqué, mais Fraizer Campbell est arrivé au Mercato. C’est un bon joueur. Du coup, depuis, je me retrouve sur le banc ou en tribunes. J’ai malheureusement l’habitude d’être dans cette situation. Il faut rester costaud et être patient. J’aimerais évidemment rester pour découvrir la Premier League, mais ça risque d’être compliqué sachant que je ne joue déjà pas beaucoup en Championship et que c’est un club qui a les moyens de recruter. On verra. Si jamais je dois bouger, je veux un club qui compte sur moi, un coach qui veut vraiment Rudy Gestede et pas un grand attaquant à mettre devant.

Question bête : pourquoi vous vous appelez les Bluebirds alors que vous jouez en rouge ?Le nouveau propriétaire malaisien a voulu changer le logo du club et la couleur des maillots. A priori, le rouge porte bonheur en Malaisie. C’est son choix, le club lui appartient et pour l’instant, il a raison, ça nous porte plutôt chance ! Les supporters étaient un peu réticents au départ, mais comme les résultats suivent… Si on monte, on peut changer le nom du club et personne ne dira rien. On a de bons supporters. Ils sont toujours derrière l’équipe. La saison dernière, on perd 3-1 à domicile contre Middlesbrough et à la fin du match, tout le monde applaudit. Ça m’avait surpris. En France, on se serait fait siffler.

Bon, tu t’es pas trompé de sport en venant au pays de Galles ?Le rugby n’est pas un sport que j’apprécie particulièrement. Je ne suis pas encore allé voir un seul match d’ailleurs. Il y a quand même des gens qui s’intéressent au foot ici, d’autant que Swansea et Cardiff marchent bien en ce moment. L’année dernière, on partageait notre stade avec l’équipe de rugby de Cardiff, mais ils ont changé parce qu’ils n’arrivaient pas à le remplir. C’était trop grand pour eux.

Et la vie à Cardiff, c’est comment ?Pour une petite ville, Cardiff bouge bien, les gens aiment faire la fête. Et ils sont très accueillants. Quand ma femme était enceinte, des supporters voulaient qu’elle accouche ici pour que mon fils soit gallois ! Ah, oui, ils aiment pas trop qu’on les mélange avec les Anglais, faut faire attention. Je ne connais pas un mot de gallois, mais personne ne le parle de toute façon. Sinon, le climat est pas évident. Je viens de Metz, d’accord, mais il pleut encore plus ici.

Est-ce que, comme John Arne Riise, tu as déjà joué au golf avec Craig Bellamy ?L’année dernière, en stage en Espagne, on avait fait un golf, mais il était pas encore là. Franchement, avant qu’il arrive, j’avais entendu toutes ces histoires et je m’attendais à un mec un peu grande gueule, mais pas du tout. Il est tellement passionné par ce qu’il fait qu’il a dû mal à accepter l’erreur, de sa part ou de celle des autres. S’il y a un modèle à suivre au club, c’est bien lui. C’est le premier arrivé, le dernier à repartir… Il a fait des erreurs quand il était plus jeune et les gens aiment bien coller des étiquettes à vie. Beckham donne son salaire aux enfants et tout le monde applaudit alors qu’on ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière, si ce n’est pas une combine pour ne pas payer d’impôts. Lui, il a créé une école de football au Sierra Leone. Il a beaucoup investi. Personne n’en parle, mais il s’en fout, il avait juste envie de le faire.

C’est plutôt l’Amérique qui t’intéresse, toi ?Mon grand-père maternel est américain, il vit à Atlanta, mais je ne sais pas si je peux prétendre à la nationalité américaine. Notre coach adjoint a joué avec Klinsmann à Tottenham. Il l’a contacté par mail et il lui a répondu qu’il viendrait me superviser. Mais comme je ne joue pas trop cette année, c’est compliqué. Ça me plairait de jouer en sélection. Pour la France, je pars de loin, mais j’ai une autre option via ma grand-mère béninoise. J’ai eu le ministre des Sports du Bénin, le président de la Fédération et le sélectionneur Manuel Amoros au téléphone juste avant que tu arrives ! Ils veulent me convoquer pour un match de qualification à la Coupe du monde 2014 contre l’Algérie le 23 mars. Ça va faire deux ans que je suis en contact, ils cherchent des joueurs avec des origines béninoises. Ils sont premiers du groupe, ça fait réfléchir, même si je suis jamais allé en Afrique. J’aimerais savoir si ça peut se faire ou pas avec les États-Unis avant de trancher, parce qu’après c’est plus possible de revenir en arrière. Les États-Unis jouent la Coupe du monde à chaque fois quand même…

Tu as lancé ta propre marque de boissons énergétiques. T’aimes vraiment pas le Red Bull ou tu penses déjà à ta retraite ?Un ami de mon frère a créé la marque et cherchait quelqu’un pour l’implanter au Royaume-Uni. Comme j’étais ici et que, par le biais du foot, j’ai pas mal de contacts, on a décidé de saisir cette opportunité. On gère le marketing, la distribution, la vente… C’est intéressant, une petite entreprise qui démarre. C’est un investissement au départ, mais ça me permet de remplir mes journées et de voir autre chose que le foot. Ça ne peut pas faire de mal dans ma situation actuelle.

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Propos recueillis par Sébastien Duval, à Cardiff

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