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Rudi tient son guerrier
C'est désormais officiel : Kevin Strootman est un joueur de l'Olympique de Marseille. Et c'est la deuxième fois que Rudi Garcia le fait venir dans l'un de ses clubs.
« Nous t’aimions quand tu ne pouvais même pas descendre les escaliers de l’Olimpico. » Lundi matin, la Gazzetta dello Sport donne la parole aux supporters romains, visiblement très contrariés par le départ de Kevin Strootman (28 ans). En cinq ans passés dans la capitale italienne, la plus ancienne recrue des dirigeants américains de la Roma a eu le temps de devenir l’un des chouchous du stadio Olimpico. En 2016, après un derby contre la Lazio, le grand Francesco Totti l’adoube en déclarant qu’il « est devenu un citoyen romain à part entière » . En fait, Strootman ne reçoit qu’amour à Rome. Et ce depuis longtemps maintenant. Du premier jour où il prend le numéro 6 – jusqu’alors retiré en hommage à Aldair – aux moments les plus douloureux. Comme lors de sa blessure, lorsque les tifosi postent sur internet des photos d’eux devant une machine à laver. Une référence au surnom que lui a donné un certain Rudi Garcia, bluffé par sa capacité à « transformer les ballons sales en ballons propres » . Oui, l’OM a bel et bien délogé un joueur majeur d’un demi-finaliste de la dernière Ligue des champions.
Promis aux plus grands clubs
Né à Ridderkerk, à 15 kilomètres au sud-est de Rotterdam, Kevin Strootman est formé dans un des clubs de la grand ville du coin, au Sparta Rotterdam. Membre à part entière de l’équipe à 18 ans, il devient rapidement un titulaire indiscutable. À 21 ans, après un rapide passage à Utrecht, il signe dans l’un des deux gros mastodontes du football néerlandais, au PSV Eindhoven. Et là, c’est l’explosion. Il découvre le plus haut niveau national et les exigences que cela comporte, ainsi que la Coupe d’Europe. En deux saisons, c’est surtout de par son leadership qu’il impressionne. Capitaine du PSV à seulement 23 ans, il a même le droit de porter le brassard avec la sélection néerlandaise de Louis van Gaal à quelques reprises. Un profil de patron au gros caractère, combatif, agressif, infatigable, mais aussi très doué techniquement qui lui valent de nombreuses comparaisons avec Mark van Bommel, qu’il côtoie durant une saison.
À l’été 2013, Rudi Garcia – qui vient de débarquer à la Roma – cherche alors un troisième milieu de terrain pour compléter son immuable 4-3-3 et jouer aux côtés de Daniele De Rossi et Miralem Pjanić. Ce sera Strootman, sur qui la Roma pose presque 20 millions d’euros avec les bonus. Et la mayonnaise prend totalement, au point que l’arrivée de Radja Nainggolan à l’hiver 2014 laisse les tifosi totalement indifférents. « Ses premiers mois à la Roma en 2013-2014 laissaient entrevoir un des futurs meilleurs milieux au monde, destiné à signer à Manchester ou au Real Madrid » , assure le journaliste de Tuttosport Simone Rovera au Phocéen.
Et là, Mathieu Valbuena
Et puis au mois de mars, quelques jours après son but sublime contre le Napoli en demi-finale de Coupe, il croise la route de Mathieu Valbuena. Touché au genou après un contact avec Petit Vélo dans un match contre l’équipe de France, il sort sur blessure avant la mi-temps. Une blessure banale à ce moment-là, mais trois jours plus tard, il se tord de douleur au bout de cinq minutes de jeu contre Naples en championnat cette fois-ci. Il serre les dents et refuse la civière pour sortir. Il vient de se faire les ligaments croisés. Opéré au Pays-Bas, il est absent huit mois puis rechute rapidement. Deuxième opération en janvier 2015. Mais la rééducation ne marche pas. Il faudra attendre la troisième opération, en Italie cette fois-ci, et au total presque deux saisons blanches pour que Strootman revienne pour de bon au début de la saison 2016-2017.
Alessandro Falcioni, président de la Fédération italienne des physiothérapeutes, explique alors que Mariani, un chirurgien réputé de Rome, « lui a sauvé sa carrière » . « Aux Pays-Bas, ils ont raté l’opération de Strootman d’un centimètre. Pour arriver à faire trois opérations, cela veut dire que quelque chose n’a pas été comme il le fallait. Le problème a été la première opération où le ligament n’a pas été positionné correctement au niveau du condyle : le chirurgien hollandais n’a pas pris la juste mesure du néo-ligament, qui a été implanté beaucoup plus en avant par rapport à ce que devait être son insertion » . Mais contrairement à l’idée reçue aujourd’hui, Strootman est désormais complètement débarrassé de ses problèmes de genou. En 2016, il récupère sa place de titulaire instantanément grâce au départ de Miralem Pjanić, et reste depuis sur deux saisons à 53 et 49 matchs. Les saisons les plus longues de sa carrière.
Changement de style
Mais il est impossible de le nier : Kevin Strootman n’est plus le même joueur depuis sa blessure. Rudi Garcia parti, Luciano Spalletti évolue désormais dans un 4-2-3-1 plus adapté au Strootman nouveau. Beaucoup moins mobile qu’avant, le Néerlandais a besoin d’un nouveau milieu de terrain à ses côtés et doit maintenant se satisfaire d’un rôle plus défensif. Moins apte à se projeter vers l’avant car moins vivace, il a tout de même conservé toute sa palette technique. Parfait pour s’insérer dans le milieu de terrain marseillais aux côtés de Luiz Gustavo ? Peut-être. En tout cas, Rudi Garcia va remettre la main sur un de ses coups de cœur. En février 2017, l’entraîneur marseillais faisait encore étalage de son admiration pour le Néerlandais au Journal du Dimanche : « On a parlé cet hiver, mais ce n’était pas possible. Si un jour je peux recruter Strootman à l’OM, je vais le chercher en voiture. » Que Rudi fasse chauffer le moteur, sa machine à laver est arrivée.
Par Kevin Charnay