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Rubiales : allez dehors !
Luis Rubiales a finalement annoncé sa démission. Elle semblait inéluctable au regard de la pression grandissante, autant de la société civile et politique espagnole que de la part du petit monde du football. Pourtant, il aura longtemps mené une stratégie de la terre brûlée...
Une agression sexuelle, ce « baiser forcé » à l’internationale Jennifer Hermoso, des gestes déplacés à côté de la famille royale, des menaces à peine déguisées envers tous ceux et toutes celles qui pourraient se dresser contre lui, l’instrumentalisation de la fédération (qui a été jusqu’à diffuser des vidéos « compromettantes » pour le défendre), un discours masculiniste de victimisation, etc. Luis Rubiales n’a pas ménagé ses efforts pour rester en poste et en place, contre vents et marées. De guerre lasse, il a donc fini par se résigner à quitter le siège de président de la Fédération espagnole de football (RFEF) qu’il occupait depuis cinq ans.
Toutefois, aucun mea culpa à l’horizon. Dans le communiqué rendu public sur les réseaux sociaux, il a certes d’abord officialisé formellement une démission adressée hier soir à 21h30, via une lettre adressée à M. Pedro Rocha Junco, président intérimaire en fonction. Le communiqué poursuit logiquement en précisant que Rubiales « démissionne également de son poste de vice-président de l’UEFA ». La suite persiste cependant dans le sentiment d’être l’objet d’une cabale et des mensonges d’ennemis invisibles qui souhaitaient sa chute, avec un petit fond de complotisme bien dans l’air du temps : « Parce qu’il y a, entre autres, certaines forces qui empêcheront mon retour. »
🚨 𝗢𝗙𝗜𝗖𝗜𝗔𝗟 | La RFEF confirma la dimisión de Luis Rubiales.
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— RFEF (@rfef) September 10, 2023
À l’instar de Noël Le Graët, il se présente donc quasiment en martyr, se sacrifiant dans l’intérêt du football. « Après la rapide suspension de la FIFA, plus le reste des procédures ouvertes contre moi, c’est évident que je ne pourrais plus revenir à mon poste, a-t-il indiqué. Continuer d’attendre et de m’accrocher ne va rien générer de positif, ni pour la Fédération ni pour le football espagnol. » Pas un mot d’excuse, aucune considération pour les footballeuses qui avaient quitté collectivement la sélection jusqu’à son départ, et bien évidemment nul regret de leur avoir volé en quelque sorte leur victoire inespérée au Mondial. De fait, comme c’est souvent le cas, la justice a été déterminante et l’a poussé dans ses derniers retranchements. En particulier la plainte pour abus d’autorité devant la justice sportive, et pour agression sexuelle devant la justice pénale, déposée par Jennifer Hermoso.
Son image n’est d’ailleurs écornée que par la « perfidie des femmes », qui, comme il s’en est confié dans un entretien accordé au journaliste de télévision britannique Piers Morgan, l’ont obligé à s’en aller « parce que je ne peux pas continuer mon travail ». Depuis le début de l’affaire, les révélations se multiplient sur son mode de management brutal, son sexisme, sa gestion douteuse de la fédé… Il en aura fallu du temps et donc un « écart » de trop en mondovision pour que le roi perde sa couronne. Sans comparaison entre la gravité des deux faits, ce baiser aura été l’équivalent des propos de Noël Le Graët sur Zidane. Sauf qu’au lieu d’un tweet de Kylian Mbappé, ce sont les principales concernées qui ont mené la révolte, certes appuyées par les pouvoirs publics pour une fois, qui se sont enfin réveillés, la pression médiatique et les mobilisations citoyennes. Il s’agit peut-être de l’élément le plus encourageant de cette triste séquence. Mais est-ce que le départ d’un seul homme suffira à changer la donne sur la durée ? Le football féminin et les femmes dans le foot ont encore de nombreuses confrontations devant elles. Accordons-leur au moins d’avoir cette fois remporté le match aller.
Par Nicolas Kssis-Martov