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Rúben Dias, pur sang

Par Steven Oliveira
5 minutes
Rúben Dias, pur sang

Depuis le départ de Vincent Kompany, Manchester City s'est longtemps cherché un homme capable de défendre, d'assurer la relance et de hurler sur ses coéquipiers pour tenir la baraque. Les Citizens ont fini par trouver leur perle rare en la personne de Rúben Dias, récemment élu par les journalistes meilleur joueur de Premier League cette saison. Sauf que le Portugais compte bien réussir là où le Belge s'est manqué, en offrant à Manchester City sa première Ligue des champions.

Le Ballon d’or en est la preuve, les récompenses individuelles sont rarement décernées à des défenseurs. Pourtant, lorsque les 400 journalistes qui composent la Football Writers’ Association ont voté pour désigner le joueur de la saison en Premier League, un nom est ressorti plus que les autres : Rúben Dias. Le Portugais est ainsi devenu le premier défenseur depuis Steve Nicol, en 1989, à obtenir cette récompense. C’est dire l’immensité de l’exploit de celui qui était tout proche de signer avec l’Olympique lyonnais, à l’été 2018. Et ce ne sont pas les joueurs du PSG qui vont critiquer ce choix, eux qui se sont cassé les dents sur Rúben Dias lors de la demi-finale de Ligue des champions (notamment lors du match retour, où l’ancien de Benfica avait été élu homme du match). Ce ne sont pas non plus tous les autres attaquants de Premier League qui ont passé leur temps dans la poche du Portugais sans avoir le droit d’en sortir, ne serait-ce qu’une fois pour aller discuter avec Ederson, qui vont remettre en question ce prix.

Virgil van Dias

Eliaquim Mangala, Nicolás Otamendi, John Stones, Aymeric Laporte, Nathan Aké… Depuis 2014, Manchester City a dépensé des centaines de millions d’euros sur le marché des transferts pour trouver le défenseur central capable de remplacer Vincent Kompany. En d’autres termes, un joueur dur sur l’homme qui gagne ses duels et qui dirige sa défense au son de sa voix tout en étant à l’aise avec ses pieds pour assurer la première relance. Après plusieurs tentatives pour autant d’échecs, les dirigeants de City ont finalement trouvé en Rúben Dias le candidat idéal. Tant pis si cela leur a couté un chèque de 71 millions d’euros, ils n’étaient plus à quelques billets près. Arrivé deux jours après une défaite 5-2 à l’Etihad Stadium face à Leicester en Premier League, Rúben Dias a en tout cas très vite mis de l’ordre dans cette défense. C’est bien simple : quand le Portugais est sur la pelouse, Manchester City encaisse en moyenne 0,66 but par match en championnat cette saison contre 1,8 lorsqu’il est absent. De quoi expliquer pourquoi il est le deuxième joueur le plus utilisé toutes compétitions confondues par Pep Guardiola, derrière Rodri.

Mais celui qui était attaquant jusqu’à son arrivée chez les jeunes d’Estrela da Amadora n’est pas seulement un défenseur rugueux qui enchaîne les tacles, qui contre les tirs et qui remporte ses duels aériens et au sol. Non : comme ses aînés Nemanja Vidić, Vincent Kompany ou encore Virgil van Dijk, Rúben Dias est aussi capable d’assurer la relance. À l’image de son huitième de finale aller de Ligue des champions sur la pelouse de Mönchengladbach où il rentre au vestiaire avec 125 passes réussies – sur 127 tentées -, plus que n’importe quel autre défenseur cette saison en C1. Le Portugais est aussi le troisième joueur, juste derrière Lionel Messi et parmi les cinq grands championnats européens, à avoir le plus progressé vers l’avant avec le ballon. De quoi comprendre pourquoi Pep Guardiola s’est montré dithyrambique à son sujet en conférence de presse, en janvier : « Quand tu signes un joueur, tu sais qu’il va améliorer l’équipe. Mais tu ne sais pas jusqu’à quel point. La capacité de Rúben et son interprétation du jeu sont incroyables. Je vous le dis, on a signé un joueur incroyable pour les cinq, six ou sept prochaines années. Ce n’est pas simple, de nos jours, de trouver un joueur comme lui. »

L’homme qui hurlait à l’oreille de ses coéquipiers

Dans défenseur, il y a le mot défense. Ça, contrairement à beaucoup de ses homologues, Rúben Dias l’a très vite compris. Tacler, se frotter à l’attaquant, donner son corps à la science, mettre des coups d’épaule : le Portugais aime. Il apprécie encore plus que ses coéquipiers le suivent dans son envie de ne pas encaisser de pions. Ce que Manchester City a parfois oublié les années précédentes en Ligue des champions, en encaissant notamment 6 buts face à l’AS Monaco lors de son élimination en huitièmes de finale en 2017. Puis 5 l’année suivante face à Liverpool, 4 contre Tottenham en 2019 et 3 – en un match – contre l’OL la saison dernière. À titre de comparaison, les Citizens n’ont cette saison encaissé que 4 pions depuis le début de l’exercice en C1. Bien entendu, Rúben Dias y est pour beaucoup, lui qui dirige sa défense tel Aragorn dans Le Seigneur des anneauxmalgré ses 24 ans au compteur. Une âme de leader que Pep Guardiola avait distinguée dès octobre 2020 : « La chose la plus importante pour Rúben Dias est qu’il est un leader, il gère la pression. Dans peu de temps, il dirigera l’équipe. »

Le technicien espagnol aurait-il un don de voyance ? Non, il a juste vu ce qu’il s’est passé à Benfica. Un club où Rúben Dias s’est très vite imposé comme leader, dès son arrivée chez les Águias à onze ans. C’est en tout cas l’avis de Virgílio Pinto, qui l’a côtoyé des U15 aux U17 : « Ce côté leader est imprimé en lui, c’est sa personnalité. Il ne se force pas, il est comme ça. Il a commencé à mettre en pratique ce leadership en U15, quand il a franchi un cap sur le terrain. Il ne criait pas forcément sur un joueur en particulier, mais il guidait toujours l’équipe, que ce soit les défenseurs comme les attaquants. Il parlait tout le temps. Il se transforme sur le terrain où il devient un vrai monstre. Alors qu’en dehors, il est beaucoup plus calme. » Celui qui joue actuellement à Canelas 2010 n’est ainsi pas étonné de voir son ancien coéquipier reprendre ce rôle à Manchester City : « Il agissait de la même manière à dix-sept ans lors de son premier entraînement avec l’équipe première de Benfica, c’est ancré en lui. » En attendant de gueuler sur Pepe pendant l’Euro 2020 avec le Portugal, Rúben Dias va pouvoir faire parler ses cordes vocales pour mener sa défense à la baguette face à Chelsea en finale de C1. Attention tout de même à ne pas faire trop de bruit, cela pourrait gêner Timo Werner.

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Par Steven Oliveira

Propos de Virgílio Pinto recueillis par SO.

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