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Royston Drenthe : « Tout arrive pour une raison »
D’un éphémère passage au Real Madrid, à ses 20 ans, Royston Drenthe a marqué brièvement de son empreinte une génération de footballeurs. Le Néerlandais fait parti de ceux qui ont tout voulu trop vite. Aujourd’hui âgée de 32 ans, l’ancienne pépite du Feyenoord Rotterdam décide de s’installer à l’heure du thé afin de raconter sa carrière, mais aussi, et surtout, sa vie.
En cette douce fin d’après-midi, les gratte-ciel de Rotterdam réfléchissent un soleil curieusement au rendez-vous. Si l’étoile est à l’heure, Royston Drenthe, lui, se fait attendre. La rencontre est fixée dans un café huppé de Cool, le quartier le plus animé de la cité, situé dans le centre-ville. Il faut dire que « Roy » , comme on l’appelle ici, est un gars du coin. Gamin, il avait comme terrain de jeux les rues crades de R-dam. La vaste cité portuaire, gentrifiée par endroits, est aujourd’hui convoitée par les étudiants du monde entier, venus étancher leurs désirs d’excès et de diplômes durant leurs années Erasmus. « Je suis désolé les gars, j’arrive, je gare la voiture ! » , prévient-il d’une voix pressée. Le voilà qui arrive, trapu, aussi fit qu’avant, vêtu de noir, sourire ultra bright. Le temps de serrer des paluches au personnel, de commander à boire et de s’installer. Pour lui, deux grands verres de vin blanc qu’il agrémentera de tabac à priser. Interview sans joker et sans tabou.
Tu es né ici, à Rotterdam, comment tu as vécu ta jeunesse ? Rotterdam, c’est chez moi, je suis né à quelques pas d’ici. Cette ville représente tout pour moi, elle représente mes racines.
Mon enfance était très bonne malgré le fait que ça a été très dur pour ma famille. Mon père est décédé quand j’avais trois ans, alors ma mère a dû se débrouiller toute seule pour élever ses enfants. Elle a dû travailler très dur dans un parking à côté d’ici, puis j’ai eu un beau-père qui nous a beaucoup aidés. Je jouais au foot partout, sur les terrains, dans les rues… Jusqu’au jour où Feyenoord est venu me chercher. Ma mère a dû encore plus galérer afin de m’amener à l’entraînement, à des matchs ou à des tournois en France, en Espagne ou en Angleterre. Pour cela, tout devait sortir de sa poche, mais elle a essayé de me donner tout ce qu’il fallait pour réussir. Ça n’a pas a toujours été facile.
Quel genre d’éducation as-tu reçue de ta mère ? C’est une femme superbe, avec un caractère incroyable. D’ailleurs, ce soir, je l’emmène dîner. Quand j’ai des problèmes ou bien que le mental n’est pas au top, à la fin de la journée, c’est toujours elle qui me relève en me donnant des conseils ou bien en m’apaisant. Sans elle… Je ne serais sans doute pas la personne que je suis aujourd’hui. J’ai des frères et sœurs, mais je suis le seul de ma mère. Je suis son seul fils.
Dans quel genre de quartier as-tu grandi ?Alors, là, on est dans le centre-ville de Rotterdam, on l’appelle Rotterdam West. Quand j’étais plus jeune, c’était un quartier très dur.
Aujourd’hui, tu ne vois plus les junkies dans ces rues, mais avant ils étaient partout. Maintenant, la ville est plus agréable et plus accueillante. Je pense la même chose maintenant que quand j’étais petit, à propos d’elle. Même si j’allais dans les plus beaux endroits du monde, j’ai toujours voulu y revenir. Je m’en tape, je dois toujours revenir ici pour me recharger. Quand je pars en vacances ou pour quoi que ce soit, j’y vais et avec plaisir, c’est toujours plaisant de découvrir de nouvelles choses, mais je reviendrai toujours.
Plus jeunes, vous faisiez quoi, avec tes potes, pour vous amuser ? Tu fais de bonnes comme de mauvaises choses, comme tous les jeunes hommes. On appelle ça « Kattenkwaad » , on faisait les durs, les bad boys, mais rien à voir avec la police. Les choses changent et les amis aussi. Bien sûr, j’ai encore des potes dans le coin, mais plus beaucoup. Je n’ai jamais oublié d’où je venais, je ne vais pas jouer le mec qui ne veut pas retourner dans son quartier, non, je viens d’ici.
À l’école, quel genre d’élève tu étais ? J’étais plutôt bon ! Ma fille m’a demandé de l’aide pour ses devoirs et je l’ai aidée en lui faisant assez vite comprendre. Parfois; elle va voir sa mère aussi, mais à la fin, ça finit toujours par : « Va voir ton père ! » (Rires.) J’étais plutôt malin, mais je n’avais pas de si bonnes notes à l’école, parce que j’avais beaucoup à faire en dehors. Le foot, les conneries avec mes copains… J’aurais pu faire mieux, c’est sûr ! Je me débrouillais plutôt pas mal en anglais, presque tout le monde en Hollande parle anglais. À l’école, tu peux choisir entre le français ou l’espagnol, mais l’anglais est obligatoire.
Tu te souviens des premières chansons que tu as aimées ? Ma famille est LA musique ! À la maison, on baigne dedans depuis tout petit et dans des ambiances différentes.
Ça peut être la musique africaine, surinamienne ou bien du hip-hop comme de la musique classique. À la maison, tout le monde avait son style. Ma mère écoutait beaucoup de Lucky Dube (un reggae-man sud-africain, N.D.L.R.) et elle chantait toujours ses chansons ! De mon côté, j’ai baigné dans la culture hip-hop des 90s. Il y avait Tupac et Biggie qui sortaient leur album. Mon beau-père en était complètement fou, il les écoutait toute la journée ! (Il fredonne) : « Fuck your bitch and the click you claim, Westside… » Je devais avoir 7-8 ans, mais quand j’ai entendu ce son arriver, Hit Em Up, je suis devenu fou aussi ! (Rires.) J’ai un frère qui aime beaucoup la musique surinamienne et il mettait une bonne ambiance dans les fêtes de famille.
Quel est ton premier souvenir de foot ? Ouuuuuh ! Quand j’étais petit, il y avait des mecs plus vieux qui ne voulaient pas que je joue avec eux dans la rue. Ils me disaient : « T’es trop petit, rentre chez toi. » Puis, je suis rentré chez moi et je l’ai dit à ma mère. Alors, elle m’a accompagné et leur à tous dit : « Les gars, mon petit va jouer avec vous parce que c’est aussi son quartier, pigé ? » Les mecs étaient du genre : « Putain, mais, c’est qui elle ? Avec son fils qui vient niquer notre partie… » Bon à cette époque, je n’étais pas le meilleur, mais quelques années plus tard, je leur mettais la misère ! (Rires.)
Ta passion pour le Feyenoord ?Ici, être pour le Feyenoord, c’est une obligation. Tout le monde a un abonnement ! Mon plus gros souvenir, c’est quand le Feyenoord a remporté la Ligue Europa en 2002 (Feyenoord-Dortmund, 3-2, N.D.L.R.).
J’avais 15 ans, et deux ans plus tard, je me retrouvais sur cette même pelouse, à De Kuip. Le stade se trouve au Sud. La route jusqu’au centre-ville était bondée, je n’avais jamais vu ça. Quand Feyenoord gagne quelque chose, les célébrations se passent dans le quartier de Coolsingle, dans le centre ville. Il y avait peut-être 300 000 personnes. Quand j’étais plus jeune, le joueur que j’aimais particulièrement, c’était Edgar Davids, il vivait juste là, tu vois le gros bâtiment où il y a marqué « Nationale Nederlanden » ? C’est un sponsor de l’équipe nationale et ils avaient mis cette énorme photo pour la Coupe du monde 98, et Edgar était dessus. De mon balcon, je pouvais voir cette photo avec ses lunettes. C’était l’un des plus gros joueurs de l’équipe. « Je veux être comme ce gars ! » , je voulais avoir la vie d’Edgar Davids : porter des dreadlocks, être footballeur, jouer pour de grosses équipes… J’avais un peu le même style : agressif. Petit, en voyant cette photo, tu penses à beaucoup de choses… Mais tu ne sais pas si tu vas devenir professionnel, et regarde comme tout est allé vite… Je suis déjà retraité maintenant ! Deux ans après la finale 2002, je me suis retrouvé dans l’équipe A du Feyenoord.
Comment tu es arrivé au Feyenoord ? Je jouais dans un petit club appelé Neptunes. Un jour, un coach du Feyenoord est venu voir un match et il a parlé avec ma mère. Ça a été un changement incroyable. Au Neptunes, j’avais deux entraînements par semaine. Au Feyenoord, il y en avait quatre. Je jouais ailier gauche, je marquais pas mal de buts. Mon lycée était un lycée spécialisé pour les sportifs. Il travaillait avec les clubs du Feyenoord, du Sparta et de l’Excelsior. On avait cours le matin, puis entraînement avant de faire la même chose l’après-midi. C’était une routine : école, football, dormir… Mais bon, j’avais quelques copines ! (Rires.)
Alors que tu étais avec l’équipe B, tu as eu un problème avec Marcel Bout (ancien directeur du recrutement du Feyenoord, aujourd’hui à Manchester United, N.D.L.R.) durant un tournoi en Suisse. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Marcel Bout m’a suspendu à cause de mon mauvais comportement. J’avais vraiment la rage contre lui, mais avec le recul, je suis très reconnaissant envers lui. Aujourd’hui, ça fait même presque un an que je travaille avec le même avocat que lui. Quand Marcel a vu que j’étais en train de galérer, il m’a dit : « Écoute, Roy, je t’aime beaucoup, donc va parler avec ce gars-là, il va t’aider, c’est mon avocat. » Quand je suis allé le voir, on a beaucoup parlé. Ce mec-là m’a permis d’ouvrir un peu plus mes yeux.
Quand tu parles de mauvais comportement, tu parles de quoi ?
J’étais vraiment mauvais, mon ami… J’étais un jeune gars et si quelqu’un me disait « Non » , je répondais « Comment ça, non ? Ça va vite devenir un oui » . Parfois, mes camarades ne voulaient pas traîner avec moi parce que j’étais trop… Par exemple, si je jouais à la PlayStation chez un pote et que je perdais, mon pote me vannait et je m’énervais. Je pouvais envoyer sa console par la fenêtre. Je n’étais pas un gros joueur de FIFA, je jouais à Call of Duty !
Marcel Bout voulait carrément te voir quitter le club, mais un homme, Rob Baan, a décidé de te garder. Il s’est passé quoi ? Pendant deux mois, je ne pouvais participer qu’aux entraînements. C’était un moment très dur pour moi. Ensuite, on m’a proposé un petit prêt à l’Excelsior, un club partenaire du Feyenoord. Avant de trouver cette solution, je voulais arrêter le football, mais ma mère m’a dit : « Tu ne peux pas arrêter comme ça, ne fais pas cette erreur, ton cœur est sur les terrains de foot. » Je ne voulais pas quitter le Feyenoord, je pensais être assez bon pour y avoir ma place. Finalement, j’ai compris que le problème, ce n’était pas le niveau, mais la discipline. J’étais très en colère, je voulais tuer tout le monde, mais tout arrive pour une raison dans la vie.
Comment tu es revenu au Feyenoord ? À l’Excelsior, je jouais plutôt bien, j’étais régulier. Le jour où on doit jouer contre le Feyenoord, je voulais vraiment faire un bon match… Et j’ai fait un bon match ! J’avais enfin le droit d’y revenir. C’était une sorte de libération. Quand je suis retourné au club, il m’a fallu six mois pour être dans l’équipe A.
Qu’est-ce que tu ressentais à propos du fait que tu pourrais être potentiellement quelqu’un dans ta ville ?
C’est quelque chose d’incroyable. Tous les petits rêvaient de jouer au foot, au Feyenoord et d’arriver au monde professionnel. Ça demande beaucoup de travail, beaucoup d’efforts et un peu de chance. À ce stade-là de ma vie, j’étais fier d’y arriver. Même aujourd’hui, je reste très fier d’avoir pu avoir cette chance. Attends, je dois décrocher… (Il passe son coup de téléphone.)
Tout va bien ? C’est la mère de ma fille… La petite a des problèmes à l’école. Elle est en colère, car elle a changé de professeur, et comme par hasard, ce prof ne l’apprécie pas. Il l’embête vraiment tout le temps et pour des conneries. Après, il faut le dire, ma fille n’est pas très facile, non plus. Vendredi prochain, je vais aller voir ce prof pour essayer d’éclaircir cette histoire.
C’est dur pour toi, d’être père ? Comment tu vis la chose ? Ohhh tu sais, je pense être un bon papa, j’ai sept enfants, mon frère ! Et tout le monde va bien ! (Rires.) Je n’ai jamais eu peur d’être père, j’ai toujours été préparé. On parle quand même d’un sentiment extraordinaire. Ce que je t’ai dit pour ma mère, c’est la même chose avec mes enfants. Sans eux, je ne serais rien. Si j’appelle le dernier qui a trois ans ou le premier qui en a onze, ce sera la même chose, pas de traitement de faveur.
Revenons-en au Feyenoord. Tu te fais une place dans l’équipe A et tu es sélectionné pour l’Euro des U21, en 2007, qui se passe en Hollande. Comment on se sent quand on reçoit une convocation comme celle-ci ?
J’étais surclassé pour la compétition et c’était un beau défi d’affronter les meilleurs joueurs d’Europe, alors que j’étais plus jeune qu’eux. En plus de ça, j’étais titulaire. Qu’est-ce que tu veux de plus ? (Rires.) Au début du tournoi, je savais que j’allais être remplaçant ou un truc comme ça. « What the fuck ? Je vais m’asseoir sur le banc pendant tout le tournoi ? Ce n’est pas possible ! » Finalement, on me fait jouer arrière gauche pour le premier match, et Ismail Aissaiti se blesse, donc j’ai dû prendre son poste en attaque. J’ai commencé à jouer et ça allait trop vite pour eux ! (Rires.) Le coach a décidé de me laisser titulaire à ce poste et j’ai fini meilleur joueur du tournoi.
Et beaucoup de clubs te veulent au mercato. Tu te souviens des clubs intéressés ? Il y en avait beaucoup : Chelsea, Barcelone… Je ne me suis pas précipité, je devais faire le meilleur choix pour moi. J’étais entouré par mes proches et on a discuté de plein de choses. Tous mes oncles étaient pour le Barça, mais mon beau-père est un grand fan du Real Madrid. Il adorait Ronaldo et les Galactiques : Zidane, Beckham, Figo… Ils cassaient des gueules ! Alors j’ai choisi le Real Madrid. Ça n’arrive qu’une fois dans une vie alors, let’s go !
Quand tu as signé au Real, il y avait Alfredo Di Stéfano à ta présentation. Tu savais qui était ce monsieur ?
Non. Sur le moment, je me demandais qui était ce type. Après coup, on me l’a dit. En arrivant au Real, c’était tellement différent… Déjà, en sortant de l’aéroport, j’ai vu tellement de gens m’attendre, c’était n’importe quoi. Ensuite, direction le stade qui était plein pour la présentation. C’était une immense joie de pouvoir vivre tout ça. Ça n’arrive pas à tout le monde, surtout à 18 ans. Je ne savais pas quoi penser, c’était trop fou pour moi.
À ton arrivée, il y avait d’autres Néerlandais dans l’effectif… Ouais, il y avait Van Nistelrooy, Sneijder, Rafael van der Vaart. Parfois, on se faisait des petites réunions entre nous ou bien on allait déjeuner ensemble. C’était une vie normale, mais dans un style différent. Ce n’était pas plus professionnel que le Feyenoord, la compétition entre les joueurs reste la même. C’est juste le niveau qui augmente. La qualité de cet effectif était dingue !
À l’époque, tu étais en concurrence avec Marcelo, au poste d’arrière gauche. Comment ça se passait entre vous ? Nous étions potes, et à part donner tout ce qu’on pouvait donner, on ne pouvait pas faire grand-chose sur les décisions du coach. Comme je pouvais jouer à plusieurs postes, c’était plus facile pour Bernd Schuster de me choisir. Ils m’ont dit qu’ils me trouvaient intéressant, que je pouvais faire quelque chose au Real.
Tu as dit plus tard : « Les gens attendaient beaucoup de moi et ce n’était pas facile de gérer à 20 ans. » Qu’est-ce que les gens attendaient ? Les gens attendaient des résultats. Quand tu fais un mauvais match, ils commençaient à te siffler, ce genre de choses. C’étaient des moments difficiles parce que… Attends ! Je dois prendre cet appel ! (Il répond au téléphone pendant un long moment…)
Tout va bien ?
Ouais, tout va bien. Il y a juste ce mec qui refuse de me payer… Il me rend fou ! Tous les jours, c’est « demain » . Aujourd’hui, c’est aujourd’hui ! Mon ami, ne dis pas que tu vas faire ceci ou cela sans le faire derrière… Même si c’est pour 20 euros ! Si je te prête 20 euros, tu me rends mes 20 euros au moment voulu !
Raconte-nous ton but contre Séville, en Supercoupe d’Espagne ? Ça ressemblait à une frappe de Davids…
Cette frappe reste un vrai must sur YouTube ! (Rires.) Je me souviens de ce jour. Je revenais de Rotterdam avec mon beau-père et c’était mon premier match pour ma première au Bernabéu. Putain, J’étais nerveux, et tout le monde me disait : « Mec, ça ne sert à rien d’être nerveux. Tu es le putain de Golden Boy de l’Euro -21 ! Fais tes choses comme tu as l’habitude de faire. » Je savais depuis la veille que j’allais commencer la rencontre. On perdait 1-0, et Van Nilstelrooy me file le ballon. J’ai vu Palop avancé. Je me suis retrouvé en bonne position, même si j’avais vu qu’il y avait des passes à faire. À ce moment-là, je dribble un joueur et là, je me dis : « Si j’attrape la balle, je fais mon truc. Allez, fuck it, je vais la fouetter ! » J’ai frappé le ballon, j’étais si loin que je ne pouvais pas voir où il allait finir. Je n’ai même pas célébré comme un fou, j’étais sous le choc ! Je suis allé vers Schuster et je lui ai fait un câlin. C’était incroyable… Bam-bam, double barre rentrante ! (Rires.)
Tu joues plus ou moins régulièrement lors de ta première saison et vous remportez la Liga. Comment ça se passe pour toi ? J’étais quand même assez frustré… Quand tu ne joues pas régulièrement, tu ne peux pas être dans une grande forme, et c’est très important pour un jeune joueur de se sentir en forme, surtout dans un gros club. Dans un petit club, tu peux t’y faire, mais quand tu joues pour le Real Madrid, ça peut devenir très compliqué.
Comment tu faisais pour gérer ça ?
Je profitais de la vie, j’étais chill ! Je restais avec ma famille, je sortais avec mes potes… J’espérais que ça aille mieux, mais c’était très compliqué. Dans le monde du foot, ça ne risque pas de changer. Il y aura toujours des jeunes joueurs qui vont commencer dans le 11 avant de finir sur le banc. Selon moi, il faudrait que ces jeunes joueurs parlent à des joueurs plus âgés qui sont passés par ces difficultés-là et qui peuvent t’aider. Personnellement, je n’ai parlé avec personne et après tout, je me dis que c’était peut-être la meilleure chose à faire dans mon cas.
Ensuite, tu as été prêté à Hercules… Pourquoi ce choix ? Ils ont fait une offre au Real Madrid pour un prêt. Ensuite, ils sont venus parler avec mon agent et on a pu parler tranquillement. Dans les discussions, Hercules me disait : « Trezeguet va nous rejoindre, donc si tu viens, on peut devenir une vraie équipe ! » C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de tenter le coup. Hercules, c’était différent de Madrid, car je me suis retrouvé dans une ville où il y a la playa ! À Alicante, les gens sont fous de leur club. Même quand le club ne payait plus nos salaires, les supporters continuaient d’être furieux, car je n’allais pas à l’entraînement. J’en ai rencontré quelques-uns et je leur ai dit : « Le club ne paye plus nos salaires depuis cinq mois, pourquoi je devrais continuer à venir ? » Les gens ont tagué sur ma maison des trucs genre : « Tu es un mercenaire. » Frère, les gens sont fous, hein… On avait un contrat. Après tout ça, le Real m’a finalement payé.
Tu étais jeune et pourtant, tu ne faisais pas partie de l’équipe nationale des Pays-Bas…Je n’étais pas forcément frustré, car je me disais : « Mon heure va arriver, si ça doit venir, ça viendra. » Je me suis toujours dit que rien n’arrive par hasard. Si tu dois être à cette place, tu seras à cette place…
Après Hercules, tu passes par Everton… Liverpool, ce n’est pas Madrid ou Alicante en matière de niveau de vie, si ? C’était similaire à Rotterdam, j’ai passé du bon temps là-bas ! Everton, c’était la meilleure partie de ma carrière.
J’y ai joué mes meilleurs matchs et je me suis senti comme un membre de leur famille. C’est un bon club, avec de très bonnes structures. Je n’ai jamais vu meilleur championnat que la Premier League, même par rapport à la Liga, c’est un niveau au-dessus. Il fallait bosser dur pour se retrouver là-bas. Pour profiter de la vie, il fallait connaître les bonnes adresses ! (Rires.) J’ai fait pas mal de fêtes là-bas, mais j’avais ma propre manière de m’amuser. J’étais jeune, je voulais y aller fort ! On sortait dans des boîtes et si la musique était à chier, on allait faire la fête chez moi ! (Rires.)
Finalement, tu quittes le club après une embrouille avec David Moyes. Qu’est-ce qui s’est passé ? Je ne peux pas blâmer le club, ni le coach. S’il y a quelqu’un que je dois blâmer, c’est moi-même. Je n’étais pas un garçon si facile… J’arrivais en retard à l’entraînement ou ce genre de trucs. Je n’étais pas le seul, mais quand je repense à tout ça, j’ai quelques regrets quand même. Nous avions un match important contre Liverpool et je suis arrivé un peu tard au rendez-vous, et David Moyes me dit : « Roy, fuck off ! » (Il rigole doucement et longuement) et je lui ai répondu : « Toi, va te faire enculer ! » Je ne regrette pas d’avoir quitté le club, car je devais partir dans tous les cas, je n’avais qu’un an de contrat. Si quelqu’un me dit d’aller me faire enculer, je me dois de répondre à cette personne.
Puis tu pars pour à Alania, en Russie. Comment tu es arrivé là-bas ?Ça faisait six mois que je ne jouais pas, après Everton. J’étais à Rotterdam, avec ma famille, et il y avait ce mec russe qui est venu me voir. Il m’a parlé de ce club. « Pourquoi pas, on va voir. » J’avais stoppé la collaboration avec mon agent et je suis devenu mon propre agent. Tout est différent quand c’est toi qui parles business…
Beaucoup de joueurs ne font pas forcément attention à leur business…
Et c’est pourquoi ils se font baiser ! J’ai été beaucoup déçu par les agents ou bien par les gens qui gravitent autour des footballeurs. Vraiment, beaucoup ! Je ne m’en soucie plus, aujourd’hui, je suis occupé avec une autre vie… En Russie, donc, j’habitais à Moscou pendant trois jours, et derrière on allait à Alania. À chaque fois que j’ai changé de ville, j’essayais de m’adapter à la culture. À Alania, question vie de famille, j’étais tout seul, et c’était très dur. J’étais dans un appartement avec ma tante et une dame qui s’occupait de nous. Le football russe, c’était autre chose aussi. Il y avait des endroits où il faisait très froid et d’autres où il faisait très chaud, mais c’était une bonne expérience.
Après, tu as fait pas mal de clubs, en Turquie, à Reading, Sheffield… Avant de revenir à Rotterdam en 2018 et de stopper ta carrière à 29 ans. Tu disais que tu arrêtais pour quelque chose de « nouveau » dans ta vie. Comme quoi ? Je cherchais une vie normale. Je devais savoir ce qu’était une vie normale et pendant deux ans, j’ai vu ce que c’était. Je devais fréquenter des gens qui travaillaient normalement. C’est con, mais même emmener les enfants à l’école, je devais faire ce genre de choses.
Est-ce qu’on peut dire que tu étais en dépression ?
Tu dois prendre conscience toi-même qu’il faut se sortir de ce genre de problèmes. Quand tu sens que ça va moins bien ou pas du tout, tu dois te lever, tu es un homme, tu n’es plus un enfant. Lève-toi, frère et sois quelqu’un de grand ! Personnellement, je me parlais beaucoup à moi-même. Tout le temps. Quand il n’y a plus de chance d’un côté, il y en a toujours une autre de l’autre. Il faut être un homme, ne réagis pas comme une mauviette !
Raconte-nous un peu ta passion pour la mode ? J’aime la mode, mais je pense que tout le monde se crée son propre style. J’aime les beaux vêtements, mais ce n’est pas ma priorité. Je pense que c’est important, quand tu sors de chez toi, de te sentir à l’aise. Quand tu te prépares bien, que tu te fais propre, forcément tu te sens mieux dans ta peau. À Rotterdam, on a un bon style ! Les gens savent s’apprêter !
Tu as sorti quelques sons. La musique, tu as envie d’en faire une carrière ?
Ce n’est pas ma priorité aujourd’hui. Je suis occupé avec des choses bien plus grosses et sérieuses. J’ai des plus gros plans, mais je ne peux pas en dire beaucoup plus pour le moment. Je vais commencer un peu d’acting prochainement. J’ai toujours voulu faire quelque chose à la télé ou en tant que comédien. Je vais jouer dans une grosse série, ici, en Hollande. J’ai passé les castings, j’ai un gros rôle dedans. C’est une sorte de Top Boy, mais en Hollande. Peut-être qu’on pourrait en discuter une prochaine fois. En tout cas, ouvrez les yeux et vous pourrez voir des nouvelles choses. Et surtout, un nouveau Royston Drenthe !
Propos recueillis par Cherif Ghemmour et Gad Messika, à Rotterdam.