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Roy Andersson : « Le seul ami de Zlatan étant gamin, c’était le football »

Propos recueillis par Matthieu Rostac
Roy Andersson : « Le seul ami de Zlatan étant gamin, c’était le football »

Roy Andersson, c'est ce réalisateur suédois bonhomme qui prend son temps pour filmer la vacuité des choses de la vie en plan-séquence. C'est aussi un fan du BK Käcken, le deuxième club de Göteborg, capable de parler de l'artiste Zinedine Zidane, du distingué Michael Laudrup et de l'ennuyeux Henrik Larsson. Interview à l'occasion de la sortie de son film Un Pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence, Lion d'or à la dernière Mostra de Venise.

Vous aviez quinze ans lorsque la Suède a atteint la finale de « son » Mondial en 1958. Quels souvenirs en gardez-vous ?

À l’époque, la Suède se projetait énormément dans le futur, il y avait une vraie foi en l’avenir. Nous étions en train de construire ce que l’on appelait la « société du bien-être » . Et la Coupe du monde faisait partie de ce processus. On n’avait pas la télévision à l’époque, donc tout passait par la radio. Si je ne dis pas de bêtises, la Suède ouvre le score en finale, mais finit par perdre face à ces fantastiques Brésiliens : Garrincha, Pelé, etc. J’étais fasciné par leur incroyable technique. On ne les voyait jamais jouer à part à la Coupe du monde, donc c’était d’autant plus impressionnant.

Autre grande période de la Suède : la Coupe du monde 1994…

C’était fabuleux ! Défaits par le Brésil, une nouvelle fois. Mais en demi-finale. Tomas Brolin, quel joueur… Il avait une technique incroyable, chose assez rare à l’époque pour être soulignée. L’équipe de Suède avait toujours été douée collectivement, mais là, c’était véritablement la première fois qu’on avait un excellent individualiste. Il était très intelligent et pouvait transformer un match sur une action. Il tient un restaurant à Stockholm maintenant. Mais je crois qu’il aime un peu trop l’alcool (rires). Moi aussi, j’aime un peu trop l’alcool, surtout le vin rouge français (rires).

En matière de technique, Henrik Larsson n’était pas mal non plus dans cette équipe, non ?

C’est vrai. Maintenant, il est entraîneur de Helsingborgs après avoir gravi les échelons un à un depuis plusieurs années. Je pense qu’il va faire un très bon travail à l’avenir. On ne sait jamais, mais pas sûr qu’il finisse sélectionneur national pour autant parce que c’est quelqu’un de très timide, de trop gentil, avec une petite voix. Ça me rappelle une anecdote. Rod Stewart est un grand fan du Celtic, pas vrai ? À l’époque où Larsson jouait là-bas, Stewart a fait en sorte d’organiser un rendez-vous pour le rencontrer et quand il est sorti, il a dit : « Wow, Henrik Larsson est la personne la plus ennuyeuse que j’ai jamais rencontrée ! » (rires)

Encore aujourd’hui, vous suivez le football ?

Oui, absolument. Surtout parce qu’on a Zlatan Ibrahimović qui joue au Paris Saint-Germain. On entend et on lit beaucoup à son sujet ici, évidemment. J’ai beaucoup de sympathie pour lui parce qu’il a grandi dans un quartier très pauvre de Malmö et qu’il a forcément vécu des moments difficiles. Mais il avait toujours ce ballon avec lui, avec lequel il s’entraînait sans cesse, travaillait ses gestes techniques. Son seul ami étant gamin, c’était le football. Ça lui a permis de devenir le virtuose qu’il est maintenant. Ceci étant, Zidane est meilleur. Zidane, son tempo était si lent qu’on avait l’impression qu’il marchait sur le terrain. Mais il avait cette façon de se mouvoir qui faisait qu’il pouvait gruger n’importe quel joueur. Tellement élégant… De l’art !

Selon vous, le football peut être un art ?

Tout à fait. De nombreux sports, notamment les sports collectifs et donc le football, partagent des similitudes avec les échecs. C’est fantastique. Il y a de nombreuses années de ça, l’entraîneur de l’équipe de hockey sur glace d’URSS Anatoli Tarasov « forçait » ses joueurs à jouer aux échecs le soir plutôt que de lire des romans de gare pour les obliger à penser le jeu de cette façon. Mais bon, les joueurs de football n’aiment pas trop l’élévation d’esprit en général. Et je les comprends : ils s’entraînent comme des forcenés toute la semaine, donc quand ils rentrent à la maison, ils n’ont pas la force d’aller chercher la culture. Sans parler du fait que la majorité d’entre eux ne sont pas issus de milieux intellectuels. Néanmoins, si nombre d’entre eux n’ont pas un niveau d’instruction très élevé, ils restent capables d’une certaine intelligence : celle du jeu.

Pour revenir à Ibrahimović, la presse suédoise a déclaré récemment qu’il pourrait embrasser une carrière d’acteur une fois les crampons raccrochés. Vous y croyez, vous ?

(rires) Ça ne me paraît pas impossible pour lui de faire carrière dans ce milieu. À bien y regarder, il est déjà acteur ! S’il y croit, il devrait se lancer à fond là-dedans. En plus, il est tellement riche qu’il pourrait financer ses propres films. En revanche, je ne le vois pas faire des films intello. Vraiment pas. Plus dans des polars, des thrillers, des films de gangsters. Ou dans des films de kung fu vu qu’il a un niveau plutôt élevé en arts martiaux. Mais il est peut-être trop grand pour ça !
Robben, regardez ce mec utiliser l’espace… Il est capable de trouver des issues minuscules très rapidement. Comme une petite souris.

Chez nous, Ibrahimović a cette image de mec arrogant, égoïste. C’est mérité, selon vous ?

Non, je pense que c’est absolument faux. C’est quelqu’un de profondément gentil et de responsable. Ici, il s’investit énormément dans le football pour les jeunes, notamment du côté de Malmö. Il leur apporte une soutien moral et financier. C’est un modèle de réussite pour eux. S’il a l’image dont vous parlez, c’est parce qu’il a grandi avec une pointe d’amertume, dans un environnement hostile. Les gens peuvent être jaloux, agressifs envers lui parce qu’il est très bon. Il a besoin de cette fierté pour se protéger.

Vous aimez ce genre de joueurs, forts en gueule et en caractère ?

Disons que je préfère les joueurs qui ont un rapport particulier à leur corps et au mouvement. On a parlé de Zidane, Ibrahimović est un peu comme ça aussi, mais il y en a un autre qui m’a marqué : le Danois Michael Laudrup. Il était tellement distingué, avec cette facilité d’exécution. Je sais qu’en tant que Suédois, flatter un Danois peut paraître bizarre, mais je ne suis pas patriote et quand on parle de talent pur, je sais faire preuve d’universalité. Par exemple, j’adorais Marco van Basten et, maintenant, je suis fasciné par cet autre Néerlandais : Arjen Robben du Bayern Munich. Non, mais regardez ce mec ! La façon dont il utilise l’espace… Il est capable de trouver des issues minuscules très rapidement. Comme une petite souris.

Si vous n’êtes pas patriote, que pensez-vous du fait de supporter une équipe ?

Je n’aime pas ces querelles de clocher et la violence qui peut en découler. Je sais que ça fait souvent partie du sport et de la vie en général, mais quand ça devient sérieux, quand je vois que certains fans meurent pour le foot comme en Amérique du Sud, c’est trop. J’ai bien une équipe préférée en Suède, le BK Häcken – que je supporte parce que c’est le club des classes populaires, en opposition à l’IFK Göteborg, le club de la petite bourgeoisie – mais je peux aussi apprécier l’adversaire quand il est bon. Il y a une maxime que l’on retrouve dans tous les sports : « Que le meilleur gagne » . Ça devrait toujours être le cas dans le football.

Vous avez une façon de filmer très particulière, dans laquelle le temps et l’espace sont fondamentaux. C’est également le cas pour le football. Comment filmeriez-vous le football si on vous le demandait ?

C’est une question extrêmement difficile que vous me posez, là. Si possible, le mieux serait de filmer d’un angle où l’on pourrait observer la position de tous les joueurs sur le terrain. Pour saisir la capacité des équipes à maîtriser l’espace. Ça demande beaucoup d’intelligence de savoir juger l’espace sur un terrain. Je trouve qu’il y a beaucoup trop de gros plans dans la réalisation de football aujourd’hui. En se concentrant sur l’individuel, on perd l’aspect stratégique du jeu. Ce qui ne m’empêchait pas d’être content de voir Zidane en gros plan lors de ses gestes techniques. Si je devais filmer le football, je pense que je filmerais avant tout la préparation ou la progression d’un joueur, de l’enfance à l’âge adulte. La partie sociale de cette progression, la façon dont il se construit pour y arriver.

Récemment, vous avez déclaré : « Beaucoup de choses me font rire dans la vie de tous les jours » . Qu’est-ce qui vous fait rire dans le football ?

Quand Maradona fait sa course rageuse en traversant la moitié du terrain face à l’Angleterre en 1986. Il passe, je crois, cinq joueurs, et pas les plus mauvais. Sa rapidité et sa facilité corporelle rendent la situation tellement facile que ça en devient drôle (rires). On aurait dit des gamins en train de se faire balader par Maradona ! Pareil lorsque l’Angleterre de Sven-Göran Eriksson se prend un lob de 40 mètres par Ronaldinho sur coup franc à la Coupe du monde 2002. La balle monte, monte, monte… Et retombe au dernier moment dans l’espace minuscule que le gardien anglais ne peut combler. C’est vraiment fait tout en douceur et on voit bien que le gardien ne peut pas prévoir la chute. Très agaçant pour l’Angleterre, donc très drôle.

Et un joueur qui plonge, ça ne vous fait pas rire ?

Ça, c’est la plaie de ce sport. Les joueurs qui se comportent comme des acteurs, je crois que c’est ce qui m’agace le plus dans le football.
Au PSG, une attaque aux dents encore trop courtes ?

Propos recueillis par Matthieu Rostac

À voir : Un Pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence de Roy Andersson (sortie en salles le 29 avril)

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