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Rover : « Eric Cantona est un romantique »
Anelka, Cantona, la Lune, les pyramides, Notre-Dame de Paris. Quand Rover parle de football, les images fusent. Panorama.
Quel regard portes-tu sur le football ?D’un œil artistique, je trouve fascinant que ce sport soit devenu, au même titre que la langue anglaise, une culture internationale. C’est comme la magie portée par un groupe de musique très populaire, qui peut voir ses refrains chantés partout dans le monde. J’ai le souvenir d’avoir vu un match avec l’Argentine de Maradona, lorsqu’il jouait encore. Je voyais la passion autour de moi, et j’étais fasciné d’observer qu’un match qui se passait sur un autre continent était diffusé à la télévision dans un petit village du sud de la France.
Ce genre de match, c’est comme…C’est comme jouer devant 40 000 personnes aux Vieilles Charrues, de voir des chansons nées dans une chambre de bonne se retrouver exposées comme ça, mises à nue. C’est comme voir les pyramides en Égypte, ou être au pied de Notre-Dame de Paris : réunir 80 00 personnes pour jouer au ballon, c’est aussi énorme, à la fois osé artistiquement, festif et presque un peu ridicule. J’aime bien ces paradoxes. Par ailleurs, d’un point de vue économique, je dirais que ce sport a explosé tous les autres.
A quel niveau ?Au niveau des salaires. Certains pensent qu’ils sont exorbitants, démesurés, puis d’autres disent que la carrière d’un joueur est très courte, que c’est mérité, que ce sont des gens qui donnent leur corps pour un sport, qu’il y a là un gros facteur de risque et que le talent se monnaye.
Quel est ton point de vue ?Je suis un peu choqué par l’habillage qu’il y a autour. J’aimerais qu’un type qui gagne 500 000 euros par mois l’assume avec plus d’élégance. Non pas plus de dandysme, mais d’élégance. Dès qu’on donne beaucoup d’argent à quelqu’un qui, peut-être, n’en a pas eu dans sa vie, plus jeune, tout cet argent est vite étalé. En même temps, ne ferait-on pas tous ça ?
L’argent, c’est le problème selon toi?Je pense qu’il nous touche tous, à un degré différent. L’argent, c’est le diable ! Ça s’introduit dans nos vies, dans nos couples, dans nos familles, c’est le facteur numéro un des conflits, qu’on soit une famille aisée ou modeste. Certains joueurs sont pudiques et le cachent, certains sont plus bling-bling. Tout est une question de life style. Moi, j’aime le côté rock’n’roll de mecs comme Cantona ou Anelka, ces voyous sauvages. Même si eux aussi ont été pris dans cette manne financière, tellement énorme !
Cantona aujourd’hui est-il vraiment le nouvel Abbé Pierre ?A l’époque, déjà, on avait le sentiment que Cantona souffrait plus qu’autre chose d’être pris dans cet engrenage financier. Qu’il avait envie de dire « Fuck » à tout le monde. Avec son col relevé et cette attitude. Pour moi, Cantona est un romantique.
Tu parles d’Anelka, comment perçois-tu l’équipe de France ?Un peu gêné par ce qu’il s’est passé lors de la Coupe du monde 2010. Après, il est difficile de gérer une équipe de foot. Sur ce point, c’est un peu comme un groupe de rock, même si un groupe de rock essaie de se préserver un peu plus. Globalement, je suis toujours un peu déçu de voir le genre humain ressortir comme ça, comme en 2010, publiquement, et tellement médiatisé, tellement exposé, que tu vois les travers de chacun.
Pour les Bleus, l’héritage de 98 est-il trop lourd ?C’est possible. C’est comme arriver après les Beatles, il y a le poids de l’histoire. C’est comme jouer dans des grandes salles à Paris, à l’Olympia ou dans la salle Pleyel : tu vois les photos de Brel et de plein d’autres grands noms, tu as le poids de l’histoire sur ton dos. Pour 98, en plus, ce n’est pas vieux…
Un groupe qui te ramène au foot ?Il faudrait un groupe qui soit un peu bling-bling et fédérateur : je dirais Oasis. Aller voir un concert ou un match, c’est la même démarche. Je pense qu’on cherche tous à stopper le temps, à oublier un peu notre quotidien. Dans un concert, il y a un début et une fin, des codes, des structures. Si tu es de bon poil, tu feras un gros concert, bien rock, si tu es de mauvais poil, tu seras plus romantique. C’est la même chose sur un terrain.
Pour toi, il y a la scène. Pour eux, la pelouse ?Le concept même du stade est génial ! C’est comme aller sur la Lune, ce projet d’aller sur un bout de caillou qui flotte autour de la Terre, c’est à la fois inutile et génial. Réunir tant de gens qui regardent la même chose, mais chacun avec un point de vue différent, c’est grisant. J’aime bien les extrêmes dans ce sens-là. Il y a le témoignage, aussi, qui est essentiel. Être témoin d’un match mythique, d’une partie qui part en vrille ou d’un dribble magique : c’est ça qui est beau.
Aqualast, le meilleur clip de Rover, réalisé par SO FILMS
Rover, album disponible (Cinq7/Wagram Music)
En concert le 3 juillet à la Cité de la musique
Propos recueillis par Romain Lejeune