- C1
- 8es
- Manchester United-Paris Saint-Germain
Rouge, rouge, rouge
Et si l’anniversaire de Neymar n’était pas qu’un événement tapageur organisé dans les quartiers chics de Paris ? Blessé, le Brésilien n’aura pas l’occasion d’affronter les Red Devils et leur maillot diabolique mardi prochain en 8es de finale aller de Ligue des champions. Mais sa fameuse Nuit rouge avait des airs de message subliminal adressé à ses coéquipiers. Quatre jours après la teuf et autant avant le match, il est temps d’analyser le concept et d'annoncer la couleur. Sans surprise, elle est rouge.
Tout bon Parisien le sait : dans la capitale, la fête rime avec le bleu. En tout cas, si l’on a juré allégeance à Michou, le roi de la nuit dans la Ville Lumière. Depuis cette fameuse « rencontre importante un jour où [il] portai[t] du bleu » , l’homme qui avoue avoir une « passion pour les Schtroumpfs » a fait de la couleur du ciel dégagé le symbole de la joie de vivre et des teufs réussies. Sauf que le lundi 4 février 2019, au Pavillon Gabriel, Neymar Junior décide de s’affranchir de cette règle non écrite. Pour son 27e anniversaire, la nuit sera rouge, couleur de la gauche par excellence, dans un cadre qui tranche pourtant radicalement avec l’ambiance de la Fête de l’Huma. Peut-on parler – pour reprendre une expression à la mode – d’appropriation culturelle ? « Non, au contraire ! » , tonne Ian Brossat, porte-parole du Parti communiste français, dont il sera tête de liste aux prochaines élections européennes. « Les communistes n’ont pas de copyright sur la couleur rouge, ce n’est pas dans notre culture. Je n’aime pas le rouge sectaire. Et c’est plutôt bon signe que les gens ne fuient pas cette couleur. Tant mieux si elle parvient à rassembler, je préfère encore la nuit rouge à la nuit blanche ! » , reprend-il en riant.
Les invités, eux, ont joué le jeu et sorti leur plus belle pièce écarlate, cramoisie, vermillon, carmin ou encore rubiconde. Un petit pull pour ces messieurs, quand d’aucuns, à l’image de l’homme de la soirée lui-même, n’hésitent carrément pas à sortir le costard complet. Pour ces dames, une robe fait souvent l’affaire, bien que certaines choisissent en complément le détail qui tue : une paire de souliers griffée d’une semelle rouge reconnaissable entre mille. Une manière de suggérer aux joueurs du PSG d’écraser Manchester United mardi prochain en huitième de finale de Ligue des champions ? « Malheureusement, suivant notre politique de communication, la seule personne habilitée à prendre la parole au sein de la maison est M. Christian Louboutin lui-même » , nous répond-on du côté de la marque en question. Problème, l’homme « est actuellement en déplacement, et ce pour les prochaines semaines à venir, et est difficilement joignable. » Pour avoir la vraie réponse, c’est raté. Mais qu’importe, nombreux sont celles et ceux qui ont leur mot à dire sur la couleur rouge. Et permettent de mettre en évidence que le thème de l’anniversaire de Neymar n’avait rien d’un hasard.
Lutter pour la suprématie du terrain
Ce déplacement à Old Trafford n’aura en effet rien d’une promenade de santé pour le PSG. Au contraire, les hommes de Thomas Tuchel doivent s’attendre à un Theater of Dreams des grands soirs, chauffé à blanc et avec des Red Devils bouillonnants en face. Et quoi de mieux pour motiver les partenaires de Neymar à porter l’estocade que de les chauffer à blanc avec du rouge à gogo. Pourtant, à en croire Laurent Deloye, président du collectif Corrida France, la méthode du Brésilien s’appuie sur un vieux cliché on ne peut plus invalidé : « Ce célèbre tissu rouge utilisé par le matador dans l’arène s’appelle la muleta. Mais la couleur rouge n’a aucune incidence sur le taureau ! il ne charge pas à cause du rouge, mais du mouvement de la muleta. Il me semble d’ailleurs que les taureaux n’ont pas la même perception des couleurs que la nôtre. Des animalistes avaient un jour tenté de faire toréer le matador avec une muleta rose à pois vert je crois et le taureau avait tout de même chargé » , explique-t-il, avant d’ajouter qu’au-delà de la corrélation entre ladite couleur et le combat, le choix de la teinte en question relève avant tout d’un aspect pratique : « La muleta va être tachée de sang et ne peut pas être lavée à la machine comme n’importe quel vêtement. Il va donc falloir la brosser pour enlever les taches et c’est plus facile sur un tissu rouge plutôt que jaune. »
En revanche, l’amalgame entre le taureau et les joueurs du PSG voulu par Neymar n’est pas complètement dénué de sens. « Le taureau de combat est la seule espèce qui ne charge pas pour manger, mais pour défendre sa suprématie sur son terrain » , reprend Laurent Deloye. « À partir du moment où il considère qu’un terrain est à lui, il va charger contre tout ce qui bouge pour faire valoir sa suprématie dessus. » Difficile de faire plus clair ! Quant à la fameuse muleta, elle s’utilise dans le dernier tiers du combat, celui où l’homme et l’animal sont au plus près l’un de l’autre. « Après dix minutes, le torero reçoit un premier avis, puis un second au bout de quatorze. S’il ne l’a pas estoqué entre-temps, le taureau sort de l’arène, ce qui est très infamant pour le matador » , conclut-il. En revanche, il y a un autre Matador qui pourrait se satisfaire d’une telle situation : Edinson Cavani. Contrairement à Dani Alves et Marquinhos, l’Uruguayen n’est pas né sous le signe du Taureau, mais il aura pour mission de mettre à mort le seul matador à ne pas être vêtu de rouge le soir S : David de Gea.
Pour ne pas finir dans le rouge
L’autre difficulté qui se dressera dans l’arène, c’est le public qui, contrairement aux statistiques, n’aura d’yeux que pour les tuniques mancuniennes. « Les communicants disent souvent que le bleu est la couleur préférée des gens et qu’ils ont tendance à ranger le rouge au vestiaire » , glisse Ian Brossat. « Moi, je reste très attaché au rouge, que je vois comme une couleur de ralliement, qui bouscule l’ordre établi. » Les Parisiens sont donc prévenus : comme en politique française, les bleus débarquent avec l’ascendant sur les rouges, la pression repose donc sur leurs épaules.
Et pour mener les troupes au pas, il faut un chef, capable de canaliser les forces en présence. Surtout dans un match entre deux clubs richissimes, où le risque est grand de finir… dans le rouge. « Chez nous, cette couleur a une connotation négative puisqu’elle rime avec le risque » , explique Céline, conseillère financière à la Banque postale pendant dix-sept ans. « Et ce n’est pas une question de petit ou de gros salaire. Il y a des gens qui ont de gros salaires et qui dépensent parfois la totalité de ce qu’ils gagnent » , tempête-t-elle. Une situation qu’elle juge d’ailleurs « possible, mais intolérable » dans le cas d’un footballeur professionnel au plus haut niveau. « S’ils ne sont pas bien conseillés, ils peuvent claquer des fortunes en très peu de temps. »
D’où la nécessité d’avoir le conseil (financier) adéquat afin d’être aiguillé sur les bons rails. « Le conseiller financier a un rôle éducatif, c’est même là son rôle essentiel à tous les niveaux pour maintenir ses clients aussi éloignés que possible de cette fameuse couleur rouge, analyse Céline. La principale difficulté qu’on a avec les gens qui gagnent une grosse fortune, c’est de leur apprendre à la gérer, surtout quand on est face au cas d’une profession éphémère comme celle de footballeur. J’y vois un parallèle avec les gens qui gagnent au Loto et qui en perdent leurs repères quand ils se retrouvent avec de l’opulence à foison. » Le signal est donc clair pour Thomas Tuchel, dont le rôle sera essentiel une fois de plus. Cette fois-ci, pas question d’être envoyé en tribune comme face à Villefranche en Coupe de France, il y aura 90 minutes à gérer de façon optimale pour ne pas se laisser submerger par ce match au sommet. En tout cas, le message envoyé par Neymar lors de son anniversaire prend désormais tout son sens. Reste pour ses coéquipiers de lui montrer qu’il est bien passé, mardi prochain sur la pelouse d’Old Trafford.
Par Julien Duez
Propos recueillis par JD, sauf ceux de Michou tirés du Parisien et d’Artisitk Rezo.