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Rooney et le fantôme de Paul Scholes
Avec les blessures de Daley Blind, Ander Herrera, Marouane Fellaini et Ángel Di María, Wayne a dû reculer au milieu de terrain. Le rôle d'un autre rouquin légendaire qu'on lui promet depuis longtemps. Sauf que l'heure n'est peut-être pas encore arrivée.
« Je ne pense pas que Wayne sera capable de jouer attaquant de pointe jusqu’à ses 34 ou 35 ans. Mais il pourrait jouer milieu central, potentiellement, jusqu’à cet âge-là. Il a toutes les capacités pour reprendre mon ancien poste à Manchester United. » La prédiction est signée Paul Scholes, et date de mai dernier, une époque où on se demandait si les beaux jours de Rooney était derrière lui. Aujourd’hui, sous la houlette de Louis van Gaal, elle semble se réaliser. À cause de l’avalanche de blessures qui touche le milieu des Red Devils, Rooney a débuté les quatre derniers matchs plus ou moins entre le numéro 6 (Fellaini puis Carrick) et le véritable numéro 10 qu’est Mata. Contre Newcastle lors du Boxing Day, il a livré sa performance la plus aboutie, réussissant 90,2% de ses passes, et surtout 85,7% dans la moitié de terrain adverse, illustrant les dommages qu’il pouvait causer avec cette passe magnifique à destination de Van Persie pour le troisième but. Les deux premiers, il s’était contenté de les mettre lui-même. C’était Rooney dans toute sa splendeur. Un match qui a évidemment plu à LVG : « Il a les poumons pour courir pendant 90 minutes en tant que milieu. C’est pourquoi je l’utilise aussi en tant que milieu. Je peux aussi l’utiliser en tant que buteur. En ce moment pour l’équipe, c’est mieux qu’il joue au milieu » .
Roux né milieu ?
Rooney lui-même était plutôt content de lui. « C’est un rôle que j’ai occupé à maintes reprises et que je sais que je peux occuper, a-t-il ainsi expliqué après la rencontre. Le coach m’a donné carte blanche pour aller devant, dans la boîte à partir de cette position. Comme Paul (Scholes) l’a fait à de nombreuses reprises dans sa carrière, je pouvais voir la balle quand elle était sur un côté, voir l’espace et m’y projeter – j’ai fait cela aujourd’hui avec mes deux buts. » Bien sûr, Van Gaal n’est pas le premier à faire reculer Rooney. Vers la fin de son règne, Sir Alex avait d’ailleurs déclaré que Rooney avait « toutes les qualités nécessaires pour être un milieu de terrain central » .
Il l’avait d’ailleurs repositionné dès l’automne 2011. Après la victoire 2-0 en poule de Ligue des champions acquise aux dépens d’Otelul Galati, l’Écossais avait salué son « excellente vision du jeu » dans ce rôle reculé, qu’il avait déjà occupé au match précédent contre Everton. Mais le propre des rêves et des prophéties, c’est ne pas toujours se réaliser. Face à Tottenham dimanche, Rooney n’a pas eu le même impact que contre Newcastle, muselé par un bon Stambouli, alors qu’United aurait bien eu besoin de son explosivité devant. Comment se comporterait-il face à une opposition niveau Champions League, avec un Matić dans les pattes par exemple ? De fait, Van Gaal aurait peut-être dû le remettre devant, lorsque Falcao était cramé et que les trois points tendaient les bras à Manchester.
D’un roux à l’autre
Il y a aussi quelque chose de particulier dans la façon dont LVG transforme Rooney en milieu à tout faire, comme il l’avait fait avec Schweinsteiger au Bayern. Alors que la rupture entre l’Anglais et Ferguson, qui avait d’ailleurs failli le pousser à rejoindre Chelsea, avait été déclenchée par sa frustration d’être régulièrement aligné en tant que milieu, le Néerlandais semble parvenir à faire accepter cette idée à son capitaine. Peut-être parce qu’il sait que tout cela n’est jamais que temporaire. Si Rooney est souvent comparé à Scholes, parfois même par ces deux protagonistes, c’est majoritairement à cause de leur capacité commune à balancer des diagonales de 50 mètres.
Mais si Scholes possédait la présence et le calme pour contrôler les matchs au plus haut niveau, Rooney n’en est pas – encore ? – capable. Il a peut-être certaines des qualités qui ont fait de son aîné l’un des meilleurs milieux de terrain de sa génération, mais Rooney demeure fondamentalement un attaquant, même quand il joue au milieu. Il l’a d’ailleurs dit lui-même dans son livre, My Decade in the Premier League : « Je préfère lorsque je joue devant, parce que je peux faire encore beaucoup de dégâts, mais les sacrifices ne me dérangent pas » . Rooney a déjà prouvé qu’il était prêt à tous les sacrifices pour son équipe. N’oublions pas qu’un sacrifice est rarement agréable.
Par Charles Alf Lafon