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Ronaldo/Messi : je te hais, moi non plus
Avec l'inévitable Ballon d'or dans un coin de la tête, le Portugais et l'Argentin se retrouvent ce mardi à Old Trafford pour un match amical. Amis, Ronaldo et Messi ne le sont pas vraiment pas. Et si le second joue les indifférents, le premier a lui beaucoup plus du mal à cacher ses sentiments.
« On nous compare tout le temps, c’est fatigant. On ne compare pas une Ferrari avec une
Porsche, car ce n’est pas du tout le même moteur. » Il peut être riche, beau, adulé et se promener avecIrina Shayk à son bras, Cristiano Ronaldo n’en reste pas moins un homme avec ses doutes, ses faiblesses et parfois gagné par l’envie. Dans la tradition chrétienne, le septième des péchés capitaux chers à Saint-Augustin consiste à amoindrir la gloire d’autrui. Soit l’on y réussit et l’on jubile, soit l’on échoue et l’on est déçu de voir la réussite de l’autre. Le Portugais jalouse-t-il son rival argentin, ses quatre Ballons d’or, ses records et l’absence d’effort apparents qui semble aller de pair avec cette réussite ?
Derrière ses airs de diva, le Portugais est un laborieux qui ne s’ignore pas. Il a sué, travaillé, soulevé plus de fonte que les autres pour obtenir ce qu’il pense être sa récompense, sa place au sommet de la hiérarchie de sa profession. Et l’idée de partager ou, pire encore, de céder cette place à un ado attardé qui donne toujours l’impression (et pas que l’impression) de sortir de sa sieste, l’irrite. Jorge Valdano a résumé la chose ainsi. « Messi doit beaucoup plus à son père et à sa mère que Cristiano. Cristiano progresse chaque saison. Parce qu’il prétend à être le meilleur et travaille dans ce but. Il a un égo constructif. » Mais un égo à vif et qui ne supporte pas l’idée de vivre dans la comparaison permanente avec un de ses contemporains.
Le « nain » ou le « fils de pute »
Messi est même devenu une kryptonite qu’on agite, plus pour énerver que vraiment affaiblir un joueur au corps de superhéros, mais au cœur bien humain. En septembre 2011, il est reçu à Nicosie avant un match avec le Portugal au son de « Messi ! Messi ! » par les supporters chypriotes. Il aurait pu laisser couler, esquisser un sourire hypocrite, mais il n’a pu s’empêcher de répondre. Quitte à dégoupiller et embrasser le ridicule. « Ceux qui chantent ça sont anormaux. » Aveuglé par la rivalité, CR7 finit par en devenir obsessionnel. Quand il remporte le Soulier d’or en 2010 consacrant le meilleur buteur européen de la saison, il ne peut pas s’empêcher de penser à l’autre. « Le Ballon d’or, ce sont des voix. Mais ce prix-là ne dépend de personne. » Comme si, dans le fond, il pensait qu’une conjuration mondiale privilégiait son adversaire.
Ronaldo n’a jamais aimé Messi. Il ne prononce jamais son nom en privé et quand il l’évoque, il parle de lui comme du « nain » . En public, il a appris depuis quelque temps à tourner sept fois la langue dans sa bouche pour une question d’image. Donc officiellement, CR7 respecte le Barcelonais. Alors quand un biographe de l’Argentin avance que l’attaquant du Real le traite de « mother fucker » dans l’intimité du vestiaire, Ronaldo réplique tout de suite. « C’est absolument faux et j’ai demandé à mes avocats de poursuivre ceux qui en sont responsables. J’ai le plus grand respect pour mes collègues, et Messi ne fait pas exception. » Il y a peut-être de la sincérité dans cette indignation, mais on ne peut pas s’empêcher de discerner aussi la crainte des dégâts causés à son image dans la dernière ligne droite des votes pour le Ballon d’or. Sa quête, son obsession, son précieux.
Messi l’indifférent
Et qu’en pense Lionel Messi ? Personne ne le sait vraiment, comme pour tout le reste d’ailleurs. Le gamin de Rosario donne l’impression de se désintéresser de ce combat. « Je ne suis pas en compétition avec Cristiano. Les récompenses individuelles sont celles qui m’importent le moins » , assure-t-il comme une évidence. C’est peut-être cette indifférence qui doit rendre fou Ronaldo. Quand lui réclame un duel, Messi l’esquive. Pense-t-il sans avoir la force ou l’envie de le clamer sur les toits que son talent naturel le place au-dessus ? Ce n’est pas ce Portugal – Argentine qui risque de changer le sens d’une rivalité à sens unique en apparence. Il faut être deux pour s’aimer, il faut l’être également pour se détester.
Par Alexandre Pedro