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Ronaldo le Marocain
Portugal et Maroc vont s'affronter en début d'après-midi. Un choc qui s'annonce fortement déséquilibré, ne serait-ce que par la présence de Cristiano Ronaldo, atteint par la grâce. Ce dernier aura peut-être néanmoins un petit pincement au cœur s'il doit porter l'estocade à ses adversaires du jour. Car l'attaquant du Real Madrid entretient une relation quasi passionnelle avec le royaume chérifien.
Ce fut un des posts de l’avant-Coupe du monde, qui a largement tourné sur les réseau sociaux : la maman de Christiano Ronaldo, Maria Dolores Dos Santos Aveiro, en villégiature à Marrakech. En bonne touriste qui se respecte, cette Portugaise de 63 ans a posé devant un copieux couscous du vendredi soir. Un instant culinaire immortalisé sur Instagram. « CR7 a tissé au fil du temps de nombreux liens avec le Maroc, explique Yassine Majdi, journaliste pour le magazine TelQuel. Il a lancé un store, et en 2019, l’ouverture de l’hôtel Pestana CR7 est prévue à Marrakech. Il aime cette ville et donc sa mère y vient. On le voit aussi pas mal dans les restos le soir. »
Notons-le tout de suite : Ronaldo se révèle aussi (et peut-être même d’abord) être un homme d’affaires, le fisc en sait quelque chose. La fréquence de ses déplacements au Maroc l’année dernière se justifiait par bien d’autres raisons que son seul penchant pour cette destination très prisée, à une heure et demie de la capitale espagnole, devenue un des principaux points de chute touristiques du Maghreb. Notamment auprès des stars. Ainsi, après l’inauguration du « Pestana CR7 » , sa chaîne hôtelière, à Casablanca, le footballeur développe deux projets pour l’an prochain dans la ville rouge. En particulier un « Pestana Marrakech Medina » afin de cibler une clientèle de luxe.
Amour réciproque
Mais soyons honnêtes : l’affection du Merenguepour les douceurs de la place Jemaa el-Fna ne se limite pas à un pur intérêt commercial. D’ailleurs, l’intensité des visites d’après-match en jet privé avait fini par agacer au Real, Florentino Pérez s’étant ému en interne que les « fréquents séjours de Cristiano Ronaldo au Maroc risquaient de nuire à ses performances sportives et de le discréditer » . Le président se serait également inquiété des rumeurs tendancieuses autour de l’amitié « trouble » de son joueur avec le kick-boxer Badr Hari, ce dernier étant surtout connu du monde du football pour sa relation avec Estelle Cruijff (nièce de). De fait, le combattant poing-pied représente bel et bien le pont qui relie Madère à Marrakech.
Un cercle vertueux et une passion mutuelle qui fondent, selon l’écrivain marocain Abdellah Taïa, auteur de l’ouvrage Le jour du roi , cette belle histoire entre son pays et l’avant-centre portugais. « Ronaldo est un dieu vivant chez nous. Il est très, très aimé. Et davantage depuis qu’il vient aussi souvent à Marrakech. Surtout depuis qu’il est ami avec Badr Hari. Une fameuse photo avait été publiée sur les réseaux sociaux où ils étaient tous les deux au bord de la piscine, et Hari portait dans ses bras Ronaldo. Cette image a beaucoup fait parler au Maroc, de manière attendrie ou comique, pour appuyer parfois des soupçons d’homosexualité. C’était en tout cas le symbole de sa connexion avec notre pays. Il est devenu une sorte de beau-frère pour nous. »
En réalité, tout et n’importe quoi se mélangent pour le rendre sympathique. Comme ses prises de position sur la Palestine, quand il invita par exemple le petit Ahmed Dawabcheh (enfant de cinq ans et unique rescapé de l’incendie de sa maison familiale par des extrémistes israéliens à Douma, près de Naplouse). Ou encore cette légende apocryphe qui le convertit régulièrement à l’islam, que ce soit pour les beaux yeux d’Irina Shayk ou autres pulsions spirituelles (une certaine Chaylaa Sabt, miss Bahreïn 2010, était prête a l’épouser s’il effectuait sa chahada).
Le charme lusitanien
Abdellah Taïa croit surtout que le profil de CR7 était fait pour séduire les Marocains : « Ce qui est fascinant chez lui, c’est qu’il s’avère extrêmement sophistiqué et, en même temps, très populaire sous certains côtés. Cela doit toucher les Marocains. Il garde des aspérités populaires qui plaisent et son visage enfantin. Pourtant, dès qu’il se met à jouer comme la semaine dernière contre l’Espagne, tu ne peux rêver plus raffiné. J’ai vu le plus beau match depuis longtemps, le best time of my life, c’était de la sorcellerie… »
Toutefois, Ronaldo ne partait pas de nulle part avant d’entamer cette Coupe du monde. Désormais, le cœur de Rabbat ou de Casa ne bat en effet qu’au rythme du championnat espagnol. Pas la peine d’essayer de mettre un match de Ligue 1, Neymar ou pas, dans un bar d’Essaouira. « C’est tout simplement un grand joueur, complète Yassine Majdi. Qui plus est, il évolue au Real et les Marocains sont ultras fans de la Liga. On peut ressentir la division Real/Barça a chaqueClásico. » Et le Mondial n’y changera rien. « Les Marocains, conclut Abdellah Taïa,ont de très bons joueurs, mais peu de sens tactique, c’est comme cela que les Iraniens les ont eus. Ce sera un crève-cœur de rencontrer le Portugal et de sûrement perdre, mais tout le monde s’y attend là bas. » Ronaldo ne va donc pas se gêner.
Par Nicolas Kssis-Martov