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“Ronaldinho n’a pas une gueule à séduire un top du premier coup”

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“Ronaldinho n’a pas une gueule à séduire un top du premier coup”

Jean-Pierre Duret est ingénieur du son pour le cinéma et travaille si possible avec les meilleurs, de Pialat aux Dardenne, en passant par Audiard, Chabrol, Zulawski... Avec Andrea Santana, documentariste de Fortaleza, ils viennent de terminer leur trilogie brésilienne en immersion, avec “Puisque nous sommes nés”, un documentaire authentique à la mise en scène plus fluide que la plupart des longs-métrages.

Vous vous êtes immergés pendant six mois dans la vie de gamins travaillant autour d’une station service au Brésil. Pourquoi ?

Jean-Pierre Duret : Le thème du film est : comment est-on informé de plus en plus de choses mais que les autres nous apparaissent de plus en plus étrangers et, si possible, sous des vocables génériques comme « les pauvres » ou « les exclus » ? L’idée était de connaître leurs rêves et de montrer ce qu’ils vivent, qu’on partage des choses communes, mais que leur vie n’intéresse personne. C’est le contraire d’une démarche journalistique, on essaye de rester longtemps, d’établir une confiance et de filmer ce qu’ils nous montrent d’eux-mêmes. On a réglé beaucoup de problèmes tôt en expliquant qu’on n’était pas là pour payer leurs factures d’électricité, ni pour faire des previews pour l’adoption ou pour faire des plans à orientations sexuelles. Au bout d’un moment, ils ont compris qu’on était des fous furieux venus pour faire un film.

Bon, et le futebol dans tout ça ? Un documentaire sur le Brésil sans futebol, c’est rare, non ?

Andrea Santana : C’est vrai que la seule chose qui mélange les gens, c’est le football : dès qu’il y a un ballon, à la plage, tout le monde rapplique, malgré les zones de séparation. Le côté populaire du football ne se perd pas. Dans les centres commerciaux, tu as la moitié des gens avec des maillots de football. Le football fait partie de la vie des Brésiliens, c’est la même relation au corps qu’on retrouve dans la capoeira. Ça vient de tout ce qui a fondé la culture brésilienne. La musique et les percussions permanentes, étonnamment, adoucissent les esprits. J’allais au stade à Fortaleza. Mon père refusait que j’y aille mais j’y allais avec mes amis, le transistor collé à l’oreille.

JPD : En 1998, on venait de vivre ensemble. Elle était repartie au Brésil. J’ai appelé chez elle à la mi-temps de la finale, et je suis tombé sur sa sœur. Elle m’a dit qu’Andrea refusait de me parler. Pour les Brésiliens, le truc de l’épilepsie de Ronaldo avant la finale, personne n’y croit. Pour eux, on a empoisonné Ronaldo.

Et vous n’avez pas senti la nécessité de faire apparaître le foot dans le film ?

AS : On a vu l’handicapé du village partir au stade dans le camion pour aller au match, mais en fait, on a filmé un cours à l’école où le sujet était Ronaldinho. La Fondation Ayrton Senna édite des bouquins d’école très bien faits, qui lient ce qui les intéressent à l’éducation.

JPD : Ronaldinho Gaucho a remplacé Garrincha comme icône populaire. Il fait marrer, il n’a pas une gueule à séduire un mannequin du premier coup. Garrincha est resté populaire dans toutes les classes sociales car il est resté modeste, fantasque, bon jouisseur de la vie, le tout dans un vrai dénuement, et avec des funérailles quasi-nationales. Lui, c’est le Brésil populaire. Mais cette époque de Garrincha comme “alegria do povo”, c’est fini tout ça. Les joueurs sont sur une autre planète.

Et Lula, qu’on voit lors d’un meeting dans votre film, compte-t-il sur le foot pour terminer son mandat, sa partition inachevée ?

AS : Lula est naturellement populaire et il aime vraiment le football.

JPD : C’est un mec simple, il adore faire des barbecues et les premières années de son élection, il invitait ses amis et ses ministres le dimanche après-midi et les faisait jouer au foot. Le foot joue la même fonction que la musique, ça fédère. Tout le monde connait les chansons et les noms des joueurs, chez les riches comme chez les pauvres. La musique et le foot relient le Brésil, lui donne son identité d’État, de Nation. Mais le fonctionnement de l’école au Brésil n’a malheureusement pas changé sous Lula. L’école publique laïque n’a pas d’argent et les riches envoient leurs enfants dans des écoles privées. L’Université ensuite est gratuite mais comme ce ne sont que les enfants de riches qui ont fait des études sérieuses, l’accès au savoir est impossible pour les classes populaires.

Mais le rêve d’être un jour joueur est parfois palpable…

JPD : Je pense que le rêve d’être joueur pro est de moins en moins jouable, mais eux y croient de plus en plus. Il n’y a pas de ségrégation, mais les gosses de riches ne circulent plus à pied dans les villes, hormis pour faire leur footing très tôt le matin. Là où on était, un beau ballon de foot est le cadeau qui fait vraiment le plus plaisir. Le problème, c’est de choisir le bon ballon en fonction de la végétation, celui qui résiste aux épines et aux bois très durs et denses. Sincèrement, les fabricants ne comprennent rien à la végétation quand ils fabriquent leurs ballons.

On se pose souvent la question de la mise en scène du football à la télévision mais un domaine reste totalement sous-exploité : le traitement du son…

JPD : On n’a jamais l’impression hallucinante d’enveloppe et de puissance du stade derrière sa télévision. Des progrès ont été faits, énormes, dans la mise en scène, mais le mixage avec la voix des commentateurs fait souvent perdre toute la puissance du stade. On perd énormément. Les paraboles sont très directives, donc si on suit un joueur, on va réussir à avoir le son du ballon, même s’il y a beaucoup de bruit. J’ai enregistré quelques fois dans un stade mais c’est compliqué, la puissance des spectateurs est tellement forte que la dynamique sonore de nos micros est limitée. Il faudrait des vrais mixers : de la même manière qu’on a un réalisateur de l’image, il faudrait, pour le foot, un réalisateur du son, avec plein de micros disséminés dans le stade, à plein de hauteurs différentes. Si on est loin, on peut capter cette puissance car c’est là qu’on a la réverbération. Aujourd’hui, la technique se pense en étant proche du terrain alors que l’enjeu, en termes de son, est bien plus haut dans les tribunes. Ils ont investi de manière disproportionnée dans l’image et ont délaissé le son. C’est une erreur, car il reste tellement à faire.

Jean-Pierre, vous qui avez travaillé avec Pialat, comment s’est passé le tournage du Garçu (1995) avec Rocheteau et Depardieu ? C’est Gérard Depardieu qui a présenté Rocheteau à Maurice Pialat, et Pialat a toujours aimé mélanger des non-acteurs avec des acteurs. Avec les débutants, il était extrêmement doux donc pas d’indications, ni de psychologie. Il aimait que chacun vive la scène là où il est, à son rythme. Rocheteau était étonnant, toujours très juste. Mais ce n’est pas un hasard que des joueurs comme lui sachent faire cela, car ils sont habitués à gérer des situations de stress et de tensions très fortes, à être bien centrés sur eux-mêmes au moment où il le faut. Le plus, c’est que Rocheteau avait une personnalité, il parlait très peu, mais il était capable d’improvisation parce que Depardieu improvisait beaucoup. Il était capable d’être absolument présent à la seconde où ça se passait. Il suivait parfaitement Depardieu, à sa manière, en étant silencieux et mystérieux, mais il ne s’est jamais fait piéger.

Et l’arrivée du footeux sur le tournage n’a pas suscité les sarcasmes ? Non, car sa présence était magnétique, et surtout, c’est un type vrai. On sentait bien qu’il n’y avait de sa part aucune volonté de passer pour quelqu’un d’autre.

Quelle est la voix d’acteur qui donnerait une autre dimension aux commentaires de match ?

JPD : Pas Darroussin. Peut-être Jamel, mais il parlerait sûrement de plein d’autres choses.

AS : Personne, je pense, car pour moi, la voix qui t’explique dans le détail ce que tu viens de voir enlève tout le charme du jeu. Ça me donne envie de couper la télévision…

Par Brieux Férot / photos : Tiago Santana

A voir : “Puisque nous sommes nés”, de Jean-Pierre Duret et Andrea Santana. 1h30. Produit par Muriel Meynard et Jamel Debbouze. Pierre Grise Distribution. En salles depuis le 4 février 2009.

Site : http://www.puisquenoussommesnes.com/

Salles : Cinéma MK2 Beaubourg, Cinéma MK2 Hautefeuille, Cinéma Sept Parnassiens, Cinéma Le Lincoln (Paris) , Cinéma Georges Méliès (Montreuil), Cinéma Utopia (Saint-Ouen), Cinéma CNP Terreaux (Lyon), Cinéma Le Forum (Chambéry), Cinéma Utopia (Toulouse), Cinéma Le Club (Grenoble), Cinéma Diagonal-Capitole (Montpellier), Cinema Katorza (Nantes), Cinema Lux Scène Nationale de Valence (Valence), Cinéma Café des Images (Hérouville St Clair), Cinéma Le Cesar (Marseille), Cinéma Rialto (Nice), Les 400 Coups (Angers), Cinéma Brive Art et Essai (Brive la Gaillarde)

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