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Romero, patrie pour rester
Après une Coupe du monde 2014 exceptionnelle, Sergio Romero a encore passé une saison sur le banc. Pourtant, il brille chaque fois qu'il enfile le maillot de l'Argentine. Éternelle doublure en club, le gardien est titulaire indiscutable en sélection. Décryptage d'un mystère.
Sergio Romero est une énigme. Son incroyable séance de tirs au but face au Pays-Bas en demi-finale du Mondial lui avait valu le respect de toute une nation, jadis en proie au doute chaque fois qu’il rejoignait l’Albiceleste sans avoir joué en club. Courtisé de toutes parts, le gardien originaire de la région de Misiones (au nord-est de l’Argentine), était finalement resté à la Sampdoria, sans aucune garantie d’être titulaire. Résultat, « Chiquito » (surnommé ainsi pour être le plus petit d’une fratrie de basketteurs) et ses dix matchs de championnat ont passé l’année dans l’ombre de Viviano, gardien titulaire du club de Gênes. L’arrivée de Tata Martino à la tête de l’Argentine aurait pu permettre de redistribuer les cartes. D’abord, parce que l’ancien entraîneur du FC Barcelone a installé une rotation des gardiens lors des matchs amicaux qu’il a dirigés. Aussi, car les bonnes performances de Rulli (avec la Real Sociedad) et de Gúzman (joueur de Tigres de México) ont prouvé que Romero n’était pas le seul à pouvoir défendre le but de la Selección. Confirmé par Martino avant la Copa América, Romero a encore démontré son statut d’indispensable en arrêtant le tir au but de Zúñiga, en quarts de finale contre la Colombie, vendredi dernier. Mais comment fait-il ?
Le Mondial de la confirmation
Depuis les Jeux olympiques en 2008, remporté par l’Argentine, l’ancien de l’AZ Alkmaar a toujours lutté pour conserver sa place de titulaire. À Pékin, il remplaçait Oscar Ustari, forfait pour la compétition. L’histoire de Romero avec sa patrie a toujours été compliquée. Parti de son club formateur du Racing avec cinq petits matchs disputés à son compteur, Romero a souvent été critiqué. De 2007 à 2012, il s’impose pourtant au Pays-Bas, puis à la Sampdoria. Ses performances lors de la Coupe du monde 2010 seront déjà remises en cause. Pourtant, Romero a toujours le soutien des sélectionneurs qui se succèdent. Avant la Coupe du monde au Brésil, Alejandro Sabella réitère à chaque interview la confiance qu’il accorde au gardien qui squatte alors le banc de l’AS Monaco : « Je le considère comme un excellent gardien, qui lamentablement n’a pas de continuité en club. Il répond toujours présent et me rassure » , affirmait le technicien dans les colonnes de La Nación. Une erreur face à Guingamp plus tard, et Romero recevait encore les calomnies d’un peuple habitué aux grands gardiens tels que Gatti, Fillol ou encore Goycochea.
L’homme des records
Deux arrêts lors de la séance de tirs au but d’une demi-finale de Coupe du monde plus tard, et « Chiquito » acquiert le statut de héros national, et les comparaisons avec l’illustre Goyco, spécialiste des penalties. Après le Mondial, Romero sera présenté comme le « sixième meilleur gardien du monde » par l’IFFHS (Fédération internationale de football Histoire et statistiques). Une revanche saluée par tous ses coéquipiers, et surtout par Mascherano et son célèbre « Hoy te convertís en héroe » ( « Aujourd’hui, tu deviens un héros » en VF) avant la séance face aux Hollandais. « J’ai dû me mordre la langue, me retenir de répondre. J’étais critiqué parce que je ne jouais pas, et non parce que je jouais mal » , affirmait Romero sur les ondes de la radio El Mundo.
À 28 ans, l’éternelle doublure peut se targuer d’avoir battu deux records en Argentine. D’abord, Romero a gardé sa cage inviolée lors de 486 minutes, avant d’encaisser un but d’Ibišević lors du premier match de l’Argentine au Brésil. Aussi, le 6 juin dernier, Romero est devenu le gardien ayant disputé le plus de rencontres avec l’Albiceleste, avec 59 sélections. Ces deux records étaient détenus par Ubaldo Fillol, considéré comme le meilleur gardien argentin de l’histoire. « Pato est mon père footballistique et je lui serai toujours reconnaissant, depuis mes débuts au Racing. C’est un honneur de rejoindre l’un des meilleurs gardiens du monde » , déclarait-il à l’agence argentine Télam, après une victoire (5-0) en match de préparation à la Copa América face à la Bolivie.
Programme d’entraînement quotidien
Au Chili, Romero continue d’assurer : « Je suis là pour arrêter les ballons et aider mes coéquipiers. C’est pourquoi il est important de bloquer le peu de ballons qui me parviennent » , affirmait-il en conférence de presse après une bonne performance contre l’Uruguay. La confiance de Gerardo Martino a aussi aidé Romero. En Italie, il suivait à la lettre un programme d’entraînement quotidien préparé par le staff de la sélection. « C’est un grand gardien. Il a montré qu’il savait aussi jouer avec les pieds, ce qui est très important pour moi » , déclarait l’ancien entraîneur de Newell’s. « Le coach veut que le gardien soit un joueur de plus, et toujours disponible pour le jeu » , confirme Romero, souvent critiqué pour son jeu au pied, notamment après son énorme erreur face au Paraguay, lors des éliminatoires pour la Coupe du monde 2014. À l’instar de Messi, cette Copa est l’une des plus grandes opportunités pour Romero de soulever un trophée (après les JO en 2008) avec la sélection argentine. Car la relève arrive très vite : Gerónimo Rulli (22 ans) et Augusto Batalla (19 ans) tapent à la porte de l’Albiceleste. Après la Copa, Romero pourrait rejoindre l’AS Roma. Mino Raiola, son agent, discute avec le club de la capitale italienne pour un éventuel transfert. En attendant, « Chiquito » continue de briller avec le maillot de sa patrie et amasse les louanges de la presse argentine. Romero national.
Par Ruben Curiel, à Buenos Aires