- France
- Châteauroux
Romain Grange : « La Berrichonne est quelque chose de précieux »
Alors que la Berrichonne de Châteauroux a réussi à sauver sa peau en N1 devant la DNCG à la force d'une mobilisation rare, une grosse quinzaine de ses joueurs ont été libérés fin juin, dont Romain Grange, enfant de la ville, formé au club et qui a forcément suivi de près ces dernières semaines. Interview.
Après plusieurs semaines de doutes et un passage devant la commission d’appel de la DNCG le 6 juillet, la Berrichonne de Châteauroux a finalement été maintenue en National 1. Comment as-tu vécu cette nouvelle ?
Avec tous les joueurs, on a forcément suivi de près tout ce qu’il s’est passé. J’ai pas mal lu ce qui sortait dans les journaux, sur les réseaux sociaux… Étant de Châteauroux et connaissant pas mal de monde sur Châteauroux, j’ai eu la bonne nouvelle assez rapidement. Ça a naturellement été un gros soulagement pour tout le monde, que ce soit pour les joueurs qui ont sauvé le club sur le terrain fin mai, les dirigeants, les supporters, tous les gens qui aiment ce club.
As-tu été surpris de voir le club dans cette situation ?
Depuis le mois de janvier, on sentait quelque chose, puis les journaux locaux ont vite annoncé qu’il y avait des problèmes financiers, que le club avait du mal à payer certains prestataires… Après, nous, les joueurs, on n’a pas été affectés directement. Nos salaires ont toujours été versés en temps et en heure. C’est une situation dont on a vraiment pris conscience à travers les journaux.
Il n’y a pas eu d’inquiétude entre vous, les joueurs ?
On en a forcément parlé un peu, d’autant que chaque mois, on a entendu : « Vous n’allez pas être payés… » Sauf que notre salaire a toujours été versé, donc l’inquiétude n’a pas été tout de suite très présente. Moi, j’ai forcément été plus touché parce que c’est mon club et qu’en ville, tout le monde me connaît. On me demandait des infos, je n’en avais pas, ou peu, ce qui est assez logique, parce qu’on a avant tout la tête au terrain et moins à ce qu’il se passe dans les bureaux. Je ne pense pas que ça a affecté nos résultats, mais comme je dis souvent, si ça va mal en haut, ça se ressent forcément un petit peu sur le niveau de l’équipe et ses performances.
Tu es revenu à Châteauroux lors de l’été 2019, est-ce que tu aurais pu imaginer voir le club dans cette situation quatre ans plus tard ?
Quand je suis revenu, le président était Thierry Schoen et financièrement, le club, qui était en Ligue 2, tenait la route. Après, il a souhaité vendre et les Saoudiens sont arrivés pour faire passer, je pense, le club dans une autre dimension. Malheureusement, ça ne s’est pas vraiment ressenti au niveau des résultats. L’objectif était de remonter en Ligue 2 dans les deux ans, on n’a pas réussi à le faire, et ça a logiquement eu un impact financier. L’échec des deux dernières saisons, ce n’est pas celui d’une personne, mais d’un ensemble : les joueurs, le staff technique, les dirigeants… C’est un tout.
Toi, tu as en plus assisté à tout ça de loin, avec la nouvelle rupture des ligaments croisés du genou gauche que tu as subie début mars.
Je suis né à Châteauroux, j’ai été formé à Châteauroux, j’avais forcément envie d’aider le club sur le terrain, donc ça a été assez difficile à vivre. J’étais blessé gravement, je regardais la situation se compliquer, j’entendais les bruits de couloir, mais je ne pouvais rien faire… Il a fallu y faire face, jusqu’au dernier match, face au Paris 13, qui a été très stressant. Tout l’effectif a fait le déplacement ce soir-là pour soutenir les potes. Heureusement, ils ont fait le boulot, même si ça n’a pas été simple et qu’il y a eu plusieurs émotions. On a mené 2-0 après 25 minutes de jeu, on se sentait à l’abri, puis on a eu un coup de moins bien jusqu’au 2-2, avant que Romain Basque nous sauve la peau de la tête. Ça a finalement été à l’image de la saison : très compliqué, avec des montagnes russes.
Cette peur de la relégation, tu l’as sentie en ville ?
Bien sûr. Les gens m’en parlaient, et à Châteauroux, le foot fait énormément parler. Ça reste une petite ville, avec un club qui a ouvert sa section foot il y a plus de 100 ans, donc personne ne voulait le voir descendre en N2. Déjà que le voir en N1, ça a été un coup, là, ça aurait été une catastrophe. Aujourd’hui, il n’y a malheureusement pas assez de personnes qui viennent à Gaston-Petit, mais la Berrichonne reste quelque chose de précieux dans le quotidien des gens du coin. Quand on me questionne, j’essaie de répondre rationnellement, avec les éléments que j’ai, mais parfois, il y a des saisons où on peut faire ce qu’on veut, ça ne marche pas très bien. Là, ça a été le cas : on a bien débuté, puis on a eu un coup de moins bien, avant de repartir un peu de l’avant en janvier et de rebasculer dans la foulée d’un nul au Mans, où on se fait égaliser à la dernière seconde. Ensuite, on a vu les équipes derrière nous remonter, on a commencé à jouer avec la peur…
L’autre aspect difficile de la situation du moment, c’est qu’il ne reste aujourd’hui plus que sept joueurs sous contrat et qu’il n’y a, pour le moment, toujours pas d’entraîneur alors que le club a repris. Toi, tu as appris que tu n’étais pas conservé par un simple communiqué, c’est ça ?
Je pense que la situation a beaucoup joué. Il y a eu la première décision de la DNCG le 20 juin, qui ordonnait la rétrogradation administrative du club en N2, puis la deuxième n’est intervenue que début juillet. On était 17 joueurs en fin de contrat au 30 juin, le club devait attendre la décision finale de la DNCG pour avancer sur l’effectif… Mais oui, je l’ai appris, comme d’autres, par le communiqué publié par le club le 28 juin. C’est des potes qui m’ont envoyé le post de la Berrichonne sur les réseaux sociaux. Je pense que ça a été une maladresse, qu’ils ont eu énormément de choses à gérer pendant la période, que ça a été un peu fait dans la précipitation.
Tu n’as pas eu de contacts avec le club depuis ?
Je suis passé au club la semaine dernière pour récupérer quelque chose. J’ai croisé Osama (Hawsawi, le coordinateur sportif de la Berrichonne, NDLR), qui m’a dit qu’ils attendaient la décision de la DNCG pour éventuellement me rencontrer. Aujourd’hui, ma volonté est de rester au club, de continuer ici… Je vais les voir, on va discuter et voir ce qu’il est possible de faire.
Où en es-tu physiquement ?
J’en suis à quatre mois post-blessure maintenant. Il me reste encore quelques mois de rééducation, d’autant que c’est la troisième fois sur le même genou. Il va falloir que je me retape bien pour éviter une rechute. La dernière fois, ça a tenu huit mois. Je ne sais pas trop pourquoi mon genou est aussi fragile, mais lors de ma deuxième opération, j’ai un bout de fer qui a été retrouvé par le chirurgien. On m’a expliqué qu’il n’y avait aucune incidence par rapport à ma blessure. Je pense quand même que ça n’a pas aidé. Pour le moment, j’accentue sur le renforcement quadri-ischio-mollet pour qu’il y ait une meilleure stabilité au niveau du genou. Progressivement, je vais reprendre la course, faire des appuis, retoucher le ballon. Dans les semaines à venir, je pense que je vais rentrer dans le vif du sujet. Je travaille avec Nama Fofana, qui s’est aussi rompu les ligaments croisés en début d’année. On bosse avec un kiné qui avait fait des remplacements au sein du club, j’ai pris un abonnement chez Basic-Fit…
C’est quoi l’idée derrière ta volonté de rester à la Berrichonne ?
En fait, quoi qu’il arrive, je veux accompagner le club, que ce soit en tant que joueur, dans les bureaux, dans le recrutement, n’importe quoi… Je trouve qu’il y a tellement de choses à faire. J’ai envie d’aider ce club et de faire en sorte de le ramener plus haut niveau. Je pense que l’idée est de ramener un petit peu plus de jeunes, donc en tant que joueur, je suis prêt à amener mon expérience pour accompagner cette jeunesse. Il y a un beau challenge. En tout cas, ça m’intéresse. C’est le club de mon enfance, donc si je peux apporter ma petite expérience, ça sera avec plaisir.
Qu’est-ce que tu retiens de ce sauvetage du club ?
Déjà, qu’on a vu des gens en colère, des supporters se mobiliser. Ils paient leur place, ils viennent depuis des années, et c’est logique qu’ils aient eu besoin d’explications. Je pense que le vrai souci, c’est qu’il y a eu assez peu de communication. On parle pourtant d’un club où tout se sait. À Châteauroux, dès que ça touche à la Berrichonne, que tu sois en interne ou pas, tout se sait. Ça reste un petit monde. Le problème, c’est que là, il y a eu un mélange de bonnes et de mauvaises informations, de doutes, d’intérêts, mais il n’y a jamais vraiment eu un dirigeant du club qui a pris la parole pour apporter de la transparence sur la situation. Ça aurait aidé à apaiser la situation. Les gens auraient peut-être été en colère, mais il y aurait eu un peu plus d’honnêteté, et ça aurait moins laissé de place aux supputations. Après, c’est un souci qui ne touche pas que Châteauroux. Dans le foot, globalement, aujourd’hui, les clubs disent assez peu la vérité sur pas mal de sujets, mais ce flou pousse parfois au n’importe quoi et à la déstabilisation. Les supporters veulent uniquement la vérité et ils doivent l’avoir.
Propos recueillis par Maxime Brigand