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Romain Folz : « Je considère mon âge comme une chance »
À 32 ans, le Français Romain Folz a été récemment nommé entraîneur d’AmaZulu, un club sud-africain, qui dispute samedi la finale de la coupe MTN8 face aux Pirates d'Orlando. Passé par des clubs girondins, les États-Unis, l’Ouganda, l’Égypte, la Mauritanie, Niort, le Ghana et le Botswana, le Bordelais multiplie les expériences, toutes plus variées les unes que les autres.
Votre nomination à AmaZulu est intervenue au début du mois d’octobre, alors que vous aviez commencé la saison à Marumo Gallants, un autre club de DStv Premier League…Effectivement. Nous avions effectué un début de championnat honorable, encaissant très peu de buts et pratiquant un très bon football. Mais je n’étais pas en phase avec le management en vigueur dans le club, et j’ai préféré partir. (On évoque un interventionnisme prononcé des dirigeants dans les prérogatives techniques et autres interférences dans le dos du staff technique, NDLR.) J’ai alors eu un contact rapidement avec AmaZulu. On m’a présenté le projet du club, la manière de fonctionner, et je m’y suis totalement retrouvé. Je prends mes marques, dans un nouveau club, une nouvelle ville, Durban, nous jouons dans un stade de 52 000 places, et nous venons de nous qualifier pour la finale de la Coupe, en éliminant Kaizer Chiefs.
Que représente cette finale de la MTN8 Cup pour AmaZulu FC ?Le club a remporté cette compétition une fois (1992), alors qu’elle s’appelait la Coca Coca Cup. C’est une compétition importante ici, car elle est organisée par la Ligue sud-africaine. Le match va se jouer dans notre stade, à Durban, et toutes les places ont été vendues en très peu de temps. C’est le dernier titre gagné par le club. Il y a une grosse attente, les gens en parlent beaucoup, et on va jouer face à Orlando Pirates, un des meilleurs clubs du pays. Il est donné comme le favori. Évidemment, il y a de la pression, mais plus positive qu’autre chose. Nous réalisons un bon début de championnat, puisque l’équipe est septième, on a réussi à se qualifier pour la finale de la MTN8 Cup. Un succès validerait cette bonne entame, et nous donnerait de la confiance pour la suite.
Vous avez 32 ans, mais cela fait déjà plusieurs années que vous entraînez. À partir de quel moment vous êtes-vous tourné vers le coaching ?Très rapidement, peut-être à 14 ou 15 ans. J’ai joué dans des clubs de la région bordelaise (Floirac, Cenon, Stade bordelais) dont je suis originaire, mais je me suis fait deux fois de suite les croisés, vers 16-17 ans. Bien sûr, j’aurais pu continuer à jouer, mais je m’intéressais déjà fortement à l’entraînement. J’ai donc commencé à me tourner vers cette fonction, en coachant des équipes de jeunes, puis une formation de foot entreprise, celle de la Banque populaire du Sud-Ouest. J’ai eu une opportunité aux États-Unis pour rejoindre l’Académie du Bayern Munich, pendant un an. J’ai travaillé les U19 masculins et les U18 féminines, au plus haut niveau. Puis je suis parti pour les Golden Eagles, avec qui nous avons remporté le championnat NCAA. Par la suite, j’ai pris en main West Virginia Chaos, en championnat USL, la plus grosse équipe de l’État. J’ai beaucoup appris aux États-Unis. J’ai la chance de parler couramment l’anglais, mais ces expériences dans le football m’ont permis de mieux comprendre le fonctionnement d’un club, son organisation. C’était également intéressant dans le sens où il y avait des joueurs de différents horizons.
On retrouve ensuite votre trace en Ouganda, en tant que membre du staff technique de la sélection nationale, alors que Sébastien Desabre en était le coach. Est-ce lui qui vous a sollicité ?En réalité, j’avais souhaité le rencontrer et je l’ai contacté, alors qu’il entraînait le Wydad Casablanca. Nous avions bu un café et avons gardé contact par la suite. Puis quand Sébastien a été nommé sélectionneur de l’Ouganda, il m’a sollicité pour le rejoindre. À l’époque, je passais ma licence UEFA Pro en Espagne. Je ne me suis pas installé à Kampala, je retrouvais la sélection pour les matchs et comme elle s’est qualifiée pour la CAN 2019 en Égypte, j’ai pu observer la façon de travailler de Sébastien. Il est très rigoureux, sensible aux détails, très organisé, il sait s’adapter, ce qui est une force. Il avait déjà beaucoup d’expérience, alors que moi, j’étais encore relativement nouveau dans tout ce contexte. Je l’ai ensuite accompagné à Pyramids FC, en Égypte. Cela n’a duré que quelques mois. Puis, en janvier 2020, j’ai été nommé entraîneur de Bechem United, au Ghana pour ma seconde expérience à la tête d’une équipe professionnelle (après West Virginia Chaos, NDLR).
Et comment avez-vous été recruté ?J’avais postulé dans plusieurs clubs, dont celui-ci. La direction du club m’a contacté et a décidé de me confier l’équipe. Le problème, c’est qu’il y a eu l’épidémie de Covid-19, et le championnat a été arrêté un peu plus de trois mois après ma signature… Malgré tout, ce fut une bonne expérience. Nous sommes restés invaincus. J’étais dans une toute petite ville, loin de ma famille, de mes amis. Il n’y avait rien d’autre à faire que travailler, penser au football. Cela m’allait très bien, puisque j’étais venu pour ça. Je pense que pour débuter en Afrique en tant qu’entraîneur principal, c’est le meilleur endroit où je pouvais aller. J’ai dû faire mes preuves : je n’avais pas encore 30 ans, j’avais peu d’expérience en tant que numéro 1, je suis français… Je suis devenu le plus jeune entraîneur de l’histoire de la ligue professionnelle du Ghana (puis celle du Botswana, et aujourd’hui celle d’Afrique du Sud, NDLR). J’avais une équipe jeune, avec seulement quelques joueurs plus expérimentés. Le club n’avait vraiment pas beaucoup de ressources, mais on a quand même réussi à faire des choses très intéressantes. Comme ça s’est arrêté plus tôt que prévu, Desabre m’a proposé de le retrouver à Niort. J’ai bien sûr accepté, avec une seule condition, celle de pouvoir partir au cas où j’aurais l’opportunité de diriger une équipe professionnelle. Sébastien a dit oui et, en mars 2021, j’ai été contacté par Ashanti Gold, un autre club ghanéen, beaucoup plus puissant que Bechem United.
Le problème, c’est que ce club a été rétrogradé en L2, pour des affaires de corruption…Au départ, tout se passait bien. Mais j’ai assez vite compris qu’il y avait des choses surprenantes, que je ne voulais pas cautionner. J’ai préféré partir. Je suis donc rentré en France, et j’ai été ensuite mis en relation avec Didier Gomes da Rosa, qui avait entendu parler de moi et mon travail. Il venait d’être nommé sélectionneur de la Mauritanie et il cherchait à étoffer son staff. On a participé à la Coupe arabe au Qatar, mais je ne suis pas parti avec la sélection pour la CAN au Cameroun, car j’avais déjà convenu d’un accord pour le mois de décembre et un poste de numéro 1 au Botswana, à Township Rollers, sans doute le meilleur club du pays. Le club m’a contacté directement, et le discours des dirigeants m’a beaucoup plu, j’ai senti un grand intérêt pour moi de leur part.
Un entraîneur français de 31 ans, qui arrive dans un grand club botswanais, c’est assez peu commun…Je n’ai jamais attendu dans mon coin que l’on vienne me chercher. Mais dans ce cas précis, c’est le club qui est venu me chercher, et nos visions étaient similaires, donc l’accord a été assez rapide. Évidemment, au Botswana, ils n’ont pas l’habitude d’avoir des entraîneurs français d’à peine plus de 30 ans… Mais ils voulaient un coach connaissant l’Afrique, parlant bien l’anglais, et capable de tirer le meilleur de l’effectif en place.
Vous avez senti que votre âge pouvait constituer un frein ?Pas un frein en tant que tel, mais comme au Ghana précédemment, c’est assez normal en soi. Un jeune entraîneur, souvent ayant en charge des joueurs plus âgés, il y a forcément des questions, des interrogations. Je suis habitué, et ce fut encore le cas lorsque j’ai signé à Marumo Gallants puis à AmaZulu. Cela ne m’offusque pas, et en vérité, je n’y accorde pas d’importance. Je considère mon âge comme une chance. J’ai seulement à démontrer ce dont je suis capable, que je sais comment je veux faire jouer mes équipes, à établir une relation avec mes joueurs, et tout ce qui s’ensuit. Je ne fais pas trop attention à ce qui peut se dire, je ne suis pas sur les réseaux sociaux. Au Botswana, ce fut une très bonne expérience, tant humaine que sportive. Le championnat local est bon. On peut aller jouer dans des endroits où ce n’est pas facile, face à des équipes motivées, athlétiques, souvent avec un bon bagage technique. Chaque match est difficile. Nous avons fini à la seconde place du championnat (l’équipe était 5e à son arrivée, NDLR).
On a compris que vous étiez du genre bosseur. Est-ce que cela vous laisse un peu de temps pour penser à autre chose qu’au football ? Le Botswana, il paraît que c’est plutôt sympathique…Je suis arrivé en décembre, en cours de saison, et je me suis donc tout de suite mis au travail. Le club est situé à Gaborone, la capitale, une ville agréable. J’ai attendu la fin de la saison pour vraiment parcourir le pays, où j’ai vu des espèces animales qu’on connaît peu en Europe. Mais quand je suis arrivé, il n’y avait pas de place pour le tourisme. J’avais une mission, faire remonter l’équipe au classement et m’adapter, connaître mes joueurs, le championnat, etc. Et quand j’ai quelque chose en tête, j’ai du mal à faire autre chose tant que la tâche n’est pas totalement accomplie. C’est pour cela que j’ai attendu la fin de la saison pour découvrir le pays, qui est effectivement très beau.
Vous êtes aujourd’hui à la tête d’une équipe sud-africaine, dans un des deux ou trois meilleurs championnats du continent. Avez-vous envie d’un peu de stabilité ?J’ai pu rejoindre l’Afrique du Sud grâce aux bonnes performances de Township Rollers, puisque le Botswana est voisin de l’Afrique du Sud. Cela m’a ouvert les portes de ce pays. J’ai signé jusqu’à la fin de la saison, mais on doit se revoir au mois de mai avec les dirigeants. Je suis concentré à 100% sur AmaZulu. Je sais que j’ai eu une progression rapide, mais également que j’ai encore beaucoup à apprendre. Entraîner dans un des meilleurs championnats d’Afrique un club avec une grande histoire et une grosse base de supporters est un très beau projet, que je vais mener à bien. Comme tout le monde, j’ai des objectifs pour l’avenir. Entraîner une sélection peut effectivement en faire partie, mais je suis quelqu’un de discret. Je préfère garder mes ambitions pour moi, travailler, et le moment venu, les choses se feront.
Propos recueillis par Alexis Billebault