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Romain Faivre et la panenka de la discorde
C’est à la mode en ce moment : peu importe de quoi il s’agit, il doit y avoir des pro et des anti. Un phénomène qui s’étend évidemment (et peut-être plus qu'ailleurs) au football, où le moindre geste est scruté, épié, débattu. C’est le cas de la panenka tentée et réussie dimanche par Romain Faivre contre une équipe bordelaise diminuée. Alors que le maestro brestois essuie un nombre d’insultes disproportionné, applaudissons ce geste génial.
15h21 : l’heure du crime. Quelques secondes auparavant, alors que Jacques Ekomie venait de déséquilibrer Jérémy Le Douaron dans la surface, Romain Faivre, déterminé, se saisissait de l’arme : un ballon blanc. Puis, sans sommation, il achevait les Bordelais d’une panenka aussi précise qu’humiliante pour Davy Rouyard, qui disputait là son premier match professionnel. Sans pour autant bondir de joie, le Brestois célébrait son but comme il se doit, d’une belle glissade sur les genoux. Tout cela s’est déroulé en à peine une minute. Il aura fallu moins de temps à la Twittosphère pour lui tomber dessus gratuitement.
Morceaux choisis du shitstorm (littéralement tempête de merde, NDLR) qui est tombé sur le coin du museau de Romain Faivre : « On n’oubliera pas le geste de Faivre. On vous donne rendez-vous en J38 », « Romain Faivre sale chien, j’espère que ta carrière va faire flop », « Après quand tu as un peu de plomb dans la tête, tu ne fais pas une panenka face à un jeune gardien qui joue son premier match pro. Un peu de respect et de modestie ça ne fait pas de mal… Il en serait sorti grandi alors que là… » Un langage tout simplement honteux qui mérite d’être pointé du doigt pour qu’il cesse. D’ailleurs, soit dit en passant, le « gamin » en question – Davy Rouyard – n’a qu’un an et un mois de moins que Romain Faivre. En plus d’être ridicule et infâme, cette excuse n’est donc même pas valable.
Connemara, Zizou et survol
Cette panenka, parfaitement exécutée puisqu’elle a rebondi pile au niveau de la ligne avant de rentrer devant les yeux d’un gardien qui patinait pour se remettre sur ses appuis, a un mérite : elle passe au révélateur un grand nombre de personnes et permet de différencier les supporters des clubistes. Et on ne parle pas là de ceux qui aiment se trémousser à 200 dans 40 mètres carrés sur « La Kiffance » de Naps ou « Les Lacs du Connemara » . Mais bien ceux qui perdent tout jugement quand on touche à leur écusson. Qu’on soit clair : oui, le contexte n’était peut-être pas favorable, mais Romain Faivre est-il responsable des 21 cas de Covid qui touchaient Bordeaux ? Certainement pas. De son point de vue, il vient de breaker dans un match éliminatoire et donc probablement d’offrir la victoire à son public. Rien de plus.
Les gens qui reprochent à Romain Faivre d’avoir fait une panenka sont des demeurés. Déjà parce qu’il fait ce qu’il veut, ensuite parce que c’est réussi donc efficace, enfin car il s’agit de football professionnel et qu’il ne doit rien à l’adversaire. Insupportable votre clubisme.
— Gigg’s (@Giggs_) January 2, 2022
Dans ce genre de circonstances, on ne peut que ravaler sa fierté et saluer le geste d’un bonhomme qui a placé le Finistère sur la carte du foot comme étant un atelier d’artistes. Point barre. C’est à se demander ce que Twitter aurait pu dire quand Zinédine Zidane réglait son compte à Gianluigi Buffon en finale de la Coupe du monde 2006 d’une panenka. Certainement que d’aucuns lui auraient reproché d’avoir « provoqué les Italiens avec cette panenka superflue en plus d’être moyennement réalisée. Mais bon comme il a le numéro dix, alors on ne peut rien dire… » Les réseaux sociaux sont parfois ahurissants pour cette passion à deux étages : on s’ébahit sur un dribble qui élimine un adversaire sans faire avancer le jeu, mais on en veut à un minot qui prend des risques pour faire gagner son équipe. « C’est pour ça que je travaille plus : je veux être bon tous les week-ends, déclarait Faivre à Ouest-France en novembre. Je ne veux pas qu’on dise« Romain, il a vraiment quelque chose, mais il n’est pas constant. »Je parle d’être performant… Non. Je veux survoler les rencontres. C’est mon objectif. » Une chose est sûre : il n’a pas survolé la rencontre, mais la Gironde tout entière se rappellera de lui pendant un bail, et même quand il portera les couleurs du Milan. C’est déjà, à une petite échelle, la marque des grands.
Par Emile Gillet