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Romain Faivre : « Et encore, je ne suis pas au max »

Propos recueillis par Maxime Brigand et Andrea Chazy
Romain Faivre : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Et encore, je ne suis pas au max<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Il y a un an, personne ou presque n'avait entendu parler de Romain Faivre (22 ans). Mais pour sa première saison en Ligue 1, le milieu offensif brestois n'a pas tardé à séduire son monde, et pas seulement Olivier Dall'Oglio ou les fans du SB29. La preuve : Sylvain Ripoll l'a appelé pour participer à la phase de poules de l'Euro Espoirs, en Hongrie, qui démarre ce jeudi pour la France face au Danemark (21h). Entretien avec un homme arrivé sur le tard, mais qui ne doute pas de rattraper le temps perdu à grandes enjambées.

Tu t’apprêtes à jouer l’Euro Espoirs avec l’équipe de France. Il y a quelques semaines, c’était un objectif. Aujourd’hui, c’est une réalité. Comment tu vis la chose ? Très sereinement. Maintenant que j’y suis, j’ai de nouveaux objectifs. Les objectifs amènent les objectifs. Aujourd’hui, il y a l’Euro qui arrive, une qualification à aller chercher, et moi, je dois montrer ce que je sais faire. Ce n’est pas plus compliqué que ça.

On a le sentiment que tu n’es pas du tout surpris par ta trajectoire. En juin dernier, quand tu arrives à Brest pour 400 000 euros, peu de gens te connaissaient pourtant. Elle vient d’où, cette confiance ? Ce qui est sûr, c’est qu’avant l’été dernier, quand j’étais en CFA, à Monaco, je n’avais pas la visibilité nécessaire. Maintenant, le foot, ça va très vite : quelques bonnes performances, et tu es d’un coup regardé par tout le monde. J’ai toujours eu confiance en moi, en mes qualités, et cette confiance, c’est le facteur X. Un joueur qui a confiance en lui peut rapidement faire de très belles choses, alors qu’un joueur qui a moins de certitudes peut très vite se retrouver dans le dur. Moi, j’ai toujours essayé d’entretenir cette confiance parce que je sais ce dont je suis capable avec un ballon.

Qu’est-ce qu’a concrètement changé cette visibilité ? Ce qui a changé, en Ligue 1, c’est surtout l’approche du match. Aujourd’hui, je ressens plus de stress, de tension… Mais personnellement, je n’ai pas été extrêmement secoué par la différence de niveau. Tout s’est fait naturellement, même s’il a fallu que je travaille, que je m’impose, que je montre mes qualités au coach, qui m’avait déjà bien mis en confiance avec Grégory Lorenzi (le directeur sportif du SB29, NDLR) avant que j’arrive. Ils m’avaient tous les deux expliqué le projet de jeu, et ça avait complètement matché. Après, pour jouer, il faut mériter sa place et être performant tous les week-ends.

Le foot, ça va très vite : quelques bonnes performances et tu es d’un coup regardé par tout le monde. J’ai toujours eu confiance en moi, en mes qualités, et cette confiance, c’est le facteur X.

Comment Olivier Dall’Oglio et Grégory Lorenzi ont réussi à te convaincre de venir à Brest, justement ?Facilement, même si c’est sûr que personne ne m’attendait comme un titulaire. Au départ, je devais venir, m’imposer petit à petit… Mais finalement, mon ascension a été assez rapide. J’en suis content. Je suis un joueur assez technique, donc ça correspond bien à la philosophie de jeu du coach, qui demande à l’équipe de ressortir proprement, d’enchaîner les passes.

Ton profil entre aussi dans une stratégie du club. Brest a le plus petit budget de Ligue 1, donc se doit d’être plus malin. On l’a vu avec l’arrivée de Jérémy Le Douaron, qui a été recruté en National 2. Toi, ils vont te chercher en réserve…Je pense qu’ils nous ont tenu approximativement le même discours. Ils n’ont pas eu peur de la différence de niveau, ils avaient confiance en nos capacités et ils ont accepté de nous laisser du temps pour apprendre. Après, j’ai réussi à faire en sorte que ça aille très très vite.

À quel moment as-tu compris que tu avais le niveau pour la Ligue 1 ?Dès mon arrivée, j’ai essayé de ne pas me mettre la pression. J’ai effacé les noms des adversaires dans ma tête et j’ai cherché à jouer mon football. Si demain, je dois signer dans un plus gros club, jouer dans un stade rempli par trois fois plus de spectateurs, je serai le même joueur, je pense. Je joue comme je sais jouer, tout le temps.

Mais il y a eu un travail psychologique pour faire sauter la pression ? Non, c’est encore une fois de la confiance en soi. Mais la différence, c’est que cette confiance, je ne l’avais pas à Monaco, où il m’arrivait d’être parfois un peu bloqué. Là, c’est l’inverse : en Ligue 1, je me lâche complètement.

C’était quoi ces blocages ?Il m’arrivait d’être devant le but et de faire une passe. Je n’avais pas la confiance nécessaire pour tenter ma chance comme je peux le faire aujourd’hui, j’étais moins libéré, je me sentais moins capable de tenter certaines choses… C’est des petits détails, mais qui ont une grande importance.

À Monaco, tu as pourtant tapé dans l’œil d’un homme : Thierry Henry, qui nous expliquait il y a quelques semaines que tu avais une capacité à briser les lignes assez unique. Comment tu l’as fait craquer ? Je pense qu’il a aimé mon audace, ma conduite de balle, ma capacité à dribbler pour créer des décalages… C’est assez flatteur, et son passage à Monaco a été le seul moment où j’ai réussi à prendre du plaisir chez les pros. En fait, c’est le seul moment où j’ai réussi à m’amuser, à être moi-même. Le reste du temps, j’étais trop simple, trop neutre. Je faisais de bonnes choses à l’entraînement, mais grâce à Thierry Henry et à ces quelques mois à Brest, j’ai réussi à davantage exploiter mes capacités. Et encore, je pense que je ne suis pas au max. Ça s’est fait naturellement, encore une fois. Je me suis dit : « Romain, t’es là où tu voulais être, montre qui tu es, allez… »

Ton parcours est pourtant tout sauf linéaire.C’est sûr que je n’ai pas été le joueur qui a débuté à 17 ans chez les pros. Tout n’a pas été simple : j’ai été au Mans, où le club a déposé le bilan, puis à Tours, où ça s’est plutôt bien passé, et à Monaco, où ça a été compliqué parce que grand club, donc beaucoup de joueurs, beaucoup de concurrence… Tout ça m’a fait mûrir mentalement, et je n’ai aucun regret parce que Leonardo Jardim m’a quand même fait grandir tactiquement, parce que Thierry Henry m’a poussé à me faire plaisir sur le terrain, parce que David Bechkoura m’a fait confiance avec la réserve et m’a toujours titularisé en CFA.

Tu n’as jamais pensé que tu ne franchirais pas le cut ? À la fin de mon passage à Tours, où on m’avait promis un contrat pro qui n’est finalement jamais arrivé, je me suis posé quelques questions. C’était parfois dur, mais je n’ai jamais pensé à tout arrêter. Impossible. Et depuis que je suis à Monaco, j’ai toujours pensé que j’avais une bonne étoile.

J’ai joué 10, 8, box-to-box… J’ai toujours été à la création, mais je n’ai jamais été un croqueur. Je n’ai jamais dribblé pour dribbler, ça ne m’intéresse pas.

Tu parles encore de « confiance ». Elle était déjà là quand tu jouais petit, au quartier ? Quand tu joues au quartier, que tu es petit, c’est autre chose. Tu es insouciant, tu réfléchis moins. Tu t’amuses, mais tu dribbles, évidemment. Tu dribbles tout, n’importe quoi et n’importe qui. (Rires.) Mais l’idée, très vite, ça a été de ne pas avoir de regrets parce que j’ai vu tellement de mecs du quartier qui avaient du talent ne pas percer. Je ne dis pas qu’ils allaient passer pro, mais certains grands ont été en centre de formation avant d’oublier ce qu’il fallait faire pour réussir. Heureusement, ils n’ont pas sorti l’excuse des croisés. (Rires.)

C’est quoi ta différence, alors ? À quoi tu penses quand tu es sur le terrain ? Bizarrement, aujourd’hui, je réfléchis surtout quand je n’ai pas le ballon. J’essaie d’anticiper les pertes de balle de mes partenaires, les déplacements adverses… En Ligue 1, j’ai dû progresser sur le plan défensif et je trouve que je gagne plus de duels qu’avant. Le reste, c’est pas mal d’instinct, mais je dois encore faire mieux dans la zone de vérité. Là, je suis à cinq buts et quatre passes décisives, alors que je pourrais avoir le double. Le coach me pousse dans ce sens.

Tu t’inspires de certains mecs ?Pas depuis que je suis pro. Quand j’étais jeune, j’aimais énormément le jeu de Ronaldinho. C’est un mec qui nous a tous fait aimer le foot. Sa façon de créer des choses, son instinct, tout le monde aime ça parce que c’est différent. En fait, il pouvait faire des choses que les autres ne pouvaient pas faire, et ça, ça me plaît. Aujourd’hui, même s’il y a beaucoup de bons joueurs, Marco Verratti est certainement le mec qui m’a le plus marqué en Ligue 1. Quand j’ai joué contre lui, j’ai vu qu’il avait quelque chose en plus.

Tu parles de création. Toi, tu as toujours été là-dedans ? Toujours. J’ai joué 10, 8, box-to-box… Mais j’ai toujours été à la création. Attention, je n’ai jamais été un croqueur. Je n’ai jamais dribblé pour dribbler, ça ne m’intéresse pas. J’essaie d’être dans l’efficacité. Mon passage à Monaco m’a permis de prendre énormément de volume dans mon jeu. Désormais, je sais attaquer et défendre, ce qui n’était pas inné en moi au départ. Agresser le porteur du ballon, ce n’était pas naturel chez moi. Je dois encore l’améliorer, mais aujourd’hui, je le dis franchement, je prends du plaisir à récupérer la balle.

L’avantage d’être dans un groupe comme celui des Espoirs, c’est que vous pouvez comparer les parcours. Tu n’as pas le même qu’Amine Gouiri, par exemple. Vous en parlez entre vous ?Oui, chacun a son parcours, et avec Amine, on en parle souvent. On est voisins de chambre, on s’entend bien. Je suis très content pour lui. Il mérite. Après, même si on a tous des parcours différents, on a su fonder un groupe uni, où l’intégration se fait naturellement grâce au terrain.

Qu’est-ce que tu retiens de ta saison jusqu’ici ? Plein de choses : ma première sélection chez les Espoirs, mon premier match en pro, mon premier but en pro… Ressortir un moment, c’est compliqué. Par rapport à Monaco, j’ai aussi changé de statut. Avant, je m’entraînais avec les pros et je repartais avec la CFA. Là, je suis dans le vestiaire, j’ai ma place, mon casier, je suis membre d’un groupe… Et les attentes ont changé, évidemment. Au début, on disait : « Tiens, Romain a fait un bon match », et maintenant, si je fais exactement la même prestation, c’est plutôt : « Ah, Romain a fait un match moyen. » La perception a changé. Je ne sais pas si c’est pareil pour les adversaires, mais, même si je ne pense pas qu’il y ait de fixette, je sens quand même qu’il y a plus de joueurs dans ma zone qu’en début de saison.

Tu aurais pu jouer dans une équipe qui bétonne ? Je me serais adapté dans n’importe équipe, mais je pense qu’il faut choisir un projet en fonction de ses qualités et de ses défauts. Là, je le répète souvent, j’ai la chance d’être dans une équipe qui joue au foot. C’est vrai que ça a compté dans mon choix d’aller à Brest.

Au début, on disait : « Tiens, Romain a fait un bon match », et maintenant, si je fais exactement la même prestation, c’est plutôt : « Ah, Romain a fait un match moyen. » La perception a changé.

Et pour demain ? Sans langue de bois, je ne discute avec aucun entraîneur, aucun club… J’ai des gens qui s’occupent de ça. Moi, mon rôle, c’est d’être bon le week-end, et pour le moment, je suis très, très bien à Brest. J’ai un cocon assez restreint autour de moi, notamment ma famille, qui me permet de garder la tête sur les épaules. Je ne pense pas avoir changé. Je suis toujours le même, même si je joue en Ligue 1. J’ai toujours les mêmes activités et quand je rentre chez moi, je vais toujours faire un basket avec mes potes, je joue toujours à la Play, à FIFA ou à Call of Duty avec mes frères.

Comment ta famille vit tout ça ?Pour mon père, c’est une immense fierté, car il aime le foot et venait déjà me suivre quand j’étais jeune. C’est lui qui me fait le plus de retours sur mes matchs. Je sais aussi que certains amis de mes parents leur parlent de mes performances, mais non, il n’y a eu aucun bouleversement majeur. Après, je n’ai encore rien fait, ce n’est qu’un début, je n’ai aucune pression à me mettre. Je peux juste être content d’être arrivé où j’en suis par rapport à tous les efforts faits.

À quel moment as-tu compris que le foot était devenu une affaire sérieuse ?C’est vrai qu’au début, je jouais au foot avec mes frères pour rigoler. J’ai toujours joué pour m’amuser. Mais je dirais que vers mes 15 ans, quand les clubs pros ont commencé à venir, qu’on a commencé à parler de centre de formation, je me suis dit que ça pouvait devenir mon métier. D’ailleurs, je ne me suis imaginé aucun plan B. C’était footballeur.

Maintenant, c’est quoi l’objectif, du coup ? La première place avec les Espoirs, continuer à être performant avec Brest, améliorer mes statistiques et, sans griller les étapes, intégrer un jour un grand club européen, bien sûr. Petit, je rêvais de jouer pour le PSG, vu que je viens de Paris, mais aujourd’hui, je n’ai pas de rêve. Je veux juste continuer mon chemin.

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Propos recueillis par Maxime Brigand et Andrea Chazy

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