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Roma : les raisons d’un échec
C’était écrit : l’équipe qui perdrait la finale de la Coupe d’Italie serait confrontée à mille questions, mille problèmes, mille réflexions. Cela aurait pu être la Lazio, mais c’est bien la Roma de Totti qui s’est inclinée. Et qui va devoir se poser toutes les bonnes questions.
Les images qui ont suivies le coup de sifflet final de ce derby de Coupe d’Italie se passent de commentaires. Les joueurs de la Roma ont le regard perdu. Balzaretti pleure sur le banc de touche, Totti regarde dans le vide, sa fille de 6 ans est en larmes dans les tribunes, De Rossi est à terre, la tête dans le gazon, Osvaldo sort du terrain en insultant son entraîneur. Bref. Triste épilogue d’une nouvelle saison sans titre pour la Roma, et sans qualification pour la Coupe d’Europe. Oui, après avoir disputé chaque saison la Ligue des Champions dans les années 2000, la Roma a entamé la deuxième décennie du troisième millénaire de la pire des façons. 2011-12, 2012-13, 2013-14 : trois saisons sans Europe pour la Louve, cela n’était plus arrivé depuis les saisons 1977-78, 1978-79 et 1979-80. Aujourd’hui, c’est tout le peuple giallorosso qui se pose des questions. Et les agressions subies par le bus de la Roma, quelques heures après le coup de sifflet final (des pierres, des bouteilles et des œufs ont été jetés sur le bus, brisant même une vitre) ne sont que la matérialisation (injustifiable) de cette déception et de cette frustration. Les tifosi avaient prévenu avant la rencontre : « Gagnez ou fuyez » avaient-ils écrit sur une banderole. La Roma n’a pas gagné. Mais elle ne va pas pouvoir fuir pour autant. Les Romains vont devoir affronter la réalité. Tous responsables, certes, mais tous désormais unis pour relever le front et repartir de l’avant.
Capable du meilleur comme du pire
Une chose peut surprendre, à la Roma. Comment des joueurs si talentueux peuvent-ils produire un jeu d’équipe si monotone ? Hier, lors de la finale contre la Lazio, un match bien dirty dans tous les sens du terme, la Roma n’a pas émis une once de jeu. Lamela a été un fantôme, Totti a raté la plupart de ses passes, et De Rossi a ponctué sa saison comme le reste de son année : à la rue. Les choix d’Andreazzoli sont difficilement compréhensibles : comment débuter un match d’une telle importance en se privant de joueurs comme Florenzi, Pjanic et Osvaldo ? Pourquoi ne pas faire entrer les deux premiers cités, alors qu’ils ont été deux des meilleurs joueurs de la Roma cette saison ? Des choix que les supporters ne comprennent pas, logiquement. Le coach savait qu’il disputait hier son dernier match sur le banc de la Roma. Mais quand même. Un peu plus d’audace aurait été la bienvenue. En début de saison, on avait reproché à Zeman de trop jouer, de prendre trop de risques. Andreazzoli a fait l’inverse, pour, finalement, le même résultat. La Roma a bien terminé sa saison en Serie A, se permettant même le luxe de passer devant la Lazio lors de la toute dernière journée de championnat. Mais à quoi bon un tel effort lors du sprint final si c’est pour jouer la carte de la prudence lors de la finale qui vaut une saison ?
Cette année, et c’est d’ailleurs symptomatique depuis deux saisons, la Roma est capable du meilleur comme du pire. On a vu des victoires éclatantes (le 4-2 contre la Fiorentina, par exemple) et des défaites humiliantes (un autre 4-2, à domicile, subi contre Cagliari). On a vu du beau jeu, et parfois du néant. On a vu des joueurs surmotivés, et parfois des joueurs apeurés et déboussolés. Mais bien peu de lignes directrices. Luis Enrique d’abord, pour un projet qui n’a jamais vraiment abouti, Zeman ensuite, Andreazzoli enfin. Ces saisons devaient être des saisons de transition. Mais deux ans après l’arrivée des dirigeants américains, le constat est violent : la Roma doit à nouveau repartir de zéro et n’a pas beaucoup de choses sur lesquelles s’appuyer pour reconstruire. Certains joueurs vont partir, d’autres vont arriver. Un peu comme les saisons précédentes. Sauf que là, la patience des tifosi est arrivée à expiration. L’échec encaissé hier soir, l’un des plus durs de l’histoire du club, sera déjà très difficile à digérer. Une autre saison blanche est tout simplement inenvisageable.
Pas ou peu d’équilibre
Pour la Roma, il faut désormais se poser des questions. Deux questions, très exactement. « Qu’est-ce qui a foiré ? » et « Comment reconstruire ? » . Le début des emmerdes porte une date. Le 22 avril 2010. Ce soir là, la Roma, leader du championnat, reçoit la Sampdoria. Une victoire, et les giallorossi seraient pratiquement assurés de remporter le Scudetto. L’équipe de Ranieri mène 1-0, mais va subir une incroyable remontée en seconde période. La Samp s’impose 2-1 (doublé de Pazzini) dans un stadio Olimpico pétrifié. Quelques semaines plus tard, l’Inter de Mourinho remporte le Scudetto tandis que la Roma n’a que ses yeux pour pleurer. Par la suite, plus rien ne va marcher comme avant. Ranieri ne réussit pas à rééditer les mêmes performances la saison suivante, et démissionne après une défaite 4-3 à Gênes, alors que son équipe menait 3-0 à la 50e minute. Montella reprend les rennes de l’équipe et lui permet d’arriver sixième. Débarquent alors les dirigeants américains à la tête du club giallorosso. Ils commettent d’amblée leur première erreur. Au lieu de confirmer Montella, un homme qui connaît parfaitement le club (et qui est bon, en plus), ils nomment Luis Enrique, avec comme idée d’importer le système Barça à Rome. Un échec. Malgré de nombreuses arrivées, la Roma ne va jamais trouver son équilibre. Pas ou peu d’alchimie entre les vrais Romains (Totti, De Rossi) et les Espagnols. La saison est ratée, la Roma termine septième, et Luis Enrique est remercié.
Pendant l’été, nouvelle erreur. Montella, qui vient de réaliser une excellente saison avec Catane, propose sa candidature. Les tractations semblent bien engagées, lorsque Baldini, le directeur général, décide finalement de faire revenir le vieux Zeman, champion de Serie B avec Pescara. Le « Boemo » est accueilli avec ferveur, mais là encore, cela ne va pas fonctionner. Son système basé sur l’offensive connait ses limites, et ce dès les premières journées de championnat : la Roma zémanienne est capable d’aller battre 3-1 l’Inter à San Siro, puis de perdre 3-2 à domicile contre Bologne. Le Tchèque est finalement viré, et Andreazzoli, un cadre du club, nommé à sa place. L’embellie est notable : 1,86 points de moyenne avec Andreazzoli, contre 1,47 avec Zeman. La Roma semble plus équilibrée avec lui, plus solide défensivement (seulement 14 buts encaissés en 15 rencontres) et même plus mature. Mais la finale contre la Lazio a détruit en 90 minutes tout le bon travail effectué lors des trois derniers mois. Et forcément, comme bien souvent dans ces cas là, le coupable désigné porte le costume du coach.
Allegri or not Allegri ?
Et maintenant, quoi ? La Roma doit panser ses plaies, sécher ses larmes, et réfléchir. Qui pour reprendre le club ? Depuis quelques semaines, c’est le nom d’Allegri qui tourne en boucle. Le coach attendait peut-être de connaître le résultat de la finale (et donc de savoir si l’équipe qu’il allait reprendre allait jouer l’Europe ou non). Désormais, il le connaît et a donc toutes les cartes en main pour décider. Allegri ou non, cette équipe a besoin de quelqu’un pour la guider. Car tout le monde est d’accord sur le sujet : la Roma a un potentiel technique bien au-dessus de ceux de la plupart des équipes de Serie A (dont sa rivale Lazio), mais ce potentiel est mal exploité. Un gâchis, lorsque l’on a des joueurs comme Pjanic, Lamela, Totti, Osvaldo ou Destro. Un groupe qui devrait permettre au club de lutter pour la Ligue des Champions, et qui se retrouve, en ce lundi 27 mai, sans rien. « Nous sommes en dehors de l’Europe, nous avons perdu la Coupe d’Italie, on ne peut que parler de faillite » a assuré hier Simone Perrotta, l’un des cadres de l’équipe. Ce sont souvent des échecs les plus retentissants que naissent les plus belles victoires. Le Bayern Munich peut en témoigner. Mais l’on n’a rien sans rien. La Roma va devoir prendre les bonnes décisions et, surtout, choisir les bonnes personnes. Oui, l’été va être long, dans la capitale italienne.
Eric Maggiori