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Roma-Lazio : tous les chemins mènent au tribunal

Par Tristan Pubert
6 minutes

Respectivement deuxième et troisième de Serie A, la Lazio et la Roma vivent une saison réussie sur le rectangle vert. Néanmoins, les deux écuries romaines sont dans le viseur de la justice pour de potentielles « plus-values fictives » réalisées entre 2017 et 2021. La Juve n'a pas le monopole des magouilles.

Roma-Lazio : tous les chemins mènent au tribunal

Le jeudi 6 avril dernier, à l’aube, les employés de la Roma, de la Lazio – et aussi de la Salernitana – ont reçu une petite visite surprise. Les inspecteurs de la Guardia di Finanza ont en effet procédé à une importante perquisition dans les bureaux des trois clubs, et ont notamment saisi une dizaine d’ordinateurs et de tablettes, ainsi qu’une quinzaine de téléphones. Les trois écuries de Serie A sont accusées de « plus-values fictives » réalisées entre 2017 et 2021. Au total, seize anciens dirigeants sont dans le viseur de la justice transalpine : neuf de la Roma, sept de la Lazio.

Si la Guardia di Finanzia chapeaute le tout, cette enquête juridique est menée par deux parquets bien distincts. Celui de Rome s’occupe de l’AS Roma, celui de Tivoli de la Lazio et de la Salernitana. Pourquoi les deux derniers clubs font face à la même enquête ? La raison est simple : Claudio Lotito, l’actuel président des Biancocelesti, a aussi été à la tête de la Salernitana de manière simultanée (de 2011 à 2021), avant que l’écurie salernitaine ne soit promue en Serie A. À noter qu’à la différence des autres dirigeants impliqués dans cette enquête, Lotito n’a pas vu son téléphone et son ordinateur saisis, en raison de sa fonction de sénateur.

L’effet papillon

Depuis novembre dernier, la Juve est la cible d’une importante enquête concernant de potentielles « plus-values fictives », qui lui a valu le retrait de quinze points au classement. Si les Bianconeri doivent encore patienter quelques semaines pour connaître la sentence de ce dossier « Prisma », celui-ci a néanmoins permis d’ouvrir la boîte de Pandore. Justement, le parquet de Turin a sonné l’alerte au parquet de Rome, notamment concernant les transferts de Leonardo Spinazzola (de la Juve à la Roma pour 29,5 millions d’euros) et de Lorenzo Pellegrini (de la Roma à la Juve pour 22 millions d’euros) survenus à l’été 2019.

Au total, onze transferts suspicieux sont épinglés par le parquet de la ville éternelle, dont ceux de Bryan Cristante (recruté par la Roma en provenance de l’Atalanta pour 22 millions d’euros à l’été 2019, mais déjà prêté la saison précédente chez les Romains), Grégoire Defrel (recruté à l’été 2018 en provenance de Sassuolo pour 15 millions d’euros après avoir lui aussi été prêté une saison à Rome), Davide Frattesi (de la Roma à Sassuolo pour 5 millions d’euros en 2017), ou encore Marco Tumminello (vendu pour 5 millions d’euros à l’Atalanta en 2018). Ce sont justement ces quatre transferts réalisés par les dirigeants giallorossi qui auraient mis la puce à l’oreille aux enquêteurs. En effet, ces transactions avec Sassuolo et l’Atalanta auraient permis à la Roma de mettre en place un important montage financier et ainsi réaliser une plus-value estimée à environ quatre millions d’euros.

Neuf dirigeants et ex-dirigeants de la Roma devront répondre à ses potentielles magouilles devant la justice. Parmi eux, l’ancien boss américain du club James Pallotta, mais aussi l’actuelle direction en place, dont le propriétaire californien Dan Friedkin. Les faits reprochés sont quasi similaires à ceux de la Juventus, à savoir « fausses déclarations d’entreprise », « factures falsifiées » et « déclaration frauduleuse », dans le but donc de réaliser des plus-values fictives. Néanmoins, cette enquête est de moins grande ampleur que celle menée dans le Piémont : le montant total de ces plus-values ne dépasserait pas les 45 millions d’euros, contre 200 millions pour la Juve. Mais surtout, cela concerne des joueurs qui se sont avérés performants, donc difficile de prouver concrètement que la somme investie n’est pas justifiable. Autrement dit, pourquoi la Roma ne pourrait pas lâcher 22 patates sur le brillant international italien Bryan Cristante ?

Une affaire de famille

Concernant la Lazio, l’enquête menée par le parquet de Tivoli est beaucoup plus avancée, puisque les enquêteurs sont sur le dossier depuis de nombreux mois. Et les faits reprochés à l’actuel dauphin du Napoli sont relativement similaires :  « factures falsifiées », « déclarations frauduleuses » ou encore « émission de factures pour des transactions inexistantes ». Problème : ces magouilles ont été faites avec un seul club : la Salernitana. Étrangement, Claudio Lotito, l’actuel président de la Lazio, a aussi été à la tête du club de Salerne pendant dix ans (de 2011 à 2021), facilitant du même coup l’entretien de liens étroits entre le Latium et la Campanie.

Les enquêteurs reprochent à ces deux clubs d’avoir mené leurs petites affaires de plus-values fictives dans le but d’arrondir les comptes. Au total, sept transferts entre la Lazio et la Salernitana sont dans le viseur de la justice, dont celui de Jean-Daniel Akpa-Akpro en septembre 2020, qui quittera Salerne pour la capitale et la modique somme de 12,7 millions d’euros. « L’argent pour ce transfert est totalement justifié, puisque Akpa-Akpro était capitaine de Toulouse avant et a ensuite joué la Ligue des champions avec nous. Il n’existe pas de prix gonflés et des plus-values fictives, soyons sérieux », se justifiait par ailleurs Claudio Lotito chez Il Messagero. D’autres transactions entre les deux clubs seraient suspectes, comme celle de Mattia Sprocati, qui rejoindra la Lazio à l’été 2018 pour 3,25 millions d’euros. Il n’enfilera jamais la tunique romaine et sera vendu un an plus tard à Parme. « Il faut faire la différence entre une plus-value fictive et une valorisation », philosophait l’ancien directeur sportif de la Salernitana (2014-2022), Angelo Fabiani.

Ok Jamy, mais que risque la Roma et la Lazio ?

Forcément, face à cette enquête menée par la justice italienne, sous la tutelle du parquet de Rome et de Tivoli, les deux clubs ont décidé de calmer les choses par un communiqué. « Nous sommes une maison de cristal, tous les documents sont en place et disponibles. Nous avons une grande confiance en la justice et nous restons persuadés que nous dissiperons rapidement tout malentendu concernant ces allégations », explique ainsi Claudio Lotito. Même topo chez le voisin romain qui « prend note de l’affaire » et souhaite « collaborer avec la justice », estimant « avoir travaillé dans les règles et dans le respect de la réglementation en vigueur. »

Mais les deux enquêtes avancent de manière inégale : le parquet de Tivoli serait déjà particulièrement avancé, au contraire de celui de Rome. Qui dit parquet dit juridique et pénal. À l’heure actuelle, ces enquêtes n’ont pas encore été transmises à la Fédération italienne de football (FIGC) et le seront une fois terminées. C’est à partir de ce moment-là que le procureur de la FIGC, Giuseppe Chiné, pourra statuer sur de possibles sanctions. Comme évoqué par la Gazzetta dello Sport, ce dernier a déjà du pain sur la planche avec l’affaire « Prisma » et ne devrait donc pas plonger dans les dossiers romains avant cet été. Les possibles sanctions ne seront donc pas appliquées sur l’exercice 2022-2023, mais à partir de la saison prochaine.

Néanmoins, si ce dossier est moins important que celui de la Juve, les deux écuries (ainsi que la Salernitana) encourent tout de même de potentielles sanctions sportives pouvant aller jusqu’à la rétrogradation. Il faudra attendre plusieurs mois et que ce dossier soit transmis à la FIGC pour s’avancer sur de possibles punitions. Ces derniers mois, la justice italienne a un œil plus qu’aiguisé sur le monde du ballon rond. Plusieurs perquisitions ont déjà été menées concernant le transfert de Victor Osimhen à Naples, mais d’autres transferts sont jugés suspicieux, dont celui des frères Tramoni, Matteo et Lisandru, qui avaient quitté Ajaccio pour Cagliari. Si le foot italien retrouve un peu de sa superbe en façade (trois clubs sont engagés en quarts de finale de Ligue des champions), l’arrière de la cuisine est néanmoins loin d’être tout propre.

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