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Roma/Lazio, le derby d’après
C’est une atmosphère étrange qui règne à Rome ces derniers jours. Cet après-midi, c’est le derby de Rome, celui qui l’on considère comme le match le plus important de l’année. Oui, sauf que, depuis le 26 mai dernier, le rapport au derby a changé. La preuve.
C’est la 71e minute. La minute qui a tout changé. Stefano Mauri lance Antonio Candreva dans la surface. L’international italien centre fort devant le but et Lobont, le gardien de la Roma, la dévie juste ce qu’il faut pour empêcher Marquinhos d’intervenir. Le ballon atterrit sur les pieds de Lulić, qui n’a plus qu’à la pousser au fond du pied droit. C’est le but qui change l’histoire du derby de Rome. Jamais les deux équipes ne s’étaient affrontées en finale de Coupe d’Italie. Jamais la victoire n’avait fait autant jouir les tifosi laziali. Jamais la défaite n’avait autant fait souffrir les tifosi romanisti. Vu de l’extérieur, on peut avoir du mal à comprendre. Après tout, il ne s’agit « que » d’une finale de Coupe d’Italie. Ce n’est pas comme si le Scudetto avait été attribué, ou que les deux formations avaient disputé une finale de C1. Mais à Rome, c’est tout comme. Une victoire face à l’ennemi juré, et c’est la tranquillité et l’allégresse pendant les six mois qui suivent. Alors, imaginez donc un derby qui attribue à la fois un trophée et une place en Coupe d’Europe… Voilà pourquoi, depuis le 26 mai, Rome est devenue bleu ciel. Après le match, les tifosi giallorossi ont demandé des comptes aux dirigeants. Franco Baldini, le directeur général, a préféré se tirer à Tottenham, tandis que les autres ont dû faire le dos rond, encaisser les critiques et reconstruire. Ceux de la Lazio, pour leur part, ont passé le plus bel été de leur vie, en se pavanant et en chambrant leurs rivaux à chaque occasion. Cet après-midi, tout ce petit monde va se retrouver au Stadio olimpico, pour le premier derby de l’an 1 après Lulić.
Une marque indélébile dans l’histoire
Un derby reste un derby. Avec ses tensions, ses pressions et ses envies d’écraser l’adversaire. Mais cette fois-ci, bizarrement, quelque chose a changé. Du moins dans l’approche. Ils sont nombreux, dans le camp laziale, à considérer qu’ils n’ont plus rien à prouver contre la Roma, puisqu’ils ont « déjà gagné le derby » . Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’en juin dernier, les supporters de la Lazio se sont rendus dans les rues de la capitale pour célébrer l’enterrement de la Roma, avec notamment des banderoles faisant allusion à la disparation de la Louve (la plus belle étant une photo de Haley Joel Osment, le jeune héros du film Sixième Sens, avec l’inscription « Je vois des Romanisti morts » ). À quelques détails près, on serait presque dans le même cas de figure que le France-Italie, en éliminatoires de l’Euro 2008, qui s’était déroulé deux mois après le triomphe de la Squadra Azzurra en finale de la Coupe du monde. La France s’était imposée, mais les Italiens n’en avaient strictement rien à foutre : ils avaient gagné le France-Italie qu’il fallait gagner. Le sentiment est un peu le même, aujourd’hui, du côté de la Lazio.
Certes, perdre un derby ne fait jamais plaisir. Mais perdre ce derby-là, celui qui arrive quatre mois après le 26 mai, serait presque indolore (on dit bien « presque » ). Parce que rien ne pourra effacer ce qui s’est passé en mai dernier. « Cette finale, et ce but de Lulić, sont une marque indélébile dans l’histoire de la Roma, et nous devrons la porter derrière nous toute notre vie » , avait assuré l’éditorialiste romain (tifoso de la Roma) Tonino Cagnucci. On l’aura compris : à l’inverse de ceux de la Lazio, les supporters de la Roma vivraient très mal le fait de perdre encore. D’autant que le derby commence à devenir un putain de tabou. La Roma ne l’a en effet plus gagné depuis mars 2011, un succès 2-0 grâce à un doublé de Totti (who else ?). Depuis, la Roma et la Lazio se sont affrontées cinq fois, pour un bilan de 4 victoires laziale (2-1, 2-1, 3-2, 1-0, toujours un but d’écart) et un match nul (1-1). Il est temps de le rompre, ce mauvais sort.
Tous buteurs
Et la Roma semble bien partie. En effet, la Magica réalise un début de saison parfait : trois matchs, trois victoires et une place de co-leader avec le Napoli. Rudi Garcia semble avoir trouvé les mots justes pour motiver les troupes, renforcées cet été par les arrivées de Maicon, Benatia, Strootman, Ljajić et Gervinho. Alors, certes, la Roma n’a pour le moment pas affronté de cadors. Mais les trois matchs face à Livourne, au Hellas Vérone et à Parme ont déjà permis de tirer des premières conclusions. Déjà, la défense, qui était l’un des gros points faibles sous Luis Enrique et Zeman, va mieux. L’arrivée d’un joueur d’expérience comme Benatia a dynamisé ce secteur, à tel point que la Roma n’a encaissé qu’un seul but en trois journées de championnat.
Sur le plan offensif, ce n’est pas mal non plus. Déjà huit buts marqués, et sept buteurs différents : Florenzi (2), De Rossi, Maicon, Pjanić, Ljajić, Totti et Strootman, preuve que Rudi Garcia veut faire du collectif sa grande force. Une curiosité : la Roma a pour le moment inscrit l’intégralité de ses buts en seconde période. Là aussi, un signal fort, puisque, la saison dernière, l’équipe giallorossa avait pris l’habitude de commencer fort ses matchs, et de s’écrouler en deuxième mi-temps. Comme si la défaite du 26 mai avait permis à tout le clan giallorosso de faire un énorme examen de conscience, et de repartir sur de nouvelles bases. Le couteau entre les dents.
Un quatrième derby pour Petko
Côté laziale, l’ambiance n’est pas franchement la même. De l’aveu-même du coach, Vladimir Petković, son équipe a peut-être trop surfé sur l’enthousiasme de la victoire du 26 mai : « Certains ont peut-être pensé que cette victoire était un point d’arrivée alors qu’il s’agit d’un point de départ » , a-t-il affirmé pour remobiliser tout le monde. Ainsi, pour son premier match de la saison, certainement trop sûre d’elle, la Lazio s’est fait déboiter par la Juve en Supercoupe d’Italie (4-0). Deux semaines plus tard, rebelote en championnat, cette fois-ci, 4-1 au Juventus Stadium. Mais hormis ces deux baffes subies contre le champion en titre, la Lazio réalise un début de saison plutôt correct. Les Biancocelesti ont battu l’Udinese (2-1) et le Chievo (3-0), avant de réussir jeudi leur entrée en Europa League, avec un succès 1-0 contre le Légia Varsovie. Les deux derniers succès, face au Chievo et au Legia, permettent évidemment au coach bosnien d’aborder son quatrième derby avec plus de sérénité que s’il l’avait affronté juste après la deuxième rouste turinoise.
Pourtant, étrangement, cette Lazio semble moins forte que la saison passée. Paradoxal, puisqu’aucun joueur n’est parti cet été, et que Petković peut donc pratiquement miser sur le même onze que l’an dernier. Oui, mais c’est bien là le problème. Car la Coupe d’Italie gagnée contre la Roma a été l’arbre qui cache la forêt. L’an dernier, la Lazio a réalisé une phase retour catastrophique, en ne prenant que 22 points en 19 journées de championnat (1,15 point par match). Un total catastrophique, lorsque l’on sait que Sienne et Palerme, relégués à la fin de la saison, en ont respectivement pris 19 et 17. Bref, avec les mêmes armes à disposition et quelques nouvelles recrues qui tardent à se faire voir (Biglia a joué un match et demi, puis a été mis sur le banc, Novaretti a disputé un match et a été nullissime, Felipe Anderson, Vinicius, Elez et Bryan Perea n’ont pas encore joué), le sergent Petko doit réaliser de nouveaux miracles. À commencer par gagner le derby. Sans pression, vraiment ?
Par Eric Maggiori