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Roma : de l’amour et des doutes
La Roma demeure probablement l’équipe la plus romantique de Serie A, au sens premier du terme. Hier, ses supporters l’ont prouvé : malgré la défaite contre la Lazio en finale de Coupe d’Italie, malgré les départs, malgré les doutes, ils étaient entre 25 et 30 000 à venir applaudir l’équipe pour la présentation officielle. Amore, amore…
Une banderole, par-dessus le reste. « Ne pas savoir remédier à une défaite est encore pire que la défaite en elle-même. » Voilà le message que les tifosi de la Curva Sud, hier après-midi, ont fait passer à leur équipe, pendant l’hymne officiel du club. Dans ce message, il y a tout : l’amour, les doutes, le pardon, mais aussi, et surtout, une mise en garde. Le 26 mai dernier, les supporters de la Roma ont connu l’une des trois pages les plus noires de leur histoire, après (ou avant ?) Roma-Liverpool 1984 (finale de Ligue des champions perdue aux tirs au but à domicile) et Roma-Lecce 1986 (défaite à une journée de la fin contre un club déjà relégué et perte du Scudetto). Une défaite en finale de Coupe d’Italie contre l’ennemi juré, la Lazio. Une défaite traumatisante, à tel point que, ce jour-là, les tifosi giallorossi, pourtant réputés pour être toujours proches de leur équipe même dans la défaite, avaient déserté les travées du stade dès le coup de sifflet final, laissant les joueurs seuls face à leur échec. Trois mois se sont écoulés. Les cicatrices sont toujours là, évidemment. Et les Laziali ne se gêneront pas, dès qu’ils en auront l’occasion, pour rappeler cette date désormais gravée dans l’histoire des deux clubs. D’ailleurs, hier, pendant la présentation des joueurs, un avion a survolé le stade, avec ce message : « 26-05-2013 : La vérité réelle, c’est qu’on vous a fait mal » . Sifflets et huées dans le Stadio olimpico. Preuve que la défaite brûle encore. Et qu’il va falloir « y remédier » . D’où la banderole.
Encore 50 millions à investir
Si la présence de plus de 25 000 personnes au stade, hier, est une véritable preuve d’amour, le doute est omniprésent chez les supporters. Il faut le dire, cet été, la Roma a fait une grande lessive. Marquinhos est parti, suivi de Tachtsidis, Stekelenburg, Goicoechea, Bojan (prêté la saison dernière à Milan), Nico López et, bien sûr, Osvaldo. Potentiellement 4 ou 5 titulaires de la saison dernière. En contrepartie sont arrivés Strootman (déjà blessé), Maicon, Benatia, De Sanctis, Gervinho et le jeune Jedvaj. Et le mercato n’est probablement pas terminé, puisque Lamela va très certainement s’engager avec Tottenham pour 35 millions d’euros avant la fin de la semaine. D’ailleurs, hier, l’Argentin a participé à la présentation, a été très applaudi par les tifosi (preuve d’amour, encore, pour le pousser à rester), mais sa fiancée, sur Twitter, a publié une message qui prête à polémique : « Quelle farce… » Le message a été immédiatement supprimé. Mais il semble clair : Lamela sait déjà qu’il va partir, et, s’il a participé à l’Open Day d’hier, c’est uniquement pour des raisons diplomatiques.
Mais forcément, ce départ pose de vraies interrogations. Nous sommes désormais à trois jours du début officiel de la Serie A (la Roma ira jouer à Livourne), et la Roma ne sait toujours pas qui composera son onze. Lamela était censé être l’un des joueurs clefs de la formation de Rudi Garcia, l’un de ceux sur qui la Roma devait construire l’avenir. Son départ va chambouler les choses et va surtout entraîner une arrivée, voire peut-être deux. Depuis le début du mercato, la Roma a en effet dépensé 49,4 millions d’euros. Mais, à côté de cela, le club romanista a encaissé 70,8 millions d’euros de ses départs, auxquels vont donc probablement s’ajouter les 35 millions de la vente de Lamela. En tout, donc, les dirigeants ont encore, au moins, 50 millions à investir. De quoi piocher sereinement dans la petite liste de Rudi Garcia, où apparaissent les noms de Demba Ba, Nani, Matri, Ljajić, Gilardino, Gonzalo Bergessio et Abel Hernandez. Deux recrues de poids ne seraient évidemment pas un luxe, considérant aussi la blessure de Destro qui, de son propre aveu, ne sait « toujours pas quand il reviendra » . Rassurant.
Totti applaudi, Andreazzoli hué
De l’amour, encore. Hier, chaque joueur de la Roma a reçu un traitement différent de la part des tifosi. Le plus applaudi, et ce n’est pas franchement une surprise, c’est Francesco Totti, l’intouchable capitaine. Le numéro 10 a répondu. « Nous devons seulement remercier les tifosi, qui nous ont toujours soutenus (ah, vraiment ?) et qui, aujourd’hui, ont démontré l’amour pour ce maillot. Nous donnerons le meilleur de nous-mêmes pour les remercier et nous faire pardonner. Les supporters savent ce que je ressens après cette défaite, et je sais ce qu’ils ressentent » , a-t-il affirmé. Des applaudissements aussi pour De Rossi, qui est finalement toujours là, pour Maicon et pour Morgan De Sanctis, le nouveau gardien de l’équipe. Des sifflets, en revanche, pour le gardien Bogdan Lobont, « coupable » , selon les tifosi, d’avoir été à l’origine du but décisif de Lulić lors de la finale contre la Lazio, et pour Andreazzoli, coach de la Roma le jour de la « grande défaite » . Des sifflets pour les anciens, des applaudissements pour les nouveaux et pour les fidèles, le message subliminal est clair : oublier les deux saisons qui viennent de s’écouler, repartir sur de nouvelles bases, tout en s’appuyant sur les Romains de cœur.
Et Rudi Garcia, dans tout ça ? Les médias italiens, le Corriere dello Sport et la Repubblica en tête, affirment que l’entraîneur a été sifflé lors de la présentation, notamment à cause des déclarations faites lors de son arrivée à Rome ( « ceux qui contestent l’équipe sont des Laziali » ). En réalité, les sifflets, au moment où Rudi Garcia se présentait à ses nouveaux supporters, étaient surtout destinés à l’avion loué par les tifosi de la Lazio qui survolait le stade pile à cet instant. « Je suis très heureux de voir tant de monde au stade, a affirmé l’ancien technicien du LOSC. Vous pouvez être sûrs d’une chose : nous ferons le maximum pour que vous, tifosi, soyez fiers de cette équipe. » Des promesses qu’il va falloir tenir. Voilà deux ans (Luis Enrique, Zeman, Andreazzoli), que les supporters entendent des promesses, mais qu’ils se retrouvent bredouilles, sans titre, sans Europe, au moment de faire les comptes. Les doutes subsistent (qui en attaque ? avec ou sans Lamela ? quid de la blessure de Destro ?), mais les sentiments demeurent intacts. Aux joueurs de la Roma, et à l’ami Rudi Garcia, d’être dignes de cet amour éternel.
Eric Maggiori